Bouira renoue avec l’animation nocturne

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Cible de deux attentats en moins d’un mois, la cité résiste courageusement aux assauts de l’hydre terroriste et ne semble pas prête à céder à la peur, elle qui a connu pire, pendant la décennie noire.

Le temps de panser les plaies, et la vie dans la cité reprend son cours normal, de jour comme de nuit. Écrasée par la chaleur durant la journée, la ville de l’ex Hamza voit, dès la tombée de la nuit, et ce depuis le début de la saison estivale, ses principales artères renouer avec la vie nocturne. Certes, il y a un peu moins d’animation depuis le premier attentat ayant ciblé la BMPJ, néanmoins beaucoup de familles sortent la nuit et veillent jusqu’à une heure tardive. Cet état de fait, nous avons pu le constater lundi soir, à l’occasion d’une virée nocturne en compagnie des hommes en bleu, qui s’apprêtent, le 22 juillet prochain, à célébrer leur fête annuelle. Rendez-vous a été donc pris lundi passé à 21 h, au niveau du siège de la sûreté de wilaya. Nous embarquâmes à bord d’un Caddy en compagnie de l’officier Abdelkrim, chef de service de la sûreté de la police judiciaire. Ce dernier est chargé de coordonner toutes les opérations qui allaient se dérouler. Sur le trajet qui nous mènera du siège de la sûreté de wilaya, sis au centre-ville, à celui de la brigade mobile de la PJ, situé à la sortie ouest de la ville, des dizaines de familles ont pris place sur les terrasses des crémeries et autres rôtisseries qui longent le boulevard Zighout Youcef. Sur cette artère aménagée il y a près d’une année, de nombreux commerçants ont implanté cafétérias, crémeries, restaurants et autres magasins. Il faut dire que ce boulevard, large et très éclairé a entièrement changé l’image de la ville qui manquait cruellement d’espaces urbains aménagés. Des espaces à même d’offrir un cadre agréable pour les citoyens de la ville, de plus en plus nombreux à fuir la chaleur en ces temps de canicule. Arrivé au siège de la BMPJ, une dizaine de véhicules de la police sont déjà sur place. Une centaine d’éléments, mobilisés dans le cadre du dispositif mis en place pour cette nuit-là peaufinent les derniers détails avant le lancement des opérations. Parmi les brigades mobilisées, on peut citer la BRB (brigade de répression du banditisme), la BMPJ (brigade mobile de la police judiciaire), la SWSP (section de wilaya de la sécurité publique), la CIR (compagnie d’intervention rapide) et trois groupes relevant de la 1ère, 2ème et 3ème sûretés urbaines. Ce dispositif est appuyé par une brigade criminelle. Au total, le dispositif est composé d’une centaine d’éléments, selon l’officier Abdelkrim. Ce dernier ne tardera pas à réunir l’ensemble des éléments autour d’un briefing à la grande salle du siège de la BMPJ. L’officier explique dans le détail la mission du soir et répartit les tâches. En donnant ses consignes, il a insisté sur l’exemplarité et le professionnalisme de chacun de ses éléments. «Respect et professionnalisme, voilà ce qu’on attend de vous !», a-t-il répété.

21h32, départ vers les points chauds de la ville

Et c’est parti pour une virée nocturne qui durera jusqu’à 1h 30 , toutes les équipes montent à bord de leurs 4×4 et quittent le siège de la BMPJ pour se diriger vers le stade OPOW, un des premiers sites ciblés par cette opération. Sur la route qui nous mènera au stade, l’officier avec qui nous avons embarqué revient sur l’opération du soir. Selon lui, cette dernière rentre dans le cadre d’un dispositif lancé par la sûreté à l’occasion du mois sacré et s’étalera jusqu’à la fin de la saison estivale. Ce dispositif, a ajouté notre interlocuteur, vise aussi et surtout à assurer la sécurité des personnes et des biens dans le tissu urbain. Tout au long de la route qui contourne la ville par l’ouest, l’officier de la PJ, jumelles de vision nocturne autour du cou, reste rivé à son talkie-walkie. Transmettant des messages, il recevait à son tour ceux provenant de la centrale et de ses coéquipiers. De temps en temps, il s’emparait de ses jumelles pour scruter les environs immédiats, notamment à sa gauche, en direction de l’oued situé à l’ouest. Un endroit que l’on soupçonne d’avoir servi de site au lancement de l’attaque au hebheb contre le groupement d’intervention rapide (GIR) de la gendarmerie nationale la semaine d’avant. Arrivés aux abords du stade, sur une plateforme servant également de circuit de conduite, nous constatons que les équipes parties avant y avaient déjà pris position. Le lieu est quadrillé de toutes parts par les policiers et leurs véhicules. Commencent alors les opérations de contrôle d’identités et de fouilles de véhicules stationnés sur les lieux. Les abords du stade sont réputés pour être un refuge pour toutes sortes de délinquants. Pendant environs 30 minutes, les policiers ont contrôlé une dizaine de personnes. Parmi les individus contrôlés, les policiers sont tombés sur des jeunes natifs d’Ain Defla, probablement des ouvriers établis à Bouira. Quand soudain un message retentit pour signaler un colis suspect de l’autre côté de l’enceinte du stade. L’officier nous invite à monter à bord du Caddy pour nous diriger vers la position signalée. Tout le dispositif lève alors les voiles.

