Le Piton, l’éternel bidonville !

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Les habitants du quartier Le Piton multiplient ces jours-ci les actions de protestation. Après avoir coupé à la circulation la RN26 à maintes fois, ils sont revenus à la charge, en campant pendant quatre jours devant le siège de la daïra d’Akbou.

Les occupants réclament leur recasement. Accompagnés de leurs enfants et de leurs femmes, les habitants du Piton ont installé tout au long de la semaine dernière, une immense tente à l’intérieur du siège de la daïra. Ils ne sont, à vrai dire, qu’une poignée de famille qui proteste encore pour un chez-soi décent que le législateur algérien a garanti pour tous les citoyens.

Les «misérables» locataires de la cité «oubliée» du Piton se plaignent de leur quotidien le plus «douloureux» où la précarité s’allie à la débrouillardise. L’été 2013, un plan d’éradication de ce gourbi a été mené par les autorités mais la crise de logement persiste encore. C’est l’image aussi qu’on peut associer à la Cité GMS «Thikhamine» et la Cité du Stade, deux autres bidonvilles qui persistent encore dans la ville d’Akbou.

Retour sur une immersion faite, il y a plusieurs années, dans un des bidonvilles de la commune d’Akbou, deuxième commune la plus riche de la willaya. «Le Piton» ou «Thaghourfet uqbu» n’est plus qu’un monument antique mais aussi une histoire d’une «petite favéla» qui reste d’ailleurs à éradiquer.

Un quotidien comme aux… «Favélas brésiliennes»

«Qui arrive le dernier, est le mal logé», cette citation italienne résume la situation de ce bidonville occupé depuis le début des années 80. Le quartier de fortune du Piton occupe, en effet, le pied de ce monticule synonyme de fierté de toute la vallée de la Soummam. Il est, d’ailleurs, inimaginable pour un étranger que ces baraques construites avec du parpaing et des ternîtes soient occupées par des familles pourtant nombreuses.

Le revers de la médaille, c’est de constater que ces bâtisses de fortune côtoient, à quelques pas de là, les nombreuses promotions immobilières ! Mourad Cheniti, 38 ans, marié et père de trois filles descendait, en compagnie d’un jeune résident du gourbi, de la petite colline qui surplombe le pseudo-village.

«Bienvenu chez nous !», dira-t-il d’un sourire qui recèle une profonde tristesse. Vendredi dernier, en parcourant un sentier, nous arrivons à un endroit ressemblant à Thajmaâth (lieu traditionnel pour le rassemblement des villageois) où un olivier fait office d’une toiture.

«C’est là, en fait, qu’on tenait nos réunions notamment avec les membres de l’association que nous avons créée pour faire le point sur nos doléances», explique, Mourad. D’autres villageois dont la plupart sont des jeunes sortent un par un de leur coin et rejoignent le groupe.

«Nous sommes 26 familles recensées en 2013 avec une promesse de recasement de l’ex-chef de daïra et l’ancien maire mais aussi le chef de commission de l’époque. Nous vivons la misère au quotidien», diront-ils, asphyxiés par leur situation.

D’après eux, le dernier recasement les a laissés pour compte. «Certains disent que nous ne voulions pas accompagner nos familles. Mais au nom de Dieu, comment peut-on vivre dans un appartement de deux chambres avec une famille de 7 membres !», s’exclame Achour, jeune de 28 ans et secrétaire général de l’association «Assirem Piton».

Une vie risquée

Le bidonville est également miné de dangers permanents. Des avalanches de pierres menacent leur vie et celle de leur famille. «Un jour, je suis revenu tard chez moi. J’ai failli trouver mes petites filles et ma femme écrasées par une grosse roche. Heureusement qu’un tronc d’olivier a dévié sa trajectoire», rappelle avec amertume Achour, travailleur journalier de son état.

En effet, les explosions minières ont souvent provoqué des chutes de pierre. Sachant que le gourbi se situe à quelques encablures des carrières exploitant la mine du Piton. Heureusement que cette mine est actuellement à l’arrêt suite à la pression des habitants limitrophes.

En outre, si les foyers sont raccordés au réseau électrique, la méthode est très risquée ! Selon leur histoire, la Sonelgaz d’Akbou a refusé de leur fournir du courant, néanmoins, elle a toléré aux habitants de procéder au raccordement à leur titre. Un fil électrique sous terrain avec des méthodes dérisoires alimente toutes les cabanes. «Un simple court-circuit peut provoquer une catastrophe», appréhendent-ils.

A juste titre, le mausolée «Piton» surplombant ce bidonville «de la honte» et dont la construction remonte à la période romaine, atteste des plus pénibles situations qu’ont vécu ces villageois relégués «absurdement» au statut «de nomades» et «envahisseurs».

«Dans une réunion, en 2013, avec les responsables locaux de l’époque, le maire d’Akbou, Abderrahmane Bensbâa, en évoquant notre cas, a fustigé qu’il doit d’abord consulter les Akbouciens pour pouvoir nous inscrire dans le fichier national pour bénéficier du logement social.

Il a dit noir sur blanc que nous ne sommes pas Akbouciens !», Raconte amèrement Ouaraz Achour. «C’est un acte qui n’honore pas son auteur. On est Algériens», dénonce-t-il. Et pourtant, ces derniers ont eu droit à des certificats de résidence délivrés par la mairie d’Akbou.

«Nous avons des cartes d’identité mentionnant clairement que nous habitons Akbou». Les 26 familles y résidant encore sont originaires, selon des témoignages, des localités issues des montagnes limitrophes de la vallée. D’ailleurs, on y trouvera des familles issues de Boutouab, d’Ath Yenni, d’Ighil Ali.

«Mon père devait quitter notre village à cause de la misère et la précarité. Il n’y avait ni école, ni infrastructure ni rien d’autre», raconte l’un des résidents. C’est dire que l’exode rural est à l’origine de la récente occupation des lieux.

«17 familles seront recasées très prochainement à Bouzeroual»

Il est difficile de comprendre les procédures ayant été suivies tout au fil des ans pour éradiquer ce bidonville. En 2007, 53 familles ont été recensées par le service de l’urbanisme d’Akbou. Uniquement 43 d’entre elles ont été recasées en 2013 au niveau de la localité de Bouzeroual.

A signaler, au sein de cette localité, 17 logements sont, selon Mourad, vice-président de l’association «Assirem Piton», non exploités et sont en phase de dégradation. «Ces logements sont même reconvertis comme salle des fêtes au vu et au su des autorités compétentes», fulmine-t-il.

Ainsi, l’opération de recasement n’a pas été suivie de démolition car plusieurs personnes ne voulant pas rejoindre leur famille y sont restées. «Je suis marié et père de famille. Un appartement de type F2 ne peut pas nous contenir tous. Alors, on a décidé de rester dans nos gourbis en attendant notre tour», ajoute-t-il.

Mercredi dernier, un nouveau recensement a été établi. 44 familles sont ainsi répertoriées et la liste, ajoute-t-on, sera envoyée au fichier national pour validation. «17 familles seront recasées très prochainement à Bouzeroual. Les autres seront, à leur tour relogées, dans le POS17 à Azaghar qui abrite 140 logements en voie d’achèvement», apprend-t-on de Mouloud Salhi, P/APAC d’Akbou.

Menad Chalal

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