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«Oui au dialogue, mais avec qui et pourquoi ?»

«Poursuite de la mobilisation et préservation de son caractère pacifique, démission du Président par intérim Abdelkader Bensalah et du Premier ministre Nordine Bedoui et de son gouvernement, instauration d’un gouvernement d’union nationale et de transition et enfin changement du code électoral et élection d’un nouveau Président pour la République».

Ce sont les principaux points de la feuille de route pour une transition démocratique, proposée par maître Mustapha Bouchachi, l’ancien député du FFS et président de la ligue algérienne des droits de l’Homme (LADDH), qui a animé, avant-hier, une conférence-débat au niveau de l’auditorium de l’université Akli Mohand Oulhadj de Bouira. Initiée par la coordination autonome des étudiants, cette conférence avait pour thème «Situation politique en Algérie», et a permis au conférencier de s’exprimer sur plusieurs sujets d’actualité et surtout d’expliquer ses propositions et ses positions politiques.

Avant d’expliquer sa feuille de route, le conférencier a rendu un grand hommage aux étudiants et aux travailleurs algériens qui, selon lui, maintiennent la mobilisation de la rue et font évoluer le débat au sein de la société. Me Bouchachi dénoncera, dans le même sillage, la répression dont étaient victimes, la veille, les travailleurs et les étudiants qui ont appelé mardi et mercredi passés à des marches sur Alger.

L’intervenant s’est également félicité du «grand degré de conscience des Algériens», et qui «font face à la répression avec le sourire et l’humour». Pour-lui, le maintien du caractère pacifique du mouvement est le «vecteur directeur» de sa réussite et d’une période de transition : «Ce n’est pas une simple révolte… C’est une révolution pacifique et une renaissance historique !

Le pouvoir fait tout pour casser cet élan pacifique, soit par la violence, soit par l’intox et la pollution de la scène politique, mais il ne réussira jamais, puisque le peuple a découvert sa force dans son pacifisme», a-t-il déclaré sous les applaudissements des présents, qui étaient très nombreux à prendre part à cette conférence. L’ancien député du FFS s’est inspiré d’une ancienne expression du défunt Hocine Ait Ahmed pour lui rendre un vibrant hommage, en déclarant : «Si El-Hocine disait : nous avons libéré la terre, mais il nous reste de libérer l’homme. Aujourd’hui, les Algériens ont exaucé son vœu et ils se sont libérés grâce à son militantisme et son sacrifice», a-t-il ajouté.

L’hôte de Bouira a, par la suite, alerté sur les dangers de l’affaiblissement du mouvement : «Nous ne devons pas lâcher à ce stade notre révolution. Nous serrons condamnés par l’Histoire si on arrêt à la moitié du chemin, et nous sommes obligés de poursuivre notre mouvement jusqu’à la fin, qui sera avec le départ de ce système et l’établissement d’un véritable État de droit, d’une véritable séparation des pouvoirs, d’une justice sociale et d’une démocratie directe», a-t-il martelé.

Poursuivant son discours, Me Bouchachi expliquera sa proposition pour la sortie de crise, en affirmant qu’elle est inspirée des revendications soulevées par le peuple. L’intervenant a rejeté l’organisation d’une élection présidentielle dans le cadre d’un système administratif et électoral «taillé sur mesure pour l’ancien Président». L’ancien président de la LADDH insistera, par ailleurs, pour le lancement en urgence d’un processus «réel» de transition démocratique qui sera géré par un gouvernement consensuel et d’union nationale : «La Constitution a été taillée sur mesure pour que Bouteflika reste Président à vie.

Le code électoral facilite et encadre les fraudes de masse et le Président par intérim et le Premier ministre sont décriés par le peuple, en raison des rôles qu’ils ont joués durant le règne de Bouteflika. Actuellement, il ne peut avoir des élections libres et transparentes dans le cadre de ce système. Le pouvoir avec ses alliés oligarques et puissances étrangères manouvre et joue aux prolongations alors que les solutions existent et sont simple», a-t-il assuré. Enfin, de son discours, Me Bouchachi avait commenté la récente invitation du chef de l’état-major de l’armée pour le dialogue, en assurant : «Le dialogue c’est la solution, effectivement, mais il faut se poser la question : dialoguer avec qui ?

Comment et pourquoi ? Le mot d’ordre des Algériens qui sortent depuis le 22 février 2019 est clair. Ils veulent le départ du régime et tous ses symboles. Les Algériens ont une position de principe par rapport au chef de l’État par intérim et au Premier ministre. Donc, pas de dialogue avec les restes du régime de l’ex-Président Bouteflika», a-t-il déclaré.

Par ailleurs et concernant la grande campagne contre la corruption lancée par la justice récemment, Me Bouchachi minimisera l’impact de cette campagne en plaidant pour l’installation d’une instance judiciaire spécialisée pour ces dossiers, tout en s’interrogeant : «Nous nous demandons, comme tout le monde d’ailleurs, s’il s’agissait réellement d’une campagne anti-corruption ou d’un règlement de comptes entre différents clans du pouvoir ?» La conférence s’est poursuivie durant toute l’après-midi et le conférencier s’est étalé à répondre aux questions des étudiants et des enseignants de l’université de Bouira.

Oussama Khitouche

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