Tiwizi remise au goût du jour

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Il est des traditions ancestrales qui ont tendance à s’effacer peu à peu, laissant, désormais, place à de nouveaux modes d’organisations socio-économiques plus adaptés aux exigences des sociétés modernes.«Tiwizi» (volontariat en français), est une des rares traditions qui résistent encore aux mutations des sociétés auxquelles les populations, particulièrement kabyles, ont encore recours.

Dans bon nombre de villages kabyles, où des structures telles que les comités de village continuent de régir la vie communautaire, Tiwizi demeure toujours vivante et se remet au goût du jour, à chaque fois que la société ressent ce besoin d’organisation et surtout d’entraide, face à des situations quotidiennes et des besoins urgents qui demandent une prise en charge. En Kabylie, l’exemple le plus édifiant, en termes de fonctionnement et d’organisation villageoise où se perpétue encore l’esprit de volontariat et d’entraide, reste celui du village de Zouvga, dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Dans cette localité que l’on assimile à une mini république, la population avait vite compris que pour améliorer son quotidien et faire face aux problèmes de la communauté il fallait s’auto organiser et s’entraider en faisant appel à la mobilisation et à la solidarité de chacun. Face à des problèmes qui ne cessent de s’accumuler au fil des années, mais aussi à un énorme déficit en matière de développement local constatés un peu partout à travers la Kabylie, des populations tentent de réagir en s’organisant autour de comités, afin d’améliorer leur quotidien qui ne semble pas changer de sitôt. A Takerboust, un des plus grands et des plus peuplés villages de Kabylie, où le train du développement ne semble pas y avoir fait escale, la population veut réagir en instaurant une nouvelle dynamique à même de la sortir de son sous-développement.

Les bénévoles se donnent à fond

Vendredi dernier, à l’occasion d’un volontariat organisé au niveau de ce village, une vaste opération visant la réhabilitation et le nettoiement des routes et artères de la localité s’est tenue. L’opération initiée par le comité du village, qui a été mis en place tout récemment et qui en est à sa première action, a drainé une foule importante de citoyens, venus prêter main forte aux initiateurs. Dans un élan de solidarité et de générosité incroyable, petits et grands ont répondu à l’appel lancé la veille par les membres du comité en se mobilisant dès la première heure de la matinée et pendant presque toute la journée. A 7 h du matin, au moment du lancement de l’opération, une vingtaine d’engins (camions, camions citernes, tracteurs, compacteurs et rétro chargeurs) appartenant à des particuliers et à l’APC d’Aghbalou étaient visibles sur la place publique. Des centaines de volontaires étaient déjà sur les lieux et attendaient le coup d’envoi de l’opération. Une fois les tâches des uns et des autres réparties, l’énorme chantier fut lancé. Dans chaque quartier, des équipes ont été postées. Chaque tronçon de route est pris en charge par des groupes des volontaires qui s’affairaient, pour certains, à nettoyer trottoirs et avaloirs, et pour d’autres à décaper la chaussée. Une chaussée qui, il faut le dire, est parsemée de nids de poules et autres crevasses, se retrouvant, ainsi, impraticable. Les différentes opérations de nettoiement ont laissé apparaître toute la dégradation et la vétusté des ouvrages d’écoulement, mais également un manque flagrant d’entretien. Une fois trottoirs et chaussées passés au peigne fin, est venu le moment de la pose du tout venant, que d’autres équipes de volontaires prenaient en charge, avant de laisser place au compacteur et aux camions citernes. Toutes ces tâches seront effectuées dans une formidable ambiance et dans un magnifique esprit d’entraide et de solidarité. Continuellement, de petites pauses seront marquées, le temps de reprendre son souffle et de siroter un verre de jus. Kamel, Ami Saïd, Djeddi Ahmed, Nacer, Cheikh Rachid, pour ne citer que ceux-là parmi les nombreux initiateurs de l’action, s’affairaient à superviser le déroulement des opérations, notamment la régulation de la circulation, le va et vient des engins et des camions, et surtout, veiller sur les volontaires en prodiguant conseils et orientations. Djeddi Ahmed, qu’on a eu à approcher en marge de cette opération, n’a pas caché sa joie en constatant la forte mobilisation des citoyens du village. « Franchement, on ne s’attendait pas à une telle mobilisation, ça fait énormément plaisir de voir tous les enfants du village mobilisés et solidaires pour cette bonne cause », nous-a-t-il confié. Et d’ajouter « cet élan de générosité va nous stimuler davantage pour aller de l’avant. Ce n’est là qu’un début, et nous espérons faire plus à l’avenir ». Vers 10h, et après près de 2 heures du début de l’opération « grand nettoyage », les routes n’étaient plus ce qu’elles étaient auparavant. Plus propres et mieux praticables étaient les artères de Takerboust.

A vrai dire, un excellent travail a été réalisé par les centaines de volontaires mobilisés dès le matin. Il ne restait, à présent, que la pose de la peinture sur les bords du trottoir et les murailles du boulevard principal. Une tâche qui sera exécutée avec brio par de jeunes peintres. L’opération s’est poursuivie, avec la même sérénité jusqu’à 17h, heure à laquelle les volontaires se disperseront non sans s’être donné rendez-vous pour la prochaine action de volontariat qui sera arrêtée par le comité du village lors d’une réunion qui se déroulera la semaine prochaine.

A l’origine de l’action, le comité de village

Le comité du village de Takerboust, qui vient tout juste de voir le jour, est une initiative de quelques citoyens du village qui avaient ressenti le besoin pressant de mettre en place une structure qui aura pour mission de s’attaquer aux problèmes les plus urgents, tels que les routes, l’eau potable…etc. Des dizaines de citoyens se sont aussitôt joints aux premiers initiateurs avant que l’initiative ne devienne l’affaire de tous. Les premières réunions commencèrent alors à se tenir, en présence des délégués d’une quarantaine de familles composant le village. Chaque famille déléguera deux représentants pour pendre part aux différentes réunions qui donneront naissance à un comité élargi composé de 83 délégués. A l’issue des différentes rencontres, trois commissions, à savoir celle des actions, une autre de réflexion et, enfin, celle des sages, seront installées provisoirement avant la mise en place de la structure.

Une structure dont le fonctionnement est horizontal sur le plan de la prise de décisions, et vertical au plan structurel. A préciser qu’une présidence tournante assure le bon déroulement des renions du comité. Pour Ahmed Hamoumi, un des porte-paroles du comité du village, la structure vise à assurer le bien être du citoyen de Takerboust et à prendre en charge ses préoccupations quotidiennes à travers une série d’actions qui visent à parer aux besoins les plus urgents.

« L’idée nous est venue en constatant les différents manques au niveau du village. Il nous fallait réagir et nous organiser pour tenter d’améliorer, un tant soit peu, le quotidien de notre population. Nous ne comptons pas nous substituer à l’Etat, mais nous allons tout faire pour changer les choses du mieux qu’on pourra en apportant notre modeste contribution », a souligné notre interlocuteur qui envisage de s’attaquer à d’autres chantiers qui urgent.

Une série d’actions sera arrêtée par le comite du village de Takerboust dans les prochains jours et ce, dès l’installation définitive de la structure. Le problème de l’eau potable sera probablement le second chantier sur lequel s’attellera ce comité. Il faut dire que plusieurs milliards avaient été déboursés par l’Etat pour assurer l’approvisionnement de ce village en eau, mais au bout du compte, ce liquide vital n’est venu ni en quantité suffisante, encore moins en qualité.

Djamel M.

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