Quelle solution aux déchets ?

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Les déchets ne sont pas uniquement un problème environnemental mais aussi un manque à gagner économique.

La problématique des déchets ménagers a été débattue dans tous ses aspects la semaine dernière au niveau de la salle de délibérations de l’APC d’Akbou en présence des autorités locales et des experts-investisseurs dans ce domaine.

«Vers la gestion globale des déchets ménagers sur le modèle de l’Economie Circulaire», c’est ce qu’avaient traité les représentants de la société algérienne AES (Algérie Environnement Services), lors d’une séance de travail avec les élus locaux. «Il s’agit, à priori, de présenter et de mettre en vue une étude préliminaire pour un éventuel contrat avec la collectivité. C’est l’une des démarches de la commune pour booster notre vision vers l’avenir sur le comment gérer nos déchets d’une manière fiable et surtout professionnelle», expliquera M. Mouloud Salhi, maire d’Akbou.

Pour y arriver, la procédure administrative est épluchée pour mettre au clair le concept du Partenariat Public-Privé PPP et la création d’un EPIC (établissement public industriel communal) ou via un appel d’offres national. Le législateur algérien a promulgué en 2018 une loi organique régissant le PPP, «certes, il y a une volonté politique mais il manque aussi des mécanismes pour bien accompagner l’application de cette loi», souligne M. Salhi.

«L’État peut recourir à un financement, total ou partiel, d’opération d’investissement public, dans un cadre contractuel ou un partenariat avec une personne morale de droit public ou privé, dans le respect notamment, du cadre de dépenses à moyen terme et des programmes retenus du secteur concerné», extrait de la loi organique N°18-15 du 02/092018.

La municipalité avait jugé nécessaire de prendre les mesures idoines afin de pallier ces problématiques via l’élaboration d’un schéma directeur. Pour ce faire, la commune d’Akbou a fait appel à l’agence nationale des déchets AND pour actualiser le schéma directeur existant. «Ce dernier est un véritable outil de prise de décision. Il est scindé en trois missions : diagnostic qui fait ressortir les points forts et les points faibles. La deuxième mission se porte sur une proposition d’une nouvelle variante les axes stratégiques en vue d’asseoir une gestion des déchets selon des concepts rationnels et efficaces. Et enfin, la mise en œuvre des propositions», dira encore M. Salhi.

Réalisé et conçu par Mme Benhaddadi Saida, ingénieur au département schéma directeur, ce dossier volumineux de trois phases a globalement dégagé l’état des lieux et une conception d’un schéma organisationnel des déchets ménagers et assimilés sur l’ensemble de la ville de Piton. «Il faut savoir que cette étape-là est justement intervenue pour aller vers la troisième étape de notre vision, celle d’optimisation et de professionnalisation de ce secteur en faisant appel à des partenaires privés spécialisés dans ce secteur», estimera l’édile communal. Pour une commune de 70000 habitants, le taux de l’encadrement au niveau de la voirie est «très faible».

L’infrastructure et les équipements disponibles sont «désuets». Le recouvrement financier en matière des dépenses et des ressources en retour notamment avec l’apparition du secteur informel sont «moins appréciés», a-t-on soulevé dans le rapport.

Cumul d’ordures, absence de CET, décharges non contrôlées, pollution… Béjaïa suffoque !

La willaya de Béjaia produit annuellement une moyenne de 400 000 tonnes de déchets municipaux dont 50 000 sont enregistrés au niveau de la commune d’Akbou. Ces grandes quantités de déchets se varient : nourriture et déchets de jardinage, déchets de construction et de démolition, déchets miniers, déchets industriels, boue, vieux téléviseurs, batterie, sacs en plastique, papier, déchets sanitaires, vieux vêtements et vieux meubles…la liste est longue.

Une fraction de plus importante de ces déchets n’est ni compostée ou ni recyclée, et la plus grande part finissant à la décharge s’amenuise. D’autant que la capitale des Hamadites s’est distinguée d’être la seule willaya qui ne dispose pas d’un CET. Alors que le secteur a programmé à l’échelle nationale la réalisation de 188 projets de centres d’enfouissement technique (CET) dont 89 ont été déjà réalisés.

«Un seul CET réalisé à Sidi Boudrahem non encore exploité. Dans chaque commune, on y trouve des décharges autorisées mais non contrôlées. Par conséquent, dans toute la wilaya, il existe une multitude de décharges sauvages», constatent Djamel Athamania et Hassen Loucheni, co-gérants de l’AES, une société 100% de droit algérien, bénéficiant du savoir-faire et de la technologie européenne. Elle est fondée par un groupement de personnes et d’experts ayant la volonté, précisent-ils, «d’apporter une solution pérenne et écologique sur la gestion des déchets ménagers».

