L’autisme touche de plus en plus d’enfants

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«De nouvelles activités seront développées, notamment la pédopsychiatrie, une discipline qui s’impose car nous avons énormément d’enfants autistes à Bouira».

«Il faut savoir que l’autisme est une maladie qui a participé au développement de la pédopsychiatrie. Une activité qui est partagée entre la DSP et la DAS et c’est pour cela que nous sommes en train de nous organiser entre secteurs concernés car ce sont nos médecins qui se trouvent au niveau des centres de la DAS», expliquait récemment Mme Ghalem, la directrice de la santé de la wilaya de Bouira.

Toutefois et en l’absence de pédopsychiatres, le centre pour autistes du chef-lieu de wilaya fait face régulièrement à un flux de parents qui désespèrent de voir leurs enfants pris en charge dans cette institution dont l’infrastructure dépend de la Direction de l’Action Sociale.

Un parent d’enfant autiste d’El Esnam dira attendre depuis plus de 6 mois pour pouvoir inscrire son enfant dans ce centre spécialisé. «Le responsable nous reçoit régulièrement et assure que des demandes ont été déposées auprès de la DAS et de la DSP pour qu’on leur attribue des postes de pédopsychiatres. Mais à ce jour, ces spécialistes n’ont toujours pas été affectés», déplore-t-il.

D’autres parents, rencontrés devant ce centre, affirment pour certains attendre depuis plus d’une année. «Je viens de Lakhdaria presque chaque mois depuis l’année dernière pour inscrire mon fils de 5 ans. Auparavant, je l’emmenais au Centre Drid Hocine de Kouba, mais vu l’éloignement et les frais de déplacement, nous avons été orientés vers le centre de Bouira, mais notre enfant n’est plus suivi en l’absence de pédopsychiatres», se désole une mère de famille. Selon ces parents, la liste d’attente est très longue.

Au niveau du centre, et malgré une nouvelle infrastructure, la demande semble dépasser les capacités d’accueil. Il faut plusieurs semaines avant de pouvoir inscrire son enfant. A en croire des parents ayant pu inscrire leurs enfants dans ce centre, les éducatrices, psychologues et orthophonistes font un travail remarquable, mais sont toutefois dépassées par le trop grand nombre d’enfants. «Il arrive que 30 enfants soient programmés en une journée.

Il est urgent que les pouvoirs publics réagissent et mettent à la disposition de ce centre les spécialistes qui peuvent s’occuper des enfants, car sans suffisamment de pédopsychiatres, psychologues, orthophonistes et autres spécialistes, il n’y aura pas de bonne prise en charge de nos enfants», estime un quadragénaire originaire de Sour El Ghozlane, père d’une petite fille autiste.

Une prise en charge pluridisciplinaire est nécessaire pour sortir l’autiste de son petit monde, et les résultats sont probants avec des enfants qui s’expriment en parlant de manière intelligible, en marchant ou encore en s’associant à d’autres enfants pour des jeux éducatifs. Selon les dernières statistiques, le nombre de naissances d’enfants autistes est en nette hausse à l’échelle nationale et la wilaya de Bouira n’échappe pas à ce phénomène. Des enfants qui ne peuvent pas être scolarisés à cause de refus d’enseignants ne voulant pas accepter ces enfants autistes dans leurs classes.

Le service pédopsychiatrique de l’EHS de Sour El Ghozlane reçoit les autistes en quête d’une prise en charge

L’établissement psychiatrique de Sour El Ghozlane, qui a ouvert ses portes en 2016, dispose d’un service de pédopsychiatrie qui s’occupe majoritairement des enfants autistes. Un espace renforcé par des moyens matériels et humains, avec le recrutement d’une équipe pluridisciplinaire en spécialistes psychologues, psychiatres, orthophonistes et autres, pour une bonne prise en charge des enfants autistes.

Pour M. Fodhil Aboudher, directeur de l’EHS psychiatrique de Sour El Ghozlane, l’établissement, en seulement trois années d’exercice, a effectué 2617 diagnostics sur des enfants en difficultés, avec 95% des cas confirmés d’autisme. Notre interlocuteur affirme par ailleurs que pour le programme 2019, son plan d’action prévoit d’associer tous les partenaires, à savoir les services de la DAS, mais également ceux de l’éducation nationale, pour faciliter la tâche aux parents d’enfants autistes pour une meilleure prise en charge.

«Le programme comprend également le lancement d’autres activités dans notre établissement qui seront bénéfiques pour ces enfants, en plus des formations et échanges d’informations entre nos équipes de la santé et nos différents partenaires. Je précise qu’actuellement nous travaillons avec les UDS scolaires et notre personnel a été formé pour recevoir les enfants présentant certains troubles en faisant le tri et en nous envoyant les cas avérés», détaille M. Fodhil Aboudher. «Nous avons consulté 34 nouveaux cas depuis le début de l’année 2019, ceci en plus des autres motifs de consultations car nous prenons en charge et l’enfant et l’adolescent.

Pour les enfants, les motifs de consultations sont divers, soit il s’agit d’autisme,  soit il s’agit d’insuffisance mentale, IMC, le retard du langage et autres pathologies d’ordre génétique, trisomie 21… Et nous les prenons en charge à notre niveau. Pour les adolescents nous prenons en charge tout ce qui est dépression, addiction, gestion de stress, la dépression de l’adolescent et toutes les pathologies liées à cette tranche d’âge».

C’est ce que révèle le docteur Abadi, pédopsychiatre au sein de l’EHS de Sour El Ghozlane. Elle indique qu’entre 95 et 98% des consultants souffrent d’une pathologie liée aux troubles du spectre autistique (TSA) et 95% sont pris en charge au sein de l’EHS avec une équipe formée de psychologues, orthophonistes, ergothérapeutes et pédopsychiatres.

