Aït Imghour, le village aux cent martyrs

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Aït Imghour est un village de la commune de Mechtras, à 35 km au sud du chef-lieu de wilaya de Tizi-Ouzou. Ce patelin de 2 500 habitants, répartis sur cinq grands hameaux, à savoir Aït Amar, Aït Bouhamssi, Cheurfa, Tigmi et El Djama Bougni, est niché à près de 600 mètres d’altitude. Aït Imghour est un village martyr qui a donné à la glorieuse révolution armée une centaine de ses meilleurs enfants. En un seul jour, soit le 9 octobre 1958, l’armée coloniale à fusillé sur la placette du village 7 Chouhada.

Un jour que tous les hommes et les femmes de ce village ayant vécu cette atrocité et ces abominables crimes n’oublieront sans doute jamais. Comme la plupart des villages de haute montagne, il faut toujours monter pour atteindre cette destination. En bifurquant sur la droite au niveau de la RN30, longeant le chef-lieu de la commune de Mechtras, juste après la pompe à essence, la montée devient inévitable. Première remarque : le chemin communal est bien revêtu en béton bitumineux, les caniveaux sont aussi là entretenus…

Çà vous frappe dès les premières minutes, c’est indéniablement propre, les lieux sont nets. En effet, il est rare d’apercevoir un sachet noir, une canette ou bouteille vide, les caniveaux servent enfin à leur mission initiale, accueillir les eaux pluviales au lieu de servir de réceptacle de déchets, comme c’est le cas aux localités environnantes : Ighil Oumenchar, Ouadhias, Tizi Ntléta, Maatkas et Souk el Tenine.

En effet, en empruntant le CW 147 au niveau notamment d’Ighil Oumechar entre Souk El Tenine et Mechtras, le visiteur pourrait remarquer que les ordures, les décharges sauvages et des monticules de déchets hétéroclites foisonnement, on dirait que ce n’est pas la même région. Un paradoxe incompréhensible. En somme, à Ait Imghour, il parrait évident que la collecte des ordures ménagères est régulière et le civisme des habitants n’est pas à démontrer.

L’environnement est respecté. Un bon point à mettre à l’actif des villageois d’Ait Imghour. Sur la route, on a pu apercevoir un jeune occupé à récupérer des objets en plastique jetés et à les entreposer dans un local pour les revendre à des entreprises de récupération et de recyclage. Voilà une donne qui fait qu’il est rare de voir du plastique à travers quasiment tout le village. Un jeune rencontré au centre du village confirme : «Chez nous, la collecte est régulière et quotidienne. L’alarme du village est actionnée entre 7 et 8 heures à l’arrivée de la benne-tasseuse. Les habitants sortent leurs déchets. Une fois l’heure passée, les ménages gardent leurs déchets jusqu’au lendemain. La consigne est respectée par tous les résidents», nous apprendra notre interlocuteur.

Ici, l’environnement a un sens

Concernant le réseau routier, il faut reconnaître que son état est bon. L’axe principal est en béton bitumineux. Plusieurs autres axes à l’intérieur du village sont également en béton bitumineux tandis que d’autres ont été bétonnés. «La collaboration entre le comité de village et les services de la mairie a permis de revêtir ou de bétonner tous les axes routiers de notre hameau», affirme un autre jeune du village. Au centre du village, la placette «Annar Oukara» a été aménagée par le comité de village.

Des portraits de Matoub Lounes et de Slimane Azem ont été installés et une plaque commémorative à la mémoire des 7 chouhadas fusillés par l’armée française un certain 9 octobre 1958 a été fixée sur le grand mur de la placette. Les lieux servent aussi pour accueillir les réunions des villageois, les fêtes villageoises des familles qui ne disposent pas d’assez d’espace pour célébrer leurs cérémonies de mariage, de circoncision ou autres.

À signaler que dans ce village, le réseau de l’assainissement est généralisé, celui du gaz naturel aussi. Le seul problème que continuent de vivre les habitants de certains nouveaux quartiers est l’indisponibilité du réseau de l’électricité. Les branchements illicites sont toujours de mise dans ces quartiers. «En général, tous les réseaux existent notamment l’assainissement, l’AEP et le gaz naturel. Toutefois, les quartiers d’Ighil Aissi, Tuchar et Amdun totalisant des dizaines de foyers qui ne sont pas raccordés au réseau de l’électricité. Nous souhaitons que les autorités locales et à la Sonelgaz nous accordent des projets d’extension pour généraliser la couverture en électricité et d’en finir avec les tracas des coupures et des chutes de tension», plaident les habitants desdits quartiers.