Cette même société a décroché, apprend-on, des contrats au niveau de la wilaya de Tizi Ouzou pour la collecte et la gestion des déchets de certaines communes. Elle a opté pour Akbou pour marquer sa présence au niveau de cette wilaya. Fière de son expérience de plus de 30 ans dans la collecte et le traitement des déchets, AES gère aussi un grand centre de tri sur Marseille en France.

Mise en service début 1984, la décharge de Biziou, sise à la limite de la commune d’Akbou et de celle d’Amalou et s’étendant sur 8.5 hectares, ne dispose d’aucun aménagement. Selon le schéma directeur, il y est signalé que le dépotoir de Biziou affiche d’innombrables lacunes auxquelles la municipalité n’a pas abouti à les remédier. Et pourtant cinq communes y déversent leurs déchets.

La décharge reçoit un volume de 85 tonnes par jour et 75 000 m3 comme volume de déchets existants. Les nuisances olfactives et visuelles sont apparentes. Le dégagement des fumées toxiques provoque inévitablement la pollution de l’air, des nappes phréatiques, de l’eau et des sols. Même la faune et la flore sont contaminées ! «La mauvaise gestion des déchets contribue au changement climatique et à la pollution atmosphérique, elle affecte directement de nombreux écosystèmes et de nombreuses espèces», s’alertent les intervenants lors de l’ouverture du débat.

En effet, les décharges, considérées comme la dernière option dans la hiérarchie des déchets, libèrent également du méthane, un puissant gaz à effet de serre associé au changement climatique. Le méthane est produit par les micro-organismes qui prospèrent sur les déchets biodégradables comme la nourriture, le papier ou les déchets verts présents dans ces décharges.

En fonction de leur conception, les décharges peuvent également contaminer le sol et l’eau. Pour un bon tri, il faut «une optimisation de la collecte par la massification des déchets triés et leur valorisation à travers un traitement dans des unités/usines spécialisées», expliquent les experts franco-algériens. Les déchets, une fois ramassés, sont transportés puis transformés.

Le processus de transport libère dans l’atmosphère du dioxyde de carbone, le gaz à effet de serre le plus répandu, et de nombreux polluants comme des particules de matières. Une partie de ces déchets peut être incinérée ou recyclée. L’énergie de ces déchets peut être utilisée pour générer de la chaleur ou de l’électricité, elle peut ainsi remplacer l’énergie obtenue à partir du charbon ou du pétrole. La valorisation des déchets peut nous aider à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Tout déchet qui n’est pas valorisé ou recyclé représente un gaspillage de matière première et des intrants utilisés dans le système, que ce soit au niveau de la production, du transport ou de la consommation du produit. L’impact environnemental de la chaîne complète est ainsi beaucoup plus important que celui de la somme de chaque étape de la gestion des déchets.

Quels objectifs pour quels avantages ?

Comment prendre en charge le déchet de l’amont vers l’aval ? Question prépondérante et souvent répétée à laquelle les experts ont essayé de répondre. A priori, il faut d’abord «valoriser les déchets en matière secondaire recyclable», cela garantira, argumentent-ils, «une ville propre». Par ailleurs, il est estimé urgent le traitement de «la mise en place de corbeilles munies de sacs en plastique partout dans la ville et le vidage de ces corbeilles se fait tous les jours».

Entretien et nettoyage de tout l’espace public de la ville qui affectera, signalons-le, les grands axes quartiers, les cités -les rues, les places publiques, les jardins d’enfants et jardins publics, la gare routière- ainsi que la gare des taxis pour des rues piétonnes, à proximité des monuments historiques, des mosquées, des écoles, des lycées, des universités, des places de marchés (souks), des administrations…

Le lavage quotidien des grands axes et des places publiques est aussi très important autant que le désherbage des trottoirs et des rues pour tous les grands axes et la vieille ville en désignant un agent dédié pour plusieurs «zone de déchets» en habitat vertical. Avec des poubelles logotypes et volumineuses pour limiter les vols, l’information à partir d’un numéro de téléphone VERT sera accessible gratuitement.

Le défi majeur de l’investisseur est de «devenir une vitrine de la collecte et du recyclage des déchets au niveau de l’Algérie». Cela ne peut se faire sans, préconisent-t-ils, la mise en place «d’un plan de communication solide» en matière des supports : affichages, radio, presse, TV, slogans, communiqués de presses… Ambassadeurs de tri auprès de la population, flyers (consigne de tri…)

Implication des associations, des mosquées et autres institutions. Organisation d’ateliers de sensibilisation au tri lors de manifestions diverses, Sensibilisation auprès des écoles, des universités, Organisation de visites pédagogiques sur les centres de tri et de traitement des déchets. Pour en fin arriver à l’objectif ambitieux de «pérenniser le traitement des déchets» pour atteindre le même niveau que les villes européennes. Faire du déchet une ressource en Economie circulaire peut se faire par «la revente locale de matière première recyclable via des synergies locales», estime-t-on.

Menad Chalal

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