Mobiliser les moyens pour les nouvelles ambitions

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Pour une meilleure garantie de leur réussite sur le terrain, les programmes de reboisement initiés au cours de ces dernières années ont tendance à s’appuyer sur la consécration du principe de la réussite de l’itinéraire technique allant de la récolte de la graine à la plantation elle-même, en passant par l’élevage en pépinière du jeune plant.

A ce titre, les opérations de repeuplement des anciennes forêts de chêne-liège et les actions d’extension des superficies destinées à cette noble espèce sont considérées comme étant des axes prioritaires de l’action de l’administration des forêts depuis les cinq dernières années.

En effet, les différentes agressions qu’a eu à subir la forêt algérienne ont porté un coup fatal à des pans entiers de la suberaie. Incendies, défrichement et coupes ont ainsi crée de grandes trouées à l’intérieur du tissu sylvicole au cours des quinze dernières années. Pour parer à cette grave situation, la direction générale des forêts a élaboré des programmes de repeuplement et de nouvelles plantations dans la plupart des wilayas du Nord où la présence de l’espèce chêne liège est signalée.

Pour mener à bien ces programmes, l’administration des forêts s’est appuyée sur la pépinière de Guerbès, dans la wilaya de Skikda, spécialisée dans la production de jeunes plants. On ne peut, en effet, réussir un programme de plantation sans avoir réussi au préalable à préparer le lieu de production de plants. Sachant que l’élevage des glands pose un certain nombre de problèmes techniques, il a été décidé de concentrer tous les efforts des différents acteurs sur une pépinière pour laquelle des moyens techniques modernes ont été mobilisés.

Pour la matière première, à savoir les glands de chêne-liège, la pépinière de Guerbès a recours aux approvisionnements qui lui parviennent de toutes les wilayas productrices de liège, depuis Tlemcen à l’ouest jusqu’à El Tarf, à l’est. Après la campagne de récolte de glands, les conservations des forêts concernées acheminent les sacs remplis de glands sur la pépinière de Guerbès. De même, pour leurs besoins respectifs en plants de chêne-liège lors des campagnes de reboisement, les wilayas subericoles acquièrent les quantités nécessaires auprès de la même pépinière après avoir passé commande bien avant le début de campagne. La relance et la réhabilitation de la filière du liège, en tant qu’activité industrielle porteuse de plus-value et éligible à l’exportation, bénéficie d’une forte intervention forte des pouvoirs publics par le biais de la direction générale des forêts. Il s’agit non seulement de réhabiliter les anciennes chênaies par des opérations de repeuplement, de densification et d’assainissement sylvicole, mais également de faire porter l’ambition de l’extension de l’aire géographique de cette espèce aussi loin que possible.

Cela suppose aussi, à moyen terme, la relance de l’industrie du liège et de l’organisation des métiers liés à la transformation de cette matière première.

En tout cas, dans la nouvelle stratégie du développement de la filière du liège, la maîtrise du segment amont du processus- à savoir la récolte de glands et la production des plants en pépinière- semble être l’atout qu’il importe de fortifier et de pérenniser. Néanmoins, les autres maillons de la chaîne- à savoir le transport des plants, leur mise en terre et l’entretien des plantations-ne sont pas moins importants. Les conservations des forêts au niveau des wilayas concernées par ces opérations confient leur réalisation à des entreprises de travaux forestiers.

Un capital fragile

Ces dernières, une fois qu’elles signent les contrats relatifs au programme de plantation, acquièrent les plants au niveau de la pépinière de Guerbès qu’elles transportent jusqu’aux lieux de plantation. Les travaux d’entretien consistent en la confection des cuvettes pour le stockage de l’eau de pluie, le binage et l’arrosage pendant la période estivale.

À l’état naturel, le chêne-liège occupe en Algérie une superficie de 460 000 hectares . Jusqu’aux années soixante du siècle dernier, la matière liège représentait une source d’argent via son exportation au même titre que le vin et l’orange. La régression qui le frappera graduellement à partir des années 1980 n’était pas due uniquement à un contexte spécifique touchant tous les produits agricoles et forestiers, mais aussi à une substitution d’une rente naturelle supposée pérenne par une rente, pétrolière, non renouvelable dont l’essor commercial à l’échelle de la planète est si florissant qu’il a fini par reléguer à l’arrière-plan les anciens produits d’exportation. Les statistiques des années fastes de l’exportation de cette matière première nous apprennent que notre pays était pendant la colonisation le premier producteur de liège au niveau mondial. Les autres pays producteurs sont principalement le Portugal, l’Espagne, l’Italie, le Maroc, la Tunisie et la France. Actuellement , l’Algérie occupe le troisième rang (7% de la production mondiale) après le Portugal (57%) et l’Espagne (23%). Le Portugal possède un patrimoine de liège évalué à 700 000 ha ( 100 000 ha de plus par rapport aux années cinquante), l’Espagne en possède 450 000 ha et le Maroc 350 000 ha .

