Seddouk… ça fait bien de s’y rendre, mais pas d’y habiter

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Région d’histoire, de villégiature et de légende par excellence, Seddouk, dans la wilaya de Béjaïa, offre une halte de charme sur les abords de la Soummam. C’est même une destination idéale pour les visiteurs et touristes en quête de repos, loin du stress des villes, de la pollution et des brouhahas, diurnes et nocturnes. Autant de raisons qui poussent beaucoup de vacanciers à y faire une virée.

Pourquoi donc ne pas en profiter pour découvrir une région qui émeut et éblouit. Une région sublime, dotée de paysages envoûtants. Le CW 141 reliant Akbou à Seddouk est la seconde route qui mène au chef-lieu. Une route enserrée entre l’oued Tassifth, qui déroule ses méandres sur dix kilomètres avant de se jeter dans l’oued Soummam, et une pinède exhibant des arbres et une végétation verdoyante qui dégage des senteurs que l’on se plaît à respirer. La commune de Seddouk, 23 000 âmes et 94,42 Kms2 est distante d’environs 70 Kms de Bejaia, elle compte un chef-lieu et 9 villages. Le territoire de cette commune commence à la sortie de Biziou, à compter d’Ighzer L’kim, un endroit qui rappelle un sinistre souvenir, au temps où cette ferme était exploitée par le colon Tempier. Des locaux travaillaient dans cette ferme comme des damnés, du lever au coucher du soleil pour seulement quelques sous. Aujourd’hui, plusieurs habitations y sont érigées. A quelques kilomètres de là le village Laâzib Mouhli attire irrésistiblement le regard. Au milieu des jardins fleuris, des maisons pavillonnaires éparses. Des résidences chiques, charpentées chapeautées de tuile rouge et entourées de murets construits avec de la pierre locale. Il est facile d’y deviner le souci permanent des habitants à embellir leurs maisons et leur environnent. L’acquisition du label «village fleuri» est la preuve de leur travail. Le décor champêtre n’en finit pas de border cette route qui traverse d’immenses terres fertiles à la couleur ocre brunâtre avant d’arriver à un autre village fondé en 1975, qui a pris de l’ampleur depuis, avec de nouvelles constructions qui ne cessent de s’ériger en bordure de la route, lui donnant le label de village de Provence. Ses petites maisonnettes au sol lui donnent l’attrait d’un gite rural que beaucoup de passants s’arrêtent pour contempler. A un jet de pierres de ce village, au niveau du carrefour de Taghzouyt, une plaque de signalisation indique une bifurcation à droite pour rejoindre Amdoune n’Seddouk et une autre invite à continuer tout droit pour rejoindre Seddouk. En empruntant cette autre route de montagne, le panorama verdoyant qui s’offre aux yeux ne laisse personne insensible. Le schiste composant le sol et le relief accidenté du terrain ne permettent pas d’autres cultures que celle de l’oliviers qui occupe l’ensemble des parcelles. Le point noir reste la fameuse zone d’activité créée en 1990. Elle peine à réaliser les objectifs assignés. Les usines espérées tardent à poindre ce qui accentue le chômage en ville. L’Abattoir en construction depuis 2004 situé à l’entrée de cette zone donne une image hideuse, ses travaux sont à l’arrêt depuis belle lurette et ce sont dix bouchers établis à Seddouk qui payent la facture de ce laxisme en employant le système D pour dépecer leurs bêtes. Dernière escale, le village El-mizab, situé à la lisière du chef-lieu. Un beau village en pleine expansion avec l’émergence de nouvelles constructions. De belles villas pavillonnaires et modernes déclinant de belles architectures importées. La plupart sont assorties de jardins entourés de muret et équipés de puits et de bâches d’eau. Mais la route d’accès se réduit à une piste. En arrivant au col, au détour d’un virage anodin, nous atteignons la ville de Seddouk vous ouvre le bras. Fondée par les colons français en 1880 et érigée en commune mixte en 1929 se détachant ainsi d’Akbou dont elle dépendait, elle s’étale à environs 500m d’altitude. A l’ouest, elle est adossée au pied d’une colline basse dont le flanc est décoré d’une pinède aux arbustes nains dégageant un charme naturel.

