"La toxicomanie est un phénomène multidimensionnel"

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Membre de l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie dirigée par le Pr Ridouh, le directeur du CHU de Tizi Ouzou,le Pr Ziri, nous donne son avis sur la question. Il s’étalera notamment sur le profil du toxicomane et le rapport de la loi au phénomène

Entretiens réalisés par Omar Zeghni :

La Dépêche de Kabylie : Quelle est la Situation du phénomène de drogue en Algérie ?

Pr Ziri : Les premières années de l’indépendance, l’Algérie n’a pas connu le fléau de

toxicomanie, ce n’est qu’à partir des années 70 que les premières quantités de drogues ont été saisies, ce qui a suscité la promulgation de la première loi sur la répression du trafic de drogue. S’ajoute à cela ,la mondialisation qui a permis l’ouverture de l’Algérie vers les autres pays ce qui a favorisé la circulation des marchandises et des personnes. Ces éléments constituent sans aucun doute des facteurs favorisant à la circulation et l’usage de la drogue au sein de la jeunesse algérienne. Aujourd’hui, ce fléau constitue un danger réel dont l’évolution est assez inquiétante ces dernières années, les études réalisées depuis 1990 ont démontré que le phénomène de la toxicomanie est en extension, il concerne le plus souvent un jeune adulte, célibataire, au chômage, La consommation se fait le plus souvent en groupe. Les produits utilisés sont: le cannabis, l’alcool, les psychotropes (benzodiazépines), les solvants et les drogues dures. La moyenne d’âge de la première consommation se situe entre 17 – 18 ans. Signalant que la polytoxicomanie est le mode le plus utilisé (psychotropes, alcool, cannabis).

Quels sont justement les mécanismes de lutte contre le phénomène dans notre pays ?

Je dois souligné qu’en Algérie, la lutte contre la propagation de la drogue et la toxicomanie se base sur le triptyque prévention – soins – répression, à ce titre des réflexions et des actions ont été initiées depuis déjà quelques années ,par le ministère de la Santé par la création en 1992 d’une commission nationale multisectorielle de lutte contre la toxicomanie, l’évolution de ce phénomène a amené les pouvoirs publics à créer en 1997, l’Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, ce dernier a été installé en 2002, placé sous l’autorité du Chef du Gouvernement, puis sous tutelle du ministère de la Justice. Cet organe est à vocation multidisciplinaire, il est composé des différents secteurs ayant en charge le problème de toxicomanie, dont le ministère de la Santé. La mission de l’office national de Lutte contre la drogue et la toxicomanie répond à plusieurs objectifs.

Les drogues les plus répandues dans notre pays ?

L’Algérie à l’instar des autres pays du monde, n’a pas été épargnée par  » ce fléau « , qui est aggravé par la situation géographique au voisinage du Maroc premier producteur de cannabis dans le monde (60% de la production mondiale), ainsi que les pays du Sud du Sahara. Le cannabis reste la drogue la plus prisée les toxicomanes algériens avant les psychotropes.

Comment se présente les symptômes d’un toxicomane ?

La toxicomanie est un phénomène multidimensionnel de nature biopsychosociale.Les phénomènes liés à la toxicomanie des jeunes ne se définissent pas par les produits utilisés, mais par les caractéristiques et la personnalité de celui qui les consomme. La problématique de la co-morbidité trouble de la personnalité/toxicomanie constitue une question d’un intérêt particulier puisque les troubles de la personnalité sont fréquemment présents dans le profil de sujets ayant également un diagnostic de trouble lié à une substance psychoactive. Contrairement à ce que l’on pense, ce n’est pas tout le monde qui devient toxicomane, et de présenter des dépendances pathologiques. Il est bon de rappeler que pour en être menacé il faut présenter une vulnérabilité et une fragilité qui datent de bien avant la première consommation de produits psychotropes. Il s’agit souvent de perturbations de la personnalité et de l’affectivité qui émergent au moment de l’adolescence, période de la vie charnière. Un individu qui possède une personnalité dite “saine” démontre une habileté de fonctionner de façon autonome et compétente, une tendance à s’adapter à son environnement d’une façon efficace, une capacité à atteindre ses buts ainsi qu’une sensation subjective de satisfaction .Les sujets présentant un trouble de la personnalité en viennent à être incapables de répondre d’une façon adaptée aux situations courantes. Ils présentent un niveau de stress psychosocial élevé une difficulté à répondre de façon optimale aux demandes de l’environnement, une tendance à se retrouver de façon répétitive dans des situations d’échec et ils ressentent généralement une détresse subjective.

Y a-t-il des liens entre les troubles de la personnalité et la toxicomanie ?

Pour répondre à votre question, j’évoquerais trois possibilités. La première stipule que les troubles de la personnalité entraînent le développement de la toxicomanie .La deuxième: perçoit les troubles de la personnalité comme une conséquence de la toxicomanie et la troisième position : ne reconnaît pas de lien étiologique entre ces deux types de troubles mais suggère un développement parallèle ou la présence d’un facteur étiologique commun.

La personnalité du toxicomane existe-elle ?

Il existe différentes théories concernant la personnalité du toxicomane. En effet, certaines hypothèses défendent l’existence d’une structure psychologique particulière chez les sujets toxicomanes (en particulier chez les héroïnomanes), qui renvoient l’image d’une personne égocentrique, impulsive, incapable de respecter les lieux, les personnes et les règles,alors que d’autres définissent la toxicomanie comme le symptôme de souffrance psychique ressentie par des sujets extrêmement variés, dont la structure psychologique n’a rien de spécifique puisqu’elle entre dans les catégories habituelles de la maladie mentale.

Comment justement s’opère une expertise psychiatrique chez le toxicomane ?

L’expertise se définie comme le recours de l’institution judiciaire à l’avis d’un technicien « l’expert psychiatre » pour éclairer une situation particulière. L’expertise judiciaire psychiatrique est donc la demande d’un avis technique qu’adresse une juridiction judiciaire à un psychiatre pour connaître son point de vue notamment sur l’état des facultés mentales d’un sujet et sa responsabilité. Il s’agit d’une mesure d’instruction ordonnée par l’autorité judiciaire. Les trois principaux acteurs de l’expertise psychiatrique sont : Le sujet., le médecin qui n’intervient pas en tant que thérapeute et l’instance requérante. Cette dernière pourra ne pas tout connaître de ce qui a pu se dire lors des entretiens entre le sujet et l’expert, ce dernier est tenu au secret médical en ce qui ne concerne pas directement sa mission.

O .Z.

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