Cher le sacrifice !

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Cherté de la vie oblige, les chefs de famille à travers le territoire de la wilaya de Tizi Ouzou appréhendent l’Aïd El-Adha, craignant de ne pouvoir faire face à ses multiples dépenses.

Le prix du mouton, incontournable pour beaucoup à cette occasion, est comme les années précédentes : inabordable. Quant aux fruits et légumes, ils ont subitement atteint des pics inimaginables. A cela s’ajoutent les frais onéreux des habits neufs que doit vêtir tout enfant le jour «J», comme le veut la tradition.

La rentrée sociale qui interviendra à la fin du mois en cours n’est pas pour arranger les choses, cela sans parler de cette période de vacances et de fêtes propices à toutes les dépenses budgétivores. Le simple ouvrier ou fonctionnaire est comme pris au piège, cherchant désespérément une issue qui épargnerait son porte-monnaie. Combien d’argent faut-il à une famille de seulement quatre membres pour passer un Aïd «digne» et traverser cette «zone de turbulences pécuniaires» sans prendre le risque de s’endetter ?

Pour un fonctionnaire à l’APC, «ce n’est pas avec un salaire de 25 000 DA que l’on peut acquérir un mouton, des vêtements neufs et des victuailles pour les repas de fête». «Aussi, prévoit-il, il y a les dépenses de la rentrée scolaire. C’est pratiquement intenable ! Le mouton de l’Aïd, j’ai définitivement mis une croix dessus, je ne peux pas. Pour le reste, on se débrouillera. Il faut quand même un minimum de sacrifices pour faire plaisir aux enfants et à toute la famille».

Pour prendre la température du côté du marché aux bestiaux, nous avons visité mardi dernier le marché des Ouadhias. Sur place, l’offre ne manquait pas : les moutons de tous âges et de tous poids étaient regroupés et proposés à la vente. Seulement, les acheteurs ne se bousculaient pas, bien que l’Aïd n’y fût qu’à quelques jours. En cause, les prix étaient toujours aussi chers. Pas d’agneau au-dessous de 45 000 DA et les prix allaient jusqu’à 80 000 DA pour les béliers. Un mouton de taille et de poids moyens n’était cédé qu’à hauteur de 60 000 DA. «Ça ne baisse pas, les prix restent inchangés, on doit acheter tant que nous avons le choix. Ça ne sert à rein d’attendre, on en est qu’à quatre jours du jour J et le marché est orienté à la hausse», notait un client.

Comme d’habitude, les viandes, les fruits et les légumes repartent à la hausse

Les prix de la viande rouge locale et celle de l’importation sont pas accessibles non plus. Un kilo de viande rouge avec os est coté à 1 300 DA, le bifteck à 1 900 DA, les entrecôtes à 1900 DA également et le foie à 2 300 DA. Même les abats de bœuf ne sont pas donnés avec 200 DA le kilo ! Les pieds de veau, ce n’est pas gratuit non plus : 250 DA le kilo. Pour la viande d’importation, elle est proposée entre 1 100 et 1 150DA le kilo. S’agissant des viandes blanches, là la tendance est à la baisse. Le poulet est à 230 DA le kilo, l’escalope de dinde à 700 DA et les cuisses de dinde à 350 DA.

Concernant les légumes et les fruits, c’est brûlant. Les coûts ont augmenté rapidement. En effet, jeudi dernier au marché de Tizi-Ouzou, rien, ou presque, n’échappait à la hausse. Une augmentation brusque qu’arrivent difficilement à expliquer les vendeurs qui, quelques semaines plus tôt, affichaient des prix abordables. Une flambée qui intervient à quelques jours de l’Aïd comme pour assommer davantage le client en quête de quelque «bonne affaire» pour alléger les dépenses familiale. Ce jour-là, les tomates fraîches, qui se vendaient auparavant à 40 DA, sont grimpées à 70/80 DA le kilo. La salade, qui ne trouvait pas preneur, a atteint subitement les 120 DA. Les piments et les poivrons sont affichés à 80 DA. Les carottes, vendues habituellement à 60 DA, ont vite doublé : 120 DA le kilo. Les haricots verts et les courgettes sont cédés respectivement à 140 et 120 DA.

Les pommes de terre ne sont pas épargnées non plus puisqu’elles sont proposées à 50 DA. L’ail et l’oignon sont vendus respectivement à 150 et 40 DA le kilo. Pour les fruits : pas touche. Le raisin est à 180 DA, les pommes locales à 200 DA, les nectarines à 160 DA, les poires à 200 DA, les bananes à 280 DA, le melon et la pastèque à respectivement 80 et 50 DA. «Le marché est en feu à l’approche de l’Aïd, il est inconcevable et inacceptable ce feuilleton de la cherté qui se répète à chaque occasion. Le ministère du Commerce et celui de l’Agriculture doivent revoir leurs copies ou rentrer chez eux. Une direction ou un ministère qui n’arrivent pas à approvisionner et stabiliser le marché doivent rendre le tablier. Nous ne pouvons plus y faire face. Pour nous, l’Aïd n’est plus une fête mais un casse-tête et une source d’angoisse, contrairement aux recommandations de l’islam», dénonçaient, avant-hier, des chalands au marché de Tizi-Ouzou.

10 millions de centimes, le prix moyen de la fête pour une famille moyenne

La liste des achats de l’Aïd ne se limite pas aux produits d’alimentation, puisqu’il faut aussi des vêtements neufs pour les enfants. Et là encore, l’heure n’est pas aux bonnes affaires. Pour les garçons 6 à 12 ans, il n’y a pas de paire de basket en dessous de 1 600 DA. Les prix peuvent, bien sûr, aller jusqu’à 4 ou 5 000 DA pour des produits dits de marque. Les jeans se vendent entre 1 200 et 2 200 DA et les T-shirt entre 700 et 900 DA. Les pantalons courts en jean sont vendus à 1 800 DA et ceux en toile à partir de 1 000 DA. Des coûts qui ne concernent que la marchandise locale.

Pour les fillettes de 12 ans, les robes sont cotées à partir de 1 300 DA. Les jeans sont affichés entre 1 300 et 1 600 DA et les T-shirt à pas moins de 1 000 DA. Une paire de souliers peut aller de 600 DA à 1 000 DA et les sandales entre 700 et 1 200 DA. Questionné sur la somme qu’il faut pour passer une «bonne» fête de l’Aïd, une ménagère à Boghni, mère de deux enfants, avance un montant de 10 millions de centimes : «J’ai deux enfants, j’ai dépensé avec mon mari la somme de 18 000 DA rien que pour les effets vestimentaires neufs et de qualité. Le mouton de l’Aïd nous est revenu à 60 000 DA. Il faut ajouter environ 2 000 DA pour les fruits et les légumes. Cela sans parler des gâteaux. Avec toutes ces courses, les 10 millions de centimes sont vite atteints», précise-t-elle.

Pour les familles nombreuses, le coût de l’Aïd est naturellement plus important. N’ayant pas le choix, beaucoup doivent se passer du mouton et des vêtements neufs, se contentant de quelques kilos de viande, de gâteaux et de fruits et légumes pour festoyer. La rentrée scolaire et ses interminables dépenses, ce sont surtout les familles modestes qui gardent en tête qu’elle arrive à grands pas.

Hocine Taib

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