Un bol d’air qui fait mal au cœur…

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La forêt de Yakourène a de tous les temps constitué une halte analgésique, un lieu apaisant qui incite au pique-nique et à la détente. On y trouve repos, tranquillité et calme assortis de chants des oiseaux et spectacles à la carte avec les singes… Bref, tout un environnement féerique, une sorte de paradis sur terre.

Mais les lieux ne sont plus ce qu’ils étaient. Le temps et les visiteurs semblent y avoir laissé bien des séquelles. Le décor est sauvagement agressé. La nature a l’air d’avoir du mal à résister. Pas évident devant l’insouciance et l’acharnement de l’humain qui ne semble pas se soucier de la minute qui suit ni ne voit plus loin que le bout de son nez du reste. Il n’y a que le bitume de l’allée principale qui est épargné. Avec tous ces stands aménagés sur les abords de la route, le tableau mis en avant semble pourtant réjouissant. Des tas de trucs traditionnels sont exposés devant les passants. Ca va de la poterie à l’habillement, en passant par tous ces présents qui constituent une armada de souvenirs de la région. Beaucoup d’automobilistes s’arrêtent. Les plaques d’immatriculation sont diverses. On y croise même des BMW rutilantes avec volant à droite… Ca rajoute une certaine touche même si les occupants dissertent dans un mélange d’arabe et de français « endommagé »… Ca sent les vacances, le tourisme… Les gens sont en tenues décontractées. En majorité en pantalons courts, hommes et garçons arborent des sacoches en bandoulières ! C’est toujours à la mode. Une sorte de signe pour dire qu’on vient de là-bas, même si le truc est aussi répandu chez les jeunes d’ici. La gent féminine est aussi à l’habit vacances. La robe kabyle « lâchée » (sans ceinture) domine même si le pantalon « volant » (en tissu fin,  et large) est omniprésent. Comme à la plage, le hidjab est aussi présent… Mais on ne se gêne pas à se balader main dans la main avec son compagnon. Et même à tenter une photo…sur un cheval ! Un cliché en couleurs doublé d’originalité et de paradoxe. Le commerce est florissant. Les familles présentes donnent vraiment de la vie aux lieux. C’est à croire qu’une ville a vraiment poussé au milieu de cette forêt. La présence des enfants égaye. Devant certains stands, il y a carrément foule ! On regarde, on scrute, on touche, on papote, on met la main à la poche… L’ambiance est festive, les visages sont ouverts…

La forêt se meurt… dans le calme !