Au village fleuri…

A l’est, elle a les pieds dans l’eau de l’oued Thassath l’affluent de l’oued Soummam. C’était, il y a 50 ans, un petit village colonial. Mais depuis l’indépendance elle n’a cessé de se développer en bénéficiant d’innombrables investissements qui l’ont hissée au rang d’une grande ville de campagne. Les pouvoirs publics ont concentré leurs efforts sur la ville au détriment des villages, grâce à la disponibilité d’importantes terres domaniales qui leur ont facilité la tâche. Rappelons que Seddouk, village natal de cheikh Belhaddad, a été le berceau de l’insurrection du 08/04/1871. Le système colonial en guise de représailles a châtié les paysans par le séquestre de leurs meilleures terres situées sur les riches plaines. Des terres distribuées aux colons laissant aux autochtones celles situées sur les flancs escarpés des montagnes. A l’indépendance, ces étendues de terres agricoles ont été versées au domaine public. Le relief de la région est à 80% accidenté et les 20% restants sont occupés par des plaines aux terres fertiles et irrigables où prospèrent, les maraichères, les céréales et la production animale. Le reste constitué de terrains accidentés est à vocation arboricole avec une prédominance de l’olivier qui occupe une place importante dans l’économie locale. Les propriétaires privés, bénéficiant de l’aide de l’état dans le cadre du PPDRI, s’intéressent de plus en plus au travail de la terre par la mise en valeur des parcelles incultes. Durant ces 10 dernières années, l’effectif des oliviers a doublé par la greffe de plants d’oléastre (azeboudj) ou la plantation de nouveaux plants, contrairement aux terres distribuées dans le cadre de la restructuration des domaines autogérés qui a donné naissance à des attributaires individuels ou collectifs. Aucun plan de développement n’a concerné ce patrimoine agricole. Certains ont carrément abandonnés les terres, d’autres s’adonnent à des pratiques illégales en louant des parcelles à d’autres agriculteurs qui les exploitent. Pire que ça, certains attributaires ont bénéficié de grandes superficies de plantations d’oliviers qu’ils distribuent, au moment des récoltes, à des citoyens qui les exploitent en usufruit, et ce au vu et au su de tout le monde. Comme chef-lieu de daïra et pour rapprocher les administrés de l’administration, la commune est dotée de structures administratives, économiques et sociales, toutes concentrées en ville, telles que la CNAS, la SUCH, la STPC, la recette des impôts, les contributions diverses, les services hydrauliques, forestiers et agricoles, ainsi que des entreprises nationales (banque, sonelgaz, SAA, OPGI). A cela s’ajoutent un siège de la protection civile récemment ouvert et un cantonnement opérationnel de la garde communale. Trois projets d’envergures, pour lesquels le choix des terrains d’implantations a été fait depuis longtemps, demeurent cependant à l’arrêt. Il s’agit d’une crèche, d’un tribunal et de la caserne de la garde communale.

En souvenir de l’insurection d’Avril 1871

Les administrés se plaignent souvent de la bureaucratie et de la qualité de service qui laisse à désirer. Avec deux lycées, trois collèges d’enseignement moyens, un CFPA et des écoles primaires, la commune souffre encore des insuffisances de structures dans le domaine éducatif. Le contraste est saisissant d’une école primaire à une autre. Celles qui souffrent le plus sont indéniablement les écoles situées dans les villages reculés et enclavés. Cours non aménagées, étanchéité non fiable laissant infiltrer l’eau à l’intérieur des salles de cours, et des clôtures dégradées et non rafistolées ou remplacées. Certaines ne sont pas pourvues de cantines scolaires malgré l’éloignement des établissements des lieux de résidences des élèves. Le secteur de la santé recèle aussi des insuffisances dans cette commune, notamment en ville. Pas moins de quatre médecins, deux dentistes et quatre pharmaciens exercent à titre privé. La polyclinique assure tant bien que mal un service minimum. Elle est dotée d’une maternité d’une ambulance pour le transport des malades, d’un service des urgences de nuit, d’un service de radiologie, d’un service d’analyses médicales, de plusieurs médecins généralistes, d’un dentiste pour les extractions de dents seulement et de plusieurs infirmiers. Néanmoins, la population souhaite vivement la création d’un hôpital comme ne cessent de le promettre les autorités locales ainsi qu’un centre de soins au centre-ville pour épargner aux malades les déplacements lointains à la polyclinique située loin de la ville. Cette polyclinique devenue depuis janvier 2008 un EPSP coiffant cinq polyclinique et plusieurs centres de soins. Dans le domaine de l’habitat et au jour d’aujourd’hui, le caractère hétérogène de sa population a formé de grandes cités urbaines modifiant totalement, voir défigurant la physionomie de l’ancienne ville coquette qui charmait autrefois avec ses maisons coloniales traditionnelles proprettes, construites avec de la pierre locale et couvertes de tuile rouge. Cette hétérogénéité s’est traduite par une expansion fulgurante des densités de populations. Depuis l’indépendance, les populations vivant dans les villages en zones montagneuses ne cessent d’affluer vers cette ville dans la précipitation. A la périphérie, aux quatre coins cardinaux, sont érigées des cités dont l’état de certaines a été rendu lugubre par les maisons toujours en chantier ou habitées malgré le non achèvement des travaux de finition. Elles donnent l’allure de bidonvilles modernes avec des paraboles accrochées aux balcons et aux terrasses. Ces cités souffrent, pour la plupart, du manque des commodités les plus élémentaires : routes non aménagées, absence de l’éclairage public… Les projets pour des branchements en eau potable et la réalisation des réseaux d’assainissement sont souvent menés par les résidents eux même. L’Etat a créé pas moins de 4 cités urbaines qui n’ont pu être aménagées, plongeant dans la tourmente les résidents qui pataugent dans la gadoue en hiver et hument la poussière durant la saison estivale. L’entretien des immeubles laisse à désirer avec les façades enfumées, les cages d’escaliers dégradées et les terrasses laissant infiltrer l’eau dans les habitations situées aux derniers étages. Ce qui est incompréhensible, c’est que la commune de Seddouk a bénéficié durant l’année 2006 dans le cadre d’un programme de développement spécial rentrant dans le cadre du programme de relance économique, d’une enveloppe financière de 30 milliards de centimes. Quelques projets d’aménagement ont été réalisés pour trois ruelles du centre-ville. Le reste présente des images effroyables aves les trottoirs défoncés, les chaussées saturées de crevasses et de nids de poules. Ces constructions anarchiques à profusion n’ont pas atténué la détresse des habitants chez qui l’oisiveté est palpable et le désœuvrement perceptible.

