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Aït Yahia Moussa - Cette bourgade qui a vu naître Krim Belkacem : Virée dans la contrée des cinq colonels…

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Quel beau tableau que celui de cette localité d’Iflissen Oumellil. Une région belle par ses montagnes et ses forêts denses.

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Cette région a enfanté «le lion», Krim Belkacem, qui signa l’indépendance de l’Algérie à Evian, en tant que plus gradé et seul membre des six, qui ont déclenché l’insurrection armée le 1er Novembre, encore en vie et non prisonnier à l’époque.

Aït Yahia Moussa, une région martyre qui a payé un lourd tribut pendant la guerre de libération, avec plus de 1 000 maquisards, est classée, malheureusement, 2ème poche de pauvreté parmi la douzaine que compte la wilaya de Tizi Ouzou.

Créée lors du découpage administratif de 1971 sous la dénomination de «Oued Ksari», elle reprend son ancienne appellation en 1990, à savoir Aït Yahia Moussa.

Située à 25 km au Sud-ouest du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, cette commune, relevant de la daïra de Draâ El-Mizan est entourée à l’Est par les communes de Draâ Ben Khedda et Tirmitine, à l’Ouest par les communes de Draâ El-Mizan et de M’kira, au Nord par les communes de Tadmaït et Timezrit, et enfin au Sud par les communes de Maâtkas et d’Aïn Zaouia.

Les toponymes «Aït Yahia Moussa» et «Iflissen Oumellil»

Selon les informateurs recueillies, les Turcs avaient dénommé cette région «Oued Ksari», et ce par rapport à la proximité de la rivière qui s’y trouve. Par la suite, les Français lui ont préféré le nom «Oued Yahia Moussa», avant que les habitants de cette région ne rétablissent son ancien toponyme original, «Aït Yahia Moussa» en l’occurrence.

Deux hypothèses sont avancées par rapport à la provenance de ce dernier. La première serait liée aux proches du personnage de Sidi Ali Moussa, de la région de Mâatkas. Quant à la seconde, elle viendrait de Yahia Bacha d’Alger.

En ce qui concerne le toponyme «Iflissen Oumellil», en opposition à «Ifflisen n Yilel», le mot Iflissen désignerait ‘’Les pirates’’, par contre les mots ‘’Oumellil et Ilel’’, signifieraient, respectivement ‘’Terre blanche et mer’’.

Plusieurs endroits des deux forêts de la région, Boumehni et Sidi Ali Bounab, sont désignés par des noms d’animaux. Et c’est ainsi qu’on trouve Amalu n wayrad (le nord du lion), Asif n tsedda (la rivière de la lionne), Lɛec n yisɣi (le nid de l’aigle)…

«Nos cannes exportées au Maroc, en Tunisie, en Italie…»

Le relief montagneux accidenté et rude de cette région était, sans doute, un frein pour l’émergence d’une agriculture proprement dite. Quelques habitants se rabattaient, alors, sur des métiers plus ou moins artisanaux.

On y trouve des petits ateliers de fabrication de robes kabyles, de la vannerie, des huileries traditionnelles et modernes, mais aussi la fabrication de cannes… De cette dernière activité, émergea une réputation qui dépassa les frontières.

«Nos cannes sont exportées vers le Maroc, la Tunisie, l’Italie. Les Syriens dansaient avec la canne d’Aït Yahia Moussa», dira Amar Redouani, propriétaire d’un petit atelier de fortune, avant de poursuivre : «Ce métier est transmis de génération en génération.

Chaque artisan a son propre modèle de canne, sa particularité». Pour Med Meziani, professeur de tamazight, la canne était la seule source de financement de ses études. «Je fabriquais des cannes pour couvrir les frais de mes études. Nos parents nous ont élevés avec le fruit de ce métier», explique-t-il.

Dans les représentations de ces habitants, la canne est avant tout un symbole, avant d’être une valeur économique. «La canne est considérée comme un fusil chez les Kabyles. On la respecte, on ne l’a pose jamais par terre, on l’accroche au mur.

