Qu’a-t-on fait pour éviter le brasier ?

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Dans un précédent bilan, remontant à la première quinzaine de juillet, la protection civile faisait déjà état de près d’une centaine de départs de feu déclenchés à travers le territoire de la wilaya.

Les conséquences et les dégâts engendrés ne sont pas minimes : plus de 200 hectares de broussailles et de maquis partis en fumée, en plus de 5 146 arbres fruitiers, 3 075 bottes de foin et quelque 280 hectares de récoltes. Pis, l’on parle même de dégâts «plus importants», puisque les incendies n’ayant pas parcouru plus d’un hectare ne sont pas pris en compte dans ce bilan. La population craint de revivre le «cauchemar» des saisons précédentes lors desquelles l’on a enregistré non seulement d’énormes dégâts sur le tissu végétal, évalués à plusieurs milliards de centimes, mais aussi des pertes animales et humaines.

À rappeler que bien avant le début de la saison des grandes chaleurs, la Protection civile et les services des forêts avaient conjointement organisé une campagne de sensibilisation sur les départs de feu et établi un plan de lutte anti-incendie. Skendraoui Mohamed, l’animateur de l’événement, avait recommandé «la nécessité de la tenue et du respect des permanences de jour comme de nuit à tous les niveaux du comité opérationnel», comme il avait appelé à «éviter l’utilisation du feu à proximité des forêts et à équiper les moissonneuses-batteuses de cache-flammes, en sus de l’ouverture de tourières autour des champs céréaliers».

«Les P/APC sont appelés à établir des arrêtés d’interdiction de l’incinération pendant toute la saison. Le désherbage, le débroussaillement l’aménagement de points d’eau peuvent aussi éviter des dégâts monstres», avait-t-il ajouté. Pour sa part, le colonel de la Protection civile sortant, Mohamedi Brahim, avait plaidé beaucoup plus pour la sensibilisation : «Notre premier objectif, c’est la sensibilisation, car la cause des départs de feu vient généralement de l’humain. C’est donc lui la cible et c’est sur lui que nous devons focaliser les efforts. Le travail collégial et l’intégration des comités de village, des associations et du simple citoyen donnent de bons résultats sur le terrain. Je vous demande d’oser, quitte à faire du porte-à-porte ! L’essentiel c’est de transmettre le message. Les émissions télés ou radio, les déclarations à la presse, les portes ouvertes sur les forêts et la Protection civiles… sont autant d’opportunités qu’il faut saisir pour atteindre l’objectif recherché. Il faut prendre des initiatives et ne pas attendre les ordres d’en haut. Le travail d’anticipation, de recensement des points d’eau et de vérification des moyens et matériels mobilisés pour les besoins de l’intervention sont d’une importance capitale», insistait-il.

Plus d’un mois après le début de l’été, force est de constater que ces mesures et recommandations ont été comme un coup d’épée dans l’eau, eu égard aux pertes enregistrées jusque-là. Ceci sachant que lorsque les consignes ne sont pas respectées par toutes les parties impliquées, notamment les collectivités locales et la population, l’action de la Protection civile et des services des forêts, qui ne disposent pas de grands moyens de lutte de surcroît, devient insuffisante, comme le dit l’adage : «une seule main n’applaudit pas».

La prévention ? On en parle sans en faire !

Le constat est établi et connu de tous : la wilaya connaît un foisonnement d’ordures en tous genres, y compris inflammatoires, comme les tessons de verre. A Maâtkas, à titre illustratif, et ce malgré les efforts des autorités locales et l’implantation d’un poste avancé de la Protection civile, les risques de départs de feu planent toujours. Certes, la commune ne dispose pas de grands moyens et n’assure pas une collecte régulière des déchets ménagers, mais les réflexes nuisibles et le jet anarchique d’immondices y sont pour beaucoup dans la pollution qui menace la nature.