Une pathologie en constante augmentation

Seule la pédopsychiatre du service de pédopsychiatrie de l’EHS de Sour El Ghozlane est chargée d’apposer le diagnostic. Et même si la prise en charge dépend de l’éloignement des régions d’où viennent les patients, ce service accueille les patients de Bouira et même au-delà, comme M’sila et Médéa.

Cependant, pour les autistes, il est recommandé une prise en charge quotidienne et l’éloignement de leurs lieux de résidence constitue parfois une entrave que les parents ne peuvent franchir. Toutefois, selon le docteur Abadi, la formation des psychologues est assurée à travers tous les EPSP.

Interpellé sur le problème d’affluence dont souffre le centre pour autistes du chef-lieu de la wilaya, le directeur de l’EHS affirme que son établissement et le service pédopsychiatre ont été créés pour améliorer la qualité de la prise en charge de l’enfant autiste. Le docteur Abadi fera remarquer qu’auparavant les parents d’enfants en difficultés se rendaient à Drid Hocine à Alger : «Nous ne nous expliquons pas le fait que certains parents refusent de se déplacer à Sour El Ghozlane.

Pourtant, le diagnostic se fait au niveau du service pédopsychiatrie de l’EHS. Par la suite, c’est la prise en charge qui diffère et qui sera assurée au niveau des CPP. Nous ne pouvons pas exiger des parents qui habitent à Bouira de venir prendre rendez-vous chez nos psychologues alors qu’il y a des psychologues à Bouira. En réalité, il n’y a pas de problème car le pédopsychiatre existe, mais de par son affectation, il fait partie intégrante de l’EHS et ne fait pas partie du secteur de la Solidarité dont dépend ce centre».

Ce serait donc cette mauvaise communication qui pénalise injustement les parents d’autistes. «Des parents se déplaçaient par le passé au niveau d’Alger ou à Tizi-Ouzou pour faire des examens spécialisés, alors pourquoi donc ils ne se déplaceraient pas à l’EHS de Sour El Ghozlane qui est à 30 kilomètres du chef-lieu de wilaya pour des consultations et un diagnostic ou du suivi mensuel ?», s’interroge notre interlocutrice.

95% des consultations diagnostiquées comme des cas d’autisme

Le service pédopsychiatrie de l’EHS de Sour El Ghozlane, par le biais de son responsable, insiste sur le fait que cette institution médicale accepte tous les patients : «Cela ne dépend que de la capacité des parents de venir ou pas. Nous établissons un diagnostic et proposons une la prise en charge. Nous expliquons aux parents que la qualité de la prise en charge dépend de plusieurs paramètres, dont l’éloignement par rapport à l’hôpital.

Mais notre objectif est de former des équipes un peu partout afin qu’ils puissent prendre en charge les enfants au plus près de leurs familles. Le problème de diagnostic ne se pose pas, puisque nous pouvons l’assurer aussi bien à Sour El Ghozlane qu’ailleurs. Toutefois, la prise en charge doit impérativement être suivie par le pédopsychiatre et son équipe pluridisciplinaire.

Il y a des équipes pluridisciplinaires à Bouira et à Ain Bessem, pas seulement à Sour El Ghozlane», affirme le docteur Abadi. La spécialiste ajoute : «Un cas d’autisme est détecté sur 62 naissances, pour un sexe ratio de trois garçons pour une fille. Toutefois, les chiffres avancés ici et là ne reflètent pas toujours la réalité, car c’est une spécialité nouvelle. Dans notre EHS et dans ce service pédopsychiatrie, les cas de consultation sont divers.

Il peut s’agir de retard du langage, de bégaiement, de dépression du nourrisson…». Actuellement, selon le docteur Abadi, la mise en place d’une nouvelle approche est en train de se faire : «Parmi les projets à court terme, nous avons le dépistage précoce de pathologies mentales chez l’enfant. Concernant le Trouble du Spectre Autistique (TSA), on ciblera en premier lieu le personnel des crèches.

C’est-à-dire que s’il est constaté qu’un enfant a un comportement bizarre, ou qu’il présente un retard du langage, le personnel de la crèche pourra orienter le patient vers nous. Nous ciblerons également le personnel de la santé auprès des PMI, car le diagnostic et le dépistage précoce s’effectue à 18 mois, date du vaccin. Ainsi, si l’infirmier constate que l’enfant ne fixe pas le regard, il devra également nous l’envoyer.

De même pour les pédiatres, si une patiente qui consulte pour un retard du langage de son enfant, le praticien sera invité à l’orienter vers nos services pour confirmer s’il s’agit d’un TSA ou d’autres troubles. Ce sont-là les projets à court terme qui visent la sensibilisation de tout le monde». Au niveau du service de pédopsychiatrie, la priorité de la prise en charge s’effectue sur trois principaux volets, à savoir biologique, psychologique et social. «Les parents doivent comprendre que ce n’est pas un problème de médecins ou d’établissement.

L’impératif est de faire le diagnostic précocement, ensuite nos équipes qui sont réparties un peu partout prennent le relais. Nous recevons actuellement des enfants de 16 mois pour vous dire. Toutefois, pour une bonne qualité de la prise en charge, il vaut mieux qu’elle soit effectuée à proximité du lieu de résidence car ce n’est pas en le prenant en charge une fois tous les 15 jours que nous pourrons lui assurer un suivi rigoureux.

Nous devons sensibiliser les parents et cette démarche s’inscrit dans le cadre de notre stratégie thérapeutique. L’amélioration et l’évolution de l’autiste dépend de trois paramètres à savoir la précocité du diagnostic, la qualité de la prise en charge et l’enfant lui-même», soutient le docteur Abidi.  

Hafidh Bessaoudi.

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