Depuis la nuit des temps et de part le monde, des érudits ont donné de l’importance à la canne, à l’instar de Si Mohand u M’hand, Charlie Chaplin, Gandi, Jean Jacques Rousseau… Jadis, au marché, si quelqu’un levait sa canne, c’est qu’il y avait danger. C’était un moyen de donner l’alerte», poursuit notre interlocuteur.

La bataille du 6 janvier 1959

Les souvenirs de cette bataille sont gravés à jamais dans la mémoire collective de la population de cette région. Et pour cause, la région d’Aït Yahia Moussa est devenue, un certain 6 janvier 1959, un cimetière à ciel ouvert. Des moyens colossaux avaient été mobilisés par l’armée française pour cette bataille. L’on parlait de 30 000 soldats français et de 30 avions de guerre réquisitionnés.

Moh Seddiki relate : «Tout a commencé quand une communication, annonçant la tenue d’une grande réunion des hauts responsable de l’ALN dans cette région, aurait été interceptée par l’armée française. À vrai dire, il y avait une rencontre à Jijel, auparavant, entre Amirouche, Si El Haouès et Bouguerra. Ce jour-là Ali Kafi ne s’était pas présenté.

Amirouche et Bouguerra devaient continuer leurs activités entre la wilaya III et la wilaya IV, donc une réunion était prévue entre des hauts responsables de l’ALN dans cette localité. Mais, bizarrement, l’armée française était au courant de leur arrivée. Plus de 30 000 soldats et 30 hélicoptères avaient été, ainsi, réquisitionnés, pour mener cette bataille durant laquelle même les soldats français ont laissé des plumes. Ce jour-là le lieutenant Chassin et le capitaine Grazian, tortionnaire de Djamila Bouhired, furent capturés.

Du côté algérien, l’on avait enregistré 385 martyrs : des civils pour la majorité. Pour desserrer l’étau sur les soldats français, l’armée coloniale a largué des tonnes de napalm sur les habitants. Depuis, la zone fût placée sous couvre-feu», explique-t-il. Et de s’interroger : «Comment se fait-il que ce fut un général, en l’occurrence Raoul Salan, qui était aux commandes de cette bataille ?».

La maison du savoir d’Iâallalen

Par ailleurs, il a été constaté qu’un local aménagé est mis à la disposition des habitants du village Iâallalen par un citoyen de la localité. Utilisé par les élèves et les étudiants pour la préparation de leurs examens, ce lieu du savoir dispense aussi des cours gratuitement dans toutes les langues enseignées à l’école. «En tant qu’enseignant de tamazight, j’essaie d’aider les élèves qui préparent leur examens.

Ceci dit, c’est le cas aussi pour d’autres enseignants des langues arabe, française et anglaise», dira un enseignant au lycée. Pour le propriétaire, Ahmed Amrioui, la décision de mettre ce local à la disposition du village a été motivée beaucoup plus par un fait historique le concernant et la montée des idées obscurantistes qui gangrènent la société, en général, et le milieu scolaire, en particulier.

«Par l’ouverture de ce lieu du savoir, je voulais dire à nos enfants que si l’avion décolle, c’est grâce à des techniques scientifiques et non à autre chose. Il n’y a aucun pouvoir surnaturel dans l’opération», argumente-t-il en ajoutant : «Notre maison a été complètement détruite par les bombardements de l’armée française. Ma mère a perdu un bras et mes deux frères ont été blessés. Mon père nous a, dès lors, envoyés, séparément, chez des parents.

Moi, j’ai été chez son ami à Azib Zaamoun. Je dirai que j’ai été le plus chanceux parmi mes frères, car j’ai eu la chance de fréquenter l’école. Après l’obtention du BAC, j’ai été en Allemagne. Et quand je revenais au village, j’étais toujours sidéré par la différence des enseignements dispensés ici en Algérie et ceux d’Allemagne. Donc, j’ai commencé, au début, à donner des cours aux enfants de ma famille.

Ensuite à ceux de mes voisins. Et par la suite, on a ouvert cette maison du savoir pour tous les citoyens de notre village». Quoi qu’il en soit, et avec des moyens de bord, voire très limités, des jeunes de cette région, qui a enfanté cinq colonels ont pu relever le défit dans le domaine sportif et artistique.

À noter, pour conclure, que plusieurs associations de la localité organisent régulièrement des activités sportives et culturelles.

Hocine Moula

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