La santé, le parent pauvre…

Le côté infrastructurel n’est pas aussi bien loti tel que l’aurait souhaité les habitants notamment les jeunes et les moins jeunes. L’école primaire du village est assez bien tenue. La cour est en matico, les salles de classes branchées au gaz naturel et les lieux sont tenus propres. Mais, les élèves de 5 AP poursuivent leur scolarité à Tahechat distante de trois kilomètres. Les écoliers s’y rendent toujours à pied du fait que le transport scolaire ne leur est pas assuré.

Sur cette question précise, le P/APC de Mechtras fait savoir : «Nous réfléchissons à la construction de deux salles de classe au niveau de l’école primaire du village pour rapprocher ses enfants de leurs domiciles. Mais certains parents préfèrent les laisser à Tahechat pacque ce n’est pas aussi loin (2 à 3kilometres) en plus, les parents optent pour le calme régnant à Tahechat d’autant plus que les enfants de 5 AP préparent leurs examens.

Pour ce qui est du transport, hélas nous n’avons pas de chauffeur, autrement, on leur mettra un bus spécial. De toutes les manières, nous trouverons bien une solution consensuelle avec les parents des élèves». La deuxième infrastructure étatique est le bureau de poste qui se trouve dans une situation peu reluisante. À ce sujet, le maire avance : «ce bureau de poste, malgré sa bonne réputation est en situation de dégradation. Nous avons prélevé un montant de 80 millions de centimes sur les reliquats des PCD 2019 pour le réhabiliter en attendant un véritable projet d’une nouvelle infrastructure».

Le dispensaire du village n’est pas suffisamment équipé et ne compte qu’un seul infirmier. C’est comprendre que pour se soigner, les villageois d’Aït Imghour sont contraints de se rendre à L’EPH de Boghni ou de se rabattre sur les médecins privés.

«Une maison de jeunes s’il vous plaît !»

Concernant le secteur de la Jeunesse et du sport, il existe un foyer de jeunes, réhabilité par les services communaux, qui sert de salle de karaté aux jeunes garçons et filles du village. Le stade du village est en voie d’aménagement. Une enveloppe d’un montant de 2,5 millions de dinars a été accordée en subvention de l’APW. La structure est également inscrit pour bénéficier de la pose de gazon synthétique par la Direction de wilaya de la jeunesse et des sports .

«Nous avons un petit foyer de jeunes qui sert de salle de karaté, notre stade est en voie d’être réhabilité. Il nous manque une véritable maison de jeunes pour pouvoir lancer les activités culturelles. La jeunesse de notre village a besoin de cet espace pour s’occuper à bon escient pendant les vacances et les week-ends. La DJS, l’APC et l’APW pourraient bien à travers une formule trouver un moyen pour nous réaliser cette infrastructure de jeunes qui manque tellement dans notre village», a plaidé un jeune du village. En somme, le village est propre, calme et ses habitants disciplinés.

Par ici, on ne compte ni bar, ni point de vente illicite d’alcool et encore moins de drogue. La violence et les vols sont presque inexistants. Il faut dire que le comité de village joue pleinement son rôle. Ce n’est malheureusement pas le cas dans d’autres villages de la région. En dépit de certains manques, les Ath Imghour se plaisent dans leur village. Choisir de vivre en haute montagne est souvent synonyme de difficultés et parfois de contraintes. La vie rurale n’est pas aisée pour tout le monde. Pour s’y plaire, se retrouver et trouver son équilibre, il faut être habitué, s’armer d’ingéniosité et de clairvoyance. Là haut, il n’y a pas de place à la faiblesse et à la paresse.

Car là-haut, la terre est souvent ingrate, bien que très travaillée, elle ne donne pas suffisamment. Mouloud Feraoun disait : «Nous sommes des pauvres et nous vivons sur une terre pauvre. Pour lui en tirer sa subsistance, il est demandé de mettre beaucoup plus d’énergie et de temps». La vie n’est pas toujours en rose, mais à Ait Imghour, les habitants s’y plaisent, ils ont trouvé la clé : l’union, l’entraide et le dialogue. Comme au bon vieux temps !

Hocine T.

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