Plaidoyer pour une Constituante

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Dr Said Khellil, depuis l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, a plaidé pour une assemblée constituante comme éventuelle solution à la crise politique que traverse le pays actuellement.

Lors d’une conférence-débat, sous le thème « 1989-2019 : transition démocratique en Algérie : enjeux et perspectives», organisée à l’auditorium de Hasnaoua, l’ex-premier secrétaire du FFS et acteur du Mouvement culturel berbère, s’est exprimé longuement sur la révolte populaire pacifique que connaît le pays depuis le 22 février dernier. «C’est la première fois de son histoire que l’Algérie connaît une telle mobilisation».

Dr Said Khellil considère de ce fait, que «on n’a pas le droit à l’erreur, ce mouvement doit aboutir à l’instauration d’une République Algérienne, la première, parce que on n’en a pas eu jusque-là». Pour ce qui est de la meilleure manière d »atteindre cet objectif, il expliquera : «Actuellement, il y a plusieurs propositions sur la scène politique : Il y a ceux qui parlent d’une transition courte à travers l’élection présidentielle, d’autres parlent d’une transition plus longue à travers un gouvernement de transition.

Il me semble aussi qu’aller vers une constituante ferait consensus…». Dr Khellil expliquera pourquoi, selon lui, le premier choix «n’est pas judicieux». «Je crains qu’une transition rapide à travers une élection présidentielle ne permette au futur Président de s’appuyer sur l’administration et sur certains segments de sécurité. Le régime risquerait alors de se régénérer car il a des racines bien ancrées», dira-t-il.

«Une élection rapide risque de maintenir le régime dans sa composante humaine», a-t-il soutenu, plaidant pour une constituante : «C’est maintenant que nous allons instaurer notre République et celle-ci ne peut être constituée qu’avec une constituante qui aura une souveraineté populaire à travers les députés constituants qui vont siéger pour avancer et élaborer une constitution qui va gérer l’Etat algérien dans toutes ses composantes culturelle, linguistique et socio-économique».

Mais avant d’arriver à cette étape, Dr Khellil préconise «l’installation d’un gouvernement de transition». Un gouvernement qui sera «crédible et rassurant». «Nous avons un Etat de nature militaro-policière, s’il n’y a pas une entente entre ce qui reste des structures de l’Etat, à savoir l’armée, la transition risque d’être sabotée. C’est ce qu’ils ont fait en 88. Donc, le gouvernement de transition doit rassurer les uns et les autres, d’abord le pouvoir en place, pour sa sortie, et nous en tant que peuple, qu’il n’y aura pas de récupération du mouvement.

Il faut que cette dynamique restitue la citoyenneté aux Algériens, mais surtout qu’elle restitue aux jeunes l’espace politique», explique-t-il. Pour ce qui est du rôle de ce gouvernement, le conférencier suggère : «Il va travailler pour liquider les affaires courantes et pour éviter la faillite, à travers une gestion rationnelle de nos finances pour éviter l’effondrement de l’Etat».

Ce gouvernement aura aussi à organiser «l’élection d’une constituante qui va sortir avec une constitution qui garantira les fondamentaux démocratiques et identitaires de l’Etat algérien», a-t-il ajouté. Comment éviter à cette constituante qu’elle ne dérape ? En réponse à cette question, Dr Said Khellil a mis en garde contre la «naïveté en politique», qui peut avoir des répercutions «dangereuses», expliquant qu’avant d’aller à une constituante, «on va se doter d’un minimum d’institutions» «Si on a un gouvernement de transition, il faut qu’il fasse un minimum de toilettage», dira-t-il.

Pour le conférencier, «une commission électorale libre et indépendante et des mécanismes de suivi et de contrôle» seront les garants de cette élection. Répondant à une question sur l’émergence de nouvelles personnalités suite au mouvement populaire, l’ex-militant du FFS soulignera : «Le verrouillage du champ médiatique et politique durant 20 ans n’a pas permis l’émergence de personnalités. Aujourd’hui, grâce à certains médias, des personnes ont pu émerger et c’est tant mieux. On a besoin de tout le monde.

S’il n’y a pas de doute sur leur engagement, pourquoi pas. On aimerait aussi que d’autres, surtout des jeunes, émergent et s’impliquent». «Les partis politiques ont aussi un rôle à jouer, il n’y a pas de démocratie sans partis politiques», ajoute-t-il en précisant qu’il «ne faut pas créer un climat de suspicion». Pour ce qui est de la question de l’encadrement du mouvement, Dr Khellil a estimé que «c’est une chose qui est en train de se faire.

Ce qui est en train de se passer, c’est une manière d’irriguer les débats, c’est une manière de faire émerger des personnalités et exprimer toutes les idées et les initiatives». Par ailleurs, le conférencier a considéré que «beaucoup de phénomènes échappent à tout contrôle», à l’instar des réseaux sociaux qui ont contribué à la naissance de ce mouvement. «Concernant les réseaux sociaux et leur impact, il n’y a pas réellement d’étude sociologique à même de suivre la progression de ce phénomène», a-t-il souligné.

Kamela Haddoum.

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