Même les artificiers étaient de la partie

A peine une centaine de mètres parcourus, et nous voilà arrivés à l’endroit indiqué. Les lieux sont déjà quadrillés par des éléments arrivés les premiers sur les lieux. Un artificier est appelé en renfort ainsi que des éléments de la police scientifique. Sur le bas côté de la route, l’on voyait clairement un trou béant. De l’autre côté de ce même chemin, une ceinture a été découverte à même le sol. A l’aide d’un appareil de détection, un artificier vérifia la présence d’éventuels engins explosifs. Il y avait rien à signaler, sembla expliquer l’agent. Mais l’endroit est soupçonné par les policiers de servir d’éventuelle plateforme de lancement de mortiers artisanaux par des groupes terroristes. Des véhicules de passage sont arrêtés et passés à la fouille par une des équipes de la sûreté. Un conducteur d’une Citroën Xsara a été contrôlé. Ce dernier ne disposait pas de ses papiers et de ceux de son véhicule. Aussitôt, son immatriculation est transmise à la centrale pour les vérifications d’identité d’usage. Les policiers le laisseront repartir. Nous quittons les lieux pour nous diriger vers la cité des «Allemands» où un citoyen venait tout juste de prévenir la police que des choses louches s’y passaient. Sur place, les policiers ont découvert un local commercial dont le rideau était à moitié levé. Soudain, l’attention des policiers fut attirée par des bruits suspects provenant d’un champ situé à la périphérie de la cité des « Allemands ». Une dizaine d’entre eux se ruèrent sur l’endroit et tombèrent sur des individus installés au milieu du champ. Après une courte vérification d’identités, les policiers sont repartis dans une autre cité mitoyenne d’où provenait des bruits assourdissants. Là encore, c’étaient des jeunes de la cité qui faisaient la fête. Ils seront vite rappelés à l’ordre et dispersés par les hommes en bleu.

Au quartier Draâ El Bordj…

De retour en ville, sur le chemin du stade, l’officier Abdelkrim n’a pas lâché une seconde ses jumelles. A gauche de la route, sur les vastes terrains qui s’étendent jusqu’à un oued, à la lisière de la forêt Errich, une activité terroriste était signalée depuis quelques jours. L’endroit est particulièrement sensible et étroitement surveillé par la police et la gendarmerie. Il fallait surtout rester vigilants à cet endroit de la ville qui sert, à la fois, de lieu d’introduction en milieu urbain et de repli sur la forêt environnante. A hauteur du carrefour menant au quartier de Draâ El Bordj, le boulevard commençait à se vider de son monde. Quelques familles profitaient encore de la fraîcheur autour de quelques glaces, rassurées par la présence des policiers. Sur les hauteurs du quartier de Draâ El Bordj, un des points qualifiés de sensibles par la police, les éléments de la BMPJ et leurs coéquipiers des autres brigades ont passé au peigne fin tous les recoins de la cité. Un endroit continuellement sécurisé par les brigades mobiles de la PJ.

Descente dans les coins reculés de la ville

Il était minuit passé lorsque la patrouille quitta cet endroit pour rallier un autre point, le dernier programmé dans cette virée. Il faut dire que le choix de certains points et pas d’autres est basé sur une stratégie bien établie dictée par les renseignements. Le dernier point, en l’occurrence le rond-point situé au nord de la ville, sur la route de Tikjda, est le dernier lieu ciblé par la police. L’endroit est particulièrement chaud et à risques, car fréquenté par beaucoup de dealers de drogues et les voyous. Après avoir sécurisé les lieux, particulièrement tous les accès, les policiers se garent, nous laissant dans le véhicule et s’enfonçant dans l’oued en pleine obscurité pour ne revenir qu’une demi-heure plus tard. A son retour, l’officier Abdelkrim qui ne semblait aucunement épuisé après plus de 4 heures de patrouille, nous indiqua que ses hommes et lui allaient ratisser les lieux, sans donner plus de détails. Nous les laissâmes reprendre leur mission qui ne semblait pas du tout être de tout repos. La montre indiquait 1h30.

Djamel.M

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