Quant on a que le football…

Pourtant la zone d’activité créée au début des années 1990 devait répondre au besoin pressant d’atténuation du chômage endémique qui touche environs 40% de la population en âge de travailler et de création de richesse à une commune manquant terriblement de ressources et qui fonctionne seulement avec les budgets d’équilibre des pouvoirs publics. Seuls trois investisseurs ont réalisé leurs usines, mises en exploitation d’ailleurs.

Les autres ne se décident toujours pas à démarrer leurs projets. En attendant, les demandeurs se contentent des emplois précaires pour subvenir à leurs besoins vitaux. Chaque matin, ils pointent de bonne heure vers les deux cafés de la place attendant les entrepreneurs ou des particuliers qui proposent du travail journalier. S’il n’y a pas d’offreurs pour la journée, c’est la ruée vers les champs à la recherche des produits ferreux qu’ils revendent à des revendeurs habituels sillonnant la ville avec des camionnettes immatriculées pour la plupart 34 (BBA). Cette situation a favorisé le foisonnement à une vitesse effrénée du secteur de service. Les boutiques commerciales et artisanales poussent comme des champignons. Les étales de ventes des gadgets et cigarettes créés par des jeunes sans emploi pullulent dans des endroits peuplés et aux portes des cafés. Pour les loisirs, heureusement qu’il y a le centre culturel et les cybercafés ou se retrouvent les jeunes. Ces cybers, malgré la connexion qui laisse à désirer aux heures de pointes, affichent souvent complets de jour comme de nuit. Le football à Seddouk est une longue histoire d’amour entre le ballon rond et des joueurs aux conditions sociales modestes issus pour la plupart des chaumières. C’est en 1958, que des adeptes du sport roi ont pris l’engagement et la détermination de créer un club de football dénommé Racine club de Seddouk. Un club qui a permis durant des décennies de faire évoluer la pratique populaire du football en la faisant sortir des quartiers populaires où elle est fortement enracinée pour la hisser au plus haut niveau. Depuis, le club a joué un rôle important dans l’orientation de la masse juvénile en faisant émerger des centaines de jeunes pratiquants amateurs, ayant fait leurs classes dans les différentes petites catégories que quadrille l’équipe senior, fierté de toute la commune. Le football reflète ainsi la société qui l’héberge. Il traduit souvent les difficultés que rencontre cette société : le chômage endémique, le délabrement des cités, la brutalité des rapports sociaux et la crise de la représentation locale sont les principaux facteurs qui font naître des tensions dans les stades entre joueurs ou entre supporters. Derrière le football existe tout un réseau dense et varié de clubs amateurs pratiquant d’autres disciplines sportives. Le marché hebdomadaire qui se tient le vendredi après midi et le samedi matin rend de grands services à la population. Le samedi, jour habituel connu depuis la nuit des temps, le marché reçoit citadins et ruraux venant de toutes les contrées et le vendredi après midi, il permet aux citadins de la ville de faire leurs emplettes sacrifier la journée du samedi. Mais les prix pratiqués sont les plus élevés des marchés de la vallée, dénoncent les citoyens. Les bouchers se postent à l’entrée en exposant de la viande à l’air libre, fragmentée et accrochée à des esses aux barres transversales ou étalée sur les tables. Derrière, ce sont les fellahs, de Tansaout et de Takriétz, qui s’installent proposant des produits du terroir bien frais, notamment les blettes, les piments, les courges, tomates… A l’intérieur, le grand marché est occupé par les marchands ambulants aux étalages garnis de divers produits originaires de Jijel ou Biskra. L’ambiance pimentée est de mise, chacun criant et vantant une qualité meilleure et des prix défiant toute concurrence. Seddouk a conservé le caractère d’une commune typiquement rurale, malgré un développement florissant. Ses sites pittoresques enchantent les visiteurs et ses enfants émigrés qui ne l’oublient pas. Les émigrés reviennent d’ailleurs chaque été. Leur arrivée est synonyme de vie dans les villages. A chacun de leurs retours, Seddouk n’hésite pas à exhiber son charme légendaire.

L. Beddar

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