L’accalmie se conjugue avec la prudence

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La région de Tigzirt, située à une quarantaine de kilomètres au Nord de Tizi Ouzou, la plus touchée de la wilaya par la pandémie de coronavirus «Covid-19», avec 6 décès et 23 cas positifs enregistrés, garde encore des séquelles et vit un « calme précaire » accompagné de « la hantise d’une nouvelle vague ».

La coquette cité balnéaire qui d’habitude, en pareille période, grouille des préparatifs pour la saison estivale, contrastait, en cette fin de semaine, entre un soleil traquenard et une mer calme invitant à la détente et des rues désertes par mesure de confinement préventif contre la propagation du coronavirus. Au port de la ville, d’habitude bien animé, le mouvement est loin d’être celui des grands jours. Portail fermé, commerces et espaces de détentes aménagés vides et les embarcations de pêche clouées aux bittes d’amarrages.

Peur et détermination en un combat douteux

« Je suis devenu allergique à tout mouvement que je perçois dans la rue », nous lance, du perron de l’EPH Ighil Ahriz Mohamed où il nous attendait Berbour Ali, directeur de cette structure sanitaire qui a été au cœur de la bataille menée un mois durant contre cet ennemi invisible. Le responsable évoque difficilement l’état de « psychose » vécu durant près d’un mois. « Nous avons passé des moments très difficiles où notre seul univers était constitué de cette structure, de cas suspects, d’analyses, de protocole à la poursuite de cet ennemi fantôme » raconte-t-il.

À partir du 23 mars, ce fut « la déferlante des cas positifs et très vite nous avions atteint un pic d’admissions avec une saturation disposant de 22 lits », relate M. Berbour. Pour y faire face, des aménagements ont été opérés au niveau de la structure en réalisant des box d’isolement au niveau de l’une des deux grandes salles de l’EPH et les bureaux ont été délocalisés dans des roulottes installées dans la cour. Une atmosphère qui avait « généré un certain stress même chez le personnel dont la moyenne d’âge est de 25 ans et qui ont eu des moments d’effondrement, qu’il fallait gérer en plus de la prise en charge de la situation médicale », témoigne-t-il avec déploration.

Cependant, « malgré la peur et le stress, tout le monde était mobilisé et a fait preuve de dynamisme, d’engagement et de détermination dans la bataille », soutien M. Berbour, affirmant avoir, au final, « gagné une brave équipe ». Pour mener la bataille, « une approche organisationnelle et un schéma de prise en charge adaptés et évoluant en fonction du développement de la pandémie ont été mis en place en fonction de notre capacité d' »accueil et des effectifs disponibles », a précisé le responsable.

Le plan, explique-t-il, « consistait, d’abord, à scinder la structure en deux parties, l’une exclusivement réservée aux patients de Covid-19 avec un personnel dédié et un accès filtré et réglementé pour éviter que malades et patients ne circulent dans tous les compartiments et afin d’éviter le contact entre les cas suspectés et ceux confirmés, l’autre maintenu pour assurer les prestations médicales pour le reste des pathologies ». Ensuite, poursuit-il, « en plus du respect rigoureux des mesures de protection imposées à tous, il a été adopté le principe « marche en avant » selon un circuit de prise en charge permettant aux patients et aux soignants de ne point revenir sur leurs pas ». Un dispositif dont l’efficacité, note-t-il, a permis de « prendre en charge les malades et de n’enregistrer aucune contamination parmi le personnel ».

Difficile retour à la vie à Iflissen

Constituée de 38 villages accrochés aux collines faisant face à la méditerranée et peuplée de plus de 15 000 âmes, la commune d’Iflissen a vécu « un film hitchcockien depuis ce vendredi 13 mars, jour de l’enterrement d’un vieux immigré de la commune, soupçonné alors d’être positif « , raconte le maire Akli Tizguine. Et pour cause, 5 des 6 décès enregistrés dans la région étaient originaires de la commune de même qu’une vingtaine sur les 23 cas positifs l’étaient, dont 17 du même village, Iqnach.

« Depuis ce premier décès enregistré au village Iqnach, l’ensemble des villages de la commune se sont auto-confinés et mis en place des cellules de veille pour gérer cette situation afin de circonscrire le virus et parer à toute nouvelle contamination », poursuit M. Tizguine, qui affirme avoir signé « plus d’une cinquantaine de décrets de confinement » durant cette période. « Les gens ont encore en tête la torpeur vécue durant ce mois de confinement.

Tout le monde avait peur et était en alerte et malgré cette relative accalmie, ils ne peuvent reprendre une vie normale de sitôt », témoigne pour sa part, Kamel Imessaoudène, responsable d’une association locale et membre de la cellule locale de solidarité Covid-19. Comme musique de fond dégageant une note d’espoir lors de cette bataille, une valse en continu de solidarité interprétée par l’orchestre du mouvement associatif local. « L’écart entre le nombre de suspects et les cas avérés positifs au nouveau coronavirus s’est réduit grâce au concours du mouvement associatif qui a sensibilisé la population sur l’impératif du confinement », témoigne à leur égard M. Berbour. Depuis le 11 avril dernier, l’EPH de la ville n’a enregistré aucun cas positif, mais cette accalmie n’est qu' »un calme précaire », craint M. Berbour qui relève un certain relâchement quant au respect des mesures de confinement et de distanciation sociale.

« Il est vrai que les gens doivent continuer à vivre, mais cela ne doit pas leur faire oublier qu’ils doivent aussi continuer à se conformer aux mesures préventives et d’hygiène », estime M. Imessaoudène. Le même sentiment d’inquiétude est partagé par le maire d’Iflissen qui, tout en se réjouissant de cette accalmie, met en garde contre « un quelconque relâchement dans la vigilance qui pourra être préjudiciable à plus d’un titre ». À la cellule de solidarité, le ton est à « la remobilisation pour parer à tout relâchement et pour redynamiser l’esprit de vigilance au sein de la population qui ne peut rester confinée indéfiniment, mais qui ne doit pas oublier que le risque est toujours là », souligne le docteur Chaba Walid, l’un des responsables de cette cellule.

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