«Attention à la manipulation !»

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«Notre priorité ce n’est pas d’encadrer la rue, on est sortis pour encadrer l’état algérien et le remettre sur rail», a affirmé avant-hier Karim Tabbou. S’exprimant lors d’une conférence-débat sous le thème «Impasse politique : quelles perspectives pour le pays», organisée conjointement par les comités des départements de médecine, de français et d’anglais, à l’auditorium de Hasnaoua, l’intervenant a considéré que le débat autour de l’encadrement du mouvement populaire n’était pas une priorité à l’heure actuelle.

«En ma qualité de militant, je n’essaie pas de parler au nom du mouvement. Je ne suis pas mandaté pour et je ne me donne pas le droit de parler au nom de ce mouvement», ajoute-t-il. Et d’appuyer : «Notre rôle n’est pas d’encadrer le mouvement, vous n’allez pas nous tromper et renverser les rôles, en mettant la pression de notre côté, en parlant de la nécessité d’encadrer la rue», lancera-t-il à l’adresse des tenants du pouvoir, qualifiant le mouvement populaire de «révolution».

«Une révolution pacifique», souligne-t-il, «qui remet en cause les fondements mêmes du système». «Ce n’est pas juste une histoire de dégager des personnes, c’est une prise d’actes fondateurs de la nouvelle République, la République du public».

Toujours à propos du mouvement populaire, Karim Tabbou a évoqué «les acquis» de cette révolution, parmi lesquels «avoir démontré la capacité du peuple à exercer le contrôle ; avoir consolidé l’unité nationale à travers toutes les wilayas du pays ; avoir réhabilité l’honneur national par son pacifisme; avoir brisé le mur de la peur et les traumatismes profond de la société ; avoir mis en place un processus international et réhabilité l’Algérie». Commentant l’implication des partis du pouvoir, notamment le FLN et le RND, dans le mouvement populaire, le conférencier l’a qualifiée de «ruse contre la révolution, un moyen d’infiltrer le mouvement et de le récupérer», mettant en garde contre «un plan diabolique qui est en train de se mettre en place pour infiltrer la rue à travers une armée électronique de hackers et à travers l’injection d’éléments de ces partis qui essayeront de manipuler et de récupérer le mouvement».

Perspectives et moyens de la transition

A propos des initiatives lancées par plusieurs parties, Tabbou notera : «Chacun essaye de son côté et on ne juge pas les intentions des uns et des autres». Pour les initiatives qu’il aurait signées, il a expliqué qu’il tentait de créer un espace de débat : «Je considère, du point de vue moral et politique, que chacun doit apporter un plus dans son domaine. Si je signe les contenus, je ne suis pas dans la logique de création d’appareils ni dans celle de création d’un groupe…», dira-t-il.

Pour ce qui est de la feuille de route du Président sortant Bouteflika, le conférencier a rejeté toute éventualité qu’on le voie dans le gouvernement Bédoui, ni qu’il prenne part à la conférence nationale dont il dira : «C’est une ruse pour permettre au pouvoir d’être une partie de la gestion de la transition (…)

Nous sommes en train de demander leur départ et nous allons, nous-mêmes, conduire la transition, une transition qui va aboutir à la mise en place d’une République». Par quel moyen ? «La priorité du peuple et de la rue aujourd’hui, c’est leur départ, quand ils seront partis, on mettra en place des mécanismes et des conditions pour aller vers une vraie République», répondra-t-il.

Et d’enchaîner « qu’ils déclarent officiellement aux Algériens que Bouteflika est fini c’est pour que personne ne parle plus en son nom. Donner la possibilité qu’il y ait des gens peu importe le nombre qui vont représenter tous les pluralismes qui existent dans la société à travers une instance de suppléance qui va exercer la fonction présidentielle, puis créer une instance des élections on peut se concerter.

Le mouvement ne désemplit pas. Le peuple doit rester dans la rue pendant le processus de transition, accompagner surveiller et contrôler. A partir de là, on débattra sur la meilleure proposition. L’essentiel c’est de créer les conditions d’un débat démocratique, on dépassera cette situation et on mettra en place un processus adéquat». Pour la Constitution, Karim Tabbou tranche le choix d’une assemblée constituante élue pour sa rédaction.

Quant à la question de changement du système et la gestion de la révolution, il a signifié que le changement du système «n’est pas pour aujourd’hui. Je ne crois pas qu’on pourra changer le système en un mois ni en trois, ce sera un travail collectif qui demandera beaucoup d’énergie. Mais nous sommes bien d’accord que cette révolution vise à créer les conditions d’une République nouvelle».

La question identitaire, la place de la Kabylie dans la nouvelle République, ainsi que la question des fondamentaux de cette République sont des points qui ont suscité beaucoup de débat et de divergences, mais pour Karim Tabbou, «La République du public construira l’Etat de droit, l’Etat démocratique qui garantit les libertés de chacun». Karim Tabbou précisera : «Nous ne voulons ni d’une monarchie familiale ni d’une oligarchie financière ni d’une alliance d’appareils ni d’une République bananière, nous voulons tout simplement mettre fin à la mafia !

Ils doivent partir». Le conférencier se revendique, «clairement Algérien», se démarquant «et du model de l’Occident et de celui de l’Orient». En réponse à la dernière polémique déclenchée sur les réseaux sociaux et sur laquelle sont revenus les étudiants dans leurs interventions, sur le fameux «Etat islamique» pour lequel il aurait plaidé à Bordj Bou Arreridj, Karim Tabbou a formellement démenti et s’en est défendu : «C’est une manipulation sur les réseaux sociaux. Je lisais la proclamation du 1e Novembre et ce passage sur l’islam en fait partie».

Kamela Haddoum

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