Il y a presque tout ce qu’il faut pour passer une belle journée. Du beau temps, de l’ombre, une température adoucie par la végétation, des commerces pour casser la croute, se rafraichir, de l’espace pour les enfants… Mais ! L’environnement aux alentours est affligeant. Le constat est des plus désolants ! Des ordures partout ! En tous genres. Plastique, canettes de bière, bouteilles en verre, cartons, emballages, sachets de toutes les couleurs, barres de fer, bouts de planches et même de madriers jonchent le sol. Aucun espace, quasiment, n’est épargné ! C’est sale partout. Y a-t-il un service de nettoyage qui assure la mission ? Peu importe à qui revient l’autorité à la mairie d’Azazga, de Yakourène ou encore au service des forêts… Mais la négligence est criante ! Un véritable massacre dans un espace censé constituer un haut lieu de tourisme et de détente. Un massacre qui a visiblement touché de plein fouet la population des singes qui jadis peuplait les lieux et leur rajoutait en attraction… Ils ne sont désormais qu’un petit nombre à faire leur apparition de temps à autre sur les abords de la route. Il faut vraiment les chercher pour les trouver ! Mais à quoi ont-ils vraiment servi ces états généraux de l’environnement organisés en grande pompe des semaines durant à travers la wilaya ? Que de la parlote finalement ! Un « cirque administratif » ambulant qui a fait le tour des daïras et des municipalités pour aboutir à un carnage à ciel ouvert. Yakourène n’est en effet pas différente des autres localités de Kabylie inondées de toutes sortes d’immondices. L’incivisme a frappé large ! Et Yakourène n’a pas été épargnée. Le site a même subi un coup qui l’a défiguré. C’est dramatique ! Même l’entretien n’est pas assuré. Alors là la promotion… N’empêche qu’il y a du monde. De l’affluence même. On est critique mais on y vient quand même. Pour beaucoup par défaut. Car en dehors de l’air pur et de ce qu’a mis en place la nature, l’humain ne semble pas se soucier d’en faire un véritable pôle de tourisme. Pas un seul espace vert ! Aucun aménagement à l’intérieure de la forêt. Pourtant des chemins sont ouverts ici et là. Mais la vie est réduite à ces commerces du marché informel improvisés sur la route… Et ça marche ! Et l’essentiel est là pour tous. La situation n’est pas meilleure non plus au sein de l’unique établissement touristique de la localité l’hôtel Tamgout, jadis un havre de paix et de plaisance… Va savoir comment a-t-on pu en arriver là. Et pourtant, on ne peut pas dire que ça manque de sous pour rafistoler au moins la baraque. C’est tout de même un établissement qui dépend de l’entreprise de gestion touristique du centre. A comprendre donc… l’Etat. Mais peut-être justement que le tort est là. Car il y a ce fâcheux état d’esprit constant chez l’Algérien qui voit souvent en l’Etat qu’il s’agit de l’autre… C’est à tous les niveaux ! Et l’hôtel Tamgout ne fait pas exception. La structure est en nette dégradation. Rien n’a été changé depuis son inauguration quasiment. Même pas de petits travaux. En fait, ce n’est que logiquement que l’hôtel a été dégradé de trois à deux étoiles récemment… Dommage pour un tel bijou au milieu de la forêt !

Il était une fois l’hôtel Tamgout…

Paraît-il, on penserait enfin à le restaurer ! Il se dit qu’il sera fermé prochainement pour procéder à sa rénovation. En attendant, l’établissement vend le sourire de ses agents et…du calme, quand il peut. Et c’est déjà ça ! Car pour assurer une certaine rentabilité les gestionnaires improvisent, quitte à réduire, les week-ends, l’établissement en salle de fêtes… A bon prix ! C’est 400,00 DA le couvert quand c’est le locataire qui fait le marché et 1400,00 quand c’est à l’établissement de tout fournir… Ca fait des rentrées certes pour la maison mais la structure en prend malheureusement un coup supplémentaire à chaque fête. Moquette salie, meubles parfois cassés, des ustensiles perdus… Bref comme ça arrive dans toute fête ! Sinon durant la semaine, l’hôtel reste aussi ouvert au public et ça n’a pas l’air de coincer malgré tout. Il serait en moyenne à 70 % de taux de remplissage. Pas mal pour un établissement qui dispose d’un peu plus d’une quarantaine de chambres. Les prix restent dans les normes même s’ils ont été augmentés dernièrement. C’est désormais 3200,00 DA la chambre single et 4400,00 DA la double. Mais gare à vous si vous y allez en couple sans livret de famille et si vous vous appelez Mohamed et Ouardia. Là il vous faudra vous acquitter du prix de deux chambres. Pour les étrangers, quand ça leur arrive d’être de passage, pas de soucis… Surtout ne cherchez pas à comprendre pourquoi ? Ce n’est prévu dans aucune loi, mais c’est comme ça… Et ce n’est pas propre à l’hôtel Tamgout ! En somme, à Yakourène comme partout en Kabylie, la mentalité reste la même. Les saletés qui entachent l’environnement aussi. Tout comme l’insouciance des responsables… Pas tous bien sûr ! Mais le mal domine ! Et il y a des lieux comme ça où les conséquences de ces manques sont plus apparentes qu’ailleurs… Comme à Yakourène. Cette contrée où on va pour respirer un bon bol d’air et où on se fait mal au cœur…  

Djaffar Chilab.

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