La crise s’exacerbe à l’EPH d’Akbou

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Pour le quatrième samedi de suite, des citoyens d’Akbou ne décolèrent visiblement pas quant à la situation jugée «catastrophique» dans laquelle se trouve l’hôpital Akloul Ali. Cette fois-ci, des dizaines de citoyens, et après avoir observé avant-hier (samedi) un sit-in devant le portail, ont choisi un autre moyen pour mettre la pression, en scellant la porte du bureau du directeur à l’aide de planches en bois et de clous. Les protestataires réclamaient, encore une fois, «le départ immédiat du directeur». À travers des pancartes brandies, ils revendiquaient aussi «une meilleure prise en charge du malade» et d’autres réclamations liées à la gestion globale de l’établissement.

Dans nos éditions précédentes, le directeur décrié de l’établissement public hospitalier Akloul Ali avait répliqué via une déclaration rendue publique, dénonçant une «campagne d’acharnement menée sur les réseaux sociaux» ciblant sa personne et l’EPH. Dans une déclaration remise à notre rédaction, M. Kechah Ali qualifie aussi les informations qui circulent sur les réseaux sociaux de «mensongères», expliquant que «la panne électrique n’a pas duré deux jours comme cela a été rapporté indûment. Si c’était le cas, la morgue aurait empesté et les réactifs aux labos seraient tous endommagés.

Il s’agissait en réalité d’une simple panne récurrente qui n’a duré que deux heures». À noter que c’est le quatrième sit-in observé par des citoyens d’Akbou ces dernières semaines, et le mouvement ne serait pas près de s’arrêter, puisque des appels pour des actions similaires sont d’ores et déjà lancés, «jusqu’au départ du directeur», nous dit-on. Par ailleurs, le premier responsable de l’hôpital d’Akbou est revenu, longuement, dans sa déclaration, sur les acquis qui ont été réalisés, selon lui, depuis sa nomination par décision ministérielle à la tête de cet établissement, en 2015.

«C’est pour la 1ère fois que l’hôpital d’Akbou dispose de 40 médecins spécialistes depuis sa création en 1968. Ces spécialistes constituent une bouffée d’oxygène pour la population», peut-on lire dans la déclaration dont nous détenons une copie. À noter que le médecin spécialiste en neurochirurgie, nouvellement installé (16 Juin 2019), assure, ajoute-t-on, des consultations spécialisées à l’ancien hôpital d’Akbou chaque lundi. Tout en continuant à démentir certaines «allégations» liées notamment à une «marginalisation des cadres au sein de l’hôpital», M. Kechah estime que l’EPH d’Akbou prend en charge une population avoisinant les 300 000 habitants (15 communes, plus quelques communes des wilayas limitrophes).

Une pression quotidienne au niveau du pavillon des urgences qui reçoit, précise-t-il, une moyenne de 8 000 malades par mois, soit une moyenne de 270 malades par jour. La publication de la réponse du directeur de l’hôpital a été largement relayée sur les réseaux sociaux et a suscité beaucoup de commentaires. «Votre départ est urgent», écrit un internaute sur la page Akbou06. «La vérité dont vous parlez est boiteuse… Mon défunt père a rendu l’âme il y a un an dans vos urgences à cause du manque d’une pompe pour intubation et d’un défibrillateur pour au moins essayer de le récupérer.

Certes, c’est le destin, mais lorsque ce sont les compétences qui manquent, là c’est plus grave encore», dénonce un autre internaute sur la même page. «Les chiffres sont bons mais rien de concret… L’état catastrophique de cet hôpital ne reflète que la mauvaise gestion de sa direction. Alors vos raisons ne sont pas acceptées. Désolé… », peut-on lire dans les différents contacts publiés sur cette page. Pour finir, le directeur a démenti l’information «qu’une commission d’enquête ait été dépêchée par la tutelle». «Il s’agit juste d’opérations d’inspection périodiques», soulignera-t-il. Il est difficile de confirmer, à l’état actuel des choses, toute information publiée sur une quelconque décision émanant du ministère ou une quelconque commission d’enquête qui aurait été dépêchée, nos tentatives de joindre le directeur n’ayant pas abouti.

Urgences, personnel médical et paramédical, syndicat… rien ne va !

Les crises des urgences hospitalières se répètent année après année, hiver après hiver, été après été, dans l’enceinte de l’EPH Akloul Ali, avec pour chaque nouvelle crise, des plans «pansements», ciblés sur les urgences. La mission que cet hôpital est appelé à accomplir est celle de garantir des soins à des milliers de citoyens venus des quatre coins de la Vallée de la Soummam et des régions limitrophes. «Il faut revoir toute la politique sanitaire établie, jusque-là par la tutelle, pour espérer aboutir à une amélioration globale du système hospitalier du pays», nous dira sur un ton de regret un haut responsable de l’hôpital.

C’est le cas à nouveau avec les décisions de la tutelle principalement centrées sur les urgences hospitalières et qui ne résoudront pas le vrai problème des urgences, à savoir les difficultés à accueillir des patients arrivant aux urgences plus nombreux, en l’absence de permanence des soins ambulatoires, et avec toujours moins de médecins hospitaliers. «Les urgences sont le lieu de cristallisation des dysfonctionnements du système de santé. Leurs difficultés ne peuvent être résolues si on ne s’intéresse ni à l’amont, ni à l’aval», s’accordent à dire de nombreux médecins que nous avons interrogés et qui activent au niveau de la ville de Piton. Le désarroi affiché vis-à-vis des manques au niveau de cet établissement ne date pas d’aujourd’hui.

En effet, la section syndicale affiliée à l’UGTA avait rédigé, au cours du mois de février dernier, une déclaration pour tirer la sonnette d’alarme sur la dégradation de la qualité de la prise en charge du malade. Les syndicalistes ont souligné de nombreuses lacunes auxquelles n’arrive pas à faire face le personnel médical et paramédical de l’hôpital. «La missive, n’ayant pas été rendue publique, a été par ailleurs envoyée aux différents responsables de la santé, aux responsables locaux, ceux de la willaya et aux pouvoirs publics».

Il y est question notamment du «mauvais aménagement» du nouveau pavillon des urgences qui est, d’après les rédacteurs, «non conforme» aux normes standards régissant les services des urgences. Ainsi, la répartition des services et l’exploitation globale du nouvel édifice sont passées au crible : «En raison du flux des usagers, l’installation d’un couloir technique pour les services de maternité et de chirurgie reliant le bloc opératoire des deux services est indispensable afin de veiller à l’intimité du malade», peut-on lire dans le document. D’ailleurs, des citoyens et des malades se sont plaints du «manque d’intimité» lors des soins. Ils sont obligés, à défaut d’un couloir technique, de passer par le couloir au vu et au su de tout le monde, dénoncent-ils.

L’élu communal, Mourad Benarab, ayant participé au sit-in, fustige et qualifie l’extension de l’hôpital de «gâchis» : «L’ancien service de médecine interne pour hommes est complètement fermé. Alors que l’ancien service de chirurgie, devenu actuellement une chambre de garde et un dortoir, disposait de 44 lits, il a été rétréci à 39 lits», ajoutera-t-il. Et de s’interroger : «De quelle extension parle-t-il ?». Outre le manque affiché, selon eux, en personnel médical et paramédical, en certains spécialistes notamment en gynécologie, plus la vétusté du matériel roulant, les syndicalistes ont appelé la tutelle à intervenir pour affecter un radiologue dans l’optique de faire fonctionner le scanner, «toujours non opérationnel depuis son acquisition en 2012 !».

Menad Chalal

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