Sur l’ensemble des matières premières dont dispose l’Algérie, le liège est sans doute le plus le plus fragile vu le contexte écologique, social et économique dans lequel il évolue. Depuis l’Indépendance, la courbe de la production de liège a subi un mouvement descendant au gré des possibilités d’exploitation, elles-mêmes dépendant de la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée, de l’état des peuplements et des potentialités des entreprises de transformations. Les réserves actuelles sur le terrain sont estimées à 300 000 quintaux/an, alors que les chiffres de l’exploitation effective sont très loin de ce potentiel. A titre d’exemple, seuls 18 543 quintaux ont été récoltés en 2005 ; de ce volume, ont été commercialisés 2915 quintaux, le reste étant resté en stock. En 2006, le volume récolté est de 19 870 quintaux. La production de 2004 était évaluée à 80 000 quintaux, alors qu’elle était de 400 000 quintaux en…1940. Il est vrai que la régression de la production a touché l’ensemble du bassin méditerranéen puisque celle-ci s’est stabilisée au cours des dernières années autour de 350 000qx. Le marché mondial de la production de liège représente 1,5 milliards de dollars dont les deux tiers reviennent à l’industrie des bouchons. Le reste étant constitué de matériaux d’isolation acoustique et thermique, de carrelage (revêtements muraux et décoratifs) et de pièces accessoires de certains dispositifs mécaniques. On estime le pourcentage du liège algérien éligible à l’exportation- du point de vue de la qualité- à 50% du total de la production.

Dans les programmes à long terme du ministère de l’Agriculture et du Développement rural, le plan national de reboisement table sur des plantations de l’ordre de 100 000 hectares par an dans les zones potentielles de l’Algérie du Nord. Dans les zones sahariennes, c’est particulièrement le palmier-dattier qui est visé par les programmes de plantation de façon à étendre son aire au niveau des oasis.

Pour qu’ils soient rationnellement dirigés et bien rentabilisés, les efforts des pouvoirs publics en matière de reboisement comptent, entre autres facteurs, sur deux données essentielles : la réhabilitation et le renfoncement des pépinières de production de plants et la création d’une entreprise publique de génie rural, effective depuis le début 2011. Le premier facteur- la pépinière- permettra de rendre disponible les plants forestiers en qualité et en quantité. La qualité signifie, dans ce cas de figure, la vigueur du plant au niveau morphologique et physiologique et la diversité des espèces. Cette dernière préoccupation est soulevée par l’ensemble des techniciens pour sortir de la monoculture de pin d’Alep. Le danger de la monoculture est connu aussi bien dans la propagation des maladies (une petite maladie peut évoluer en épidémie) que dans la propagation du feu. Des espèces plus ignifuges au milieu des reboisements permettront de ralentir substantiellement l’avancée des feux de forêts.

La maîtrise du processus en question

Il est évident que pour réussir des pépinières performantes, il importe de les encadrer dans le créneau de la récolte de la graine- en leur imposant des gisements dans les peuplements porte-graines bien certifiés par les instituts de recherche à l’image de l’INRF- et en contrôlant le processus de production jusqu’à la fin (préparation du terreau, sacherie, travaux d’entretien,…).

Quant aux entreprises de réalisation des travaux de reboisements, le professionnalisme a réellement régressé depuis l’ouverture de l’économie nationale au secteur privé. C’est que, pour réaliser une telle ouverture au milieu des années 1990, aucune préparation n’a pu s’opérer dans l’assistance à la création de nouvelles entreprises. Les agréments délivrés par l’administration n’ont pas eu de prolongement sur le terrain puisque ces entreprises ne font pas travailler le cadre diplômé déclaré dans le dossier de soumission. On se contente souvent d’acheter ou de louer pour quelques mois son diplôme. Entre-temps, les anciennes entreprises publiques de réalisation périclitaient sous le poids des dettes, des plans sociaux et des fermetures. De même, les nouveaux cadres forestiers issus de l’université ne trouvaient pas de l’emploi du fait que les postes budgétaires dans la fonction publique étaient devenues une denrée rare. Néanmoins, certains d’entre eux, par le moyen du dispositif de micro-crédits, ont réussi à créer des entreprises. Mais, face à la rigidité du code des marchés publics, il est difficile de s’imposer sur la scène et le plan de charges n’est pas garanti du premier coup. Sur ce plan, les choses semblent s’éclaircir davantage avec la nouvelle entreprise publique de génie rural (EAGR) destinée à prendre en charge les programmes du ministère de l’Agriculture. Depuis janvier 2011, il a été décidé de confier les marchés de développement rural de gré à gré à cette nouvelle entreprise. Il s’agit de programmes financés sur les fonds du ministère de l’Agriculture (Fonds de mise en valeur des terres par la concession, fonds du développement de la steppe,…).

Amar Naït Messaoud

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