Au village Bouarfa, jouxtant la forêt d’Amejoudh, il y a des dépotoirs à perte de vue, donnant une image des plus hideuses à la région sur laquelle pèse constamment la menace d’incendies. A Elbir, un patelin distant de 10 kilomètres du chef-lieu communal de Maâtkas, le risque d’incendies est également imminent. En cause, les déchets foisonnent et des monticules de sable, des tas de pierres, du parpaing, des gravats, des carcasses d’engins, des canettes vides, des sachets noirs et autres déchets hétéroclites s’accumulent parallèlement aux herbes folles qui atteignent plusieurs dizaine de centimètres de hauteur, faute d’opérations de désherbage. Un simple mégot peut venir à bout de toute cette végétation sauvage.

À El Hed N’Cheikh, entre Zerouda (Tirmitine) et El-Bir (Maâtkas), une gigantesque décharge sauvage, longue de plus de 400 mètres, fait peine à voir et rend l’air irrespirable. Pis, les automobilistes de passage et des noctambules, s’adonnant à la consommation de boissons alcoolisées sur place, mettent davantage à mal les lieux, ce qui fait que le dépotoir grossit indéfiniment. Bien entendu, les risques de départs de feu sont omniprésents.

A Souk El-Tenine, le constat n’est pas meilleur : les déchets sont présents partout. Même le chef-lieu communal n’est pas épargné. En allant vers Mechtras, sur la CW147, la donne se complique, notamment au niveau d’Ighil Oumenchar qui compte plusieurs points noirs, notamment sur les accotements des routes, devenus un réceptacle de toutes sortes de déchets. Là encore, le risque de déclenchement de feux n’est pas à écarter. Pourtant, rien ne prédisposait ce lieu paradisiaque à abriter autant de dépotoirs sauvages qui en ont faire un lieu repoussant et menaçant la faune, la flore et la santé publique. Un simple débris de verre ou un mégot, voire une étincelle, peuvent embraser toute la région et la transformer en enfer.

Ces décharges sauvages, sources de grands risques…

Plus loin, sur la route nationale n°30 menant à la commune des Ouadhias, le constat est pareil. Du côté de Tagmount El-Djedid, sur la CW100, même topo. Une autre décharge sauvage, même fermée, continue de grossir. La menace de poursuites judiciaires ne semble pas dissuader les pollueurs, et encore moins les panneaux de sensibilisation.

Les comportements et réflexes nuisibles à l’environnement semblent coller à la peau de certains automobilistes. Quelques kilomètres plus loin, entre Tagmount Oukerrouche et Aït Abdelmoumène, un dépotoir sauvage menace l’unique poumon de la région : la forêt de Tizgui. Les ordures de toutes natures occupent la chaussée sur plusieurs dizaines de mètres. Dans les parages, il est conseillé de se boucher le nez, les odeurs étant tellement nauséabondes, et de fermer les yeux tant l’image est choquante. Il faut rappeler que l’APC procède parfois au nettoyage des lieux, mais les ordures commencent à s’amonceler de nouveau au lendemain de chaque opération d’évacuation.

A signaler que plusieurs incendies avaient été enregistrés par le passé dans cette localuté. Des incendies ayant ravagé plusieurs hectares de maquis, de broussailles, d’arbres fruitiers, de ruchers, de volaillers et autres… Et en dépit de tous ces dommages, la leçon ne semble avoir été retenue. À la pollution tous azimuts s’ajoute le manque de désherbage. Cette opération ne se fait que sur les routes nationales et de wilaya où l’on croise, quelquefois, des ouvriers de la direction de travaux publics nettoyer les fossés, les accotements… et couper les herbes sauvages.

Sinon, sur la grande majorité du réseau routier, notamment les chemins communaux et vicinaux, et à l’intérieur des champs et des vergers, les herbes ne sont pas fauchées. Pourtant, une fois séchées, celles-ci deviennent hautement inflammables et peuvent causer des dégâts irréversibles. L’éradication des points de chute des ordures et le désherbage sont des facteurs déterminants dans la lutte contre les incendies.

Tant que ces opérations, dites préventives, ne sont pas réalisées et leur importance n’est pas ancrée dans les esprits, le risque d’incendies restera suspendu sur nos têtes comme l’épée de Damoclès. Et ce n’est pas un hasard si on déploré déjà une centaine de départs de feu à travers le territoire de la wilaya. Le civisme, les reflexes écologiques et les petites opérations de prévention sont, à eux seuls, des armes fatales contre les feux de forêts.

Hocine T.

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