À Auvers, près de Van Gogh, pas loin d'Idir

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à Auvers, une ville dans le nord de Paris (39 kms), tout ne ressemble pas à la Kabylie. Mais on y pense fatalement. La ville est à la France un peu ce qu'est Azeffoun à l'Algérie. On l'appelle "village d'artistes". La cité est toute fière de s'être approprié la légende Van Gogh, ce célèbre artiste peintre hollandais venu y poser son ancre et y finir ses jours en 1890. C'est dans cette région (Cergy – Pontoise) aussi qu'Idir, parti des Ath Yenni, est venu s'installer…

De Paris, Djaffar Chilab

Entre les deux il y a sans doute cet amour pour la nature, la verdure, la propreté, la tranquilité, le retrait à la limite de l’isolement, la quiétude, la vie sans encombre et le génie à partager. Il ne se sont jamais rencontrés, mais ils ont choisi les mêmes terres pour s’installer, chacun à son époque. Van Gogh y est même enterré à côté de son frère Théo. Idir lui profite toujours du plaisir de l’air pur de la région. C’est d’ici, loin de l’agitation « virtuelle » qui le cible ces derniers jours, qu’il mettra d’ailleurs tout en place pour sa prochaine tournée algérienne projetée en 2018. Van Gogh lui, du fond de sa tombe, continue à faire venir du monde pour découvrir cette paisible localité qui lui a permis de donner de l’essor à son art. On y vient voir et se receuillir sur sa tombe au cimetière municipal, découvrir le parc qui lui est dédié en plein centre-ville, à deux pas de la gare ferroviaire. Mais surtout, cette chambre où il a vécu au premier étage de l’auberge Ravoux, appelée maison de Van Gogh, rue Général de Gaulle, à hauteur de la place de la mairie. Une auberge qui fut un bistro des artistes dans le temps, un véritable lieu de rencontre des hommes de l’art depuis 1876. Le restaurant garde à ce jour son décor d’antan avec ses chaises et tables de chêne ciré, le casier à vin, les torchons rouges… toute l’ambiance de la fin des années 1800…

De l’auberge Ravoux aux bistros de Barbès

à tous les visiteurs, le maître des lieux répond inlassablement que la table de Van Gogh c’est celle au fond de la salle ! Diner dans cette auberge c’est à 39 euros. Pour réserver toute l’auberge, le club-house, le resto, la guinguette… c’est 135 euros par personne. Au delà du repas servi, le moment est un véritable voyage dans le temps, dans les lointaines années 1800. Aujourd’hui, le mobilier n’est certes pas le même, mais ce sont des copies tout ce qu’il y a de plus conformes. Le plancher est resté aussi le même avec d’anciens carrelages à petits carreaux alignés en diagonale en noir et blanc. A l’étage, la fameuse chambre N°5 qu’occupait l’artiste. Elle est restée intacte. Désignée, dit-on, « chambre d’un suicidé », elle n’a jamais été relouée. Emouvante dans son dépouillement, elle n’offre rien à la vue. Le vide domine : juste une chaise, une table, un lit et un placard gris encastré dans un des quatres murs pour meubler ses sept mètres carrés. Un tableau qui renseigne sur la misère dans laquelle l’artiste est parti. Il est mort fou, atteint par un état dépressif et une schizophrénie de cette ville d’Auvers qui l’a ensorcelé. Auvers n’a pas la mer d’Azeffoun mais se contente bien de l’Oise (fleuve) qui la traverse et qui a fait d’elle une localité classée touristique, d’où justement ce nom composé d’Auvers-sur-Oise qui lui est attribué. Comme elle doit sa renommée internationale à ces nombreux artistes peintres paysagistes et surtout impressionistes, à l’image de Charles-François Daubigny, Paul Cézanne, Jean-Baptiste Corot, Camille Pissarro et bien sûr Vincent Van Gogh. Tous sont venus puiser dans cette ville leur inspiration. Au jour d’aujourd’hui, à Auvers, des mots prennent complètement leur sens. Paisibilité, calme, tranquillité, paix, propreté, liberté, quiétude sont sans doute autant de paramètres qui font que bien des artistes de passage y sont restés sous le charme. Depuis, du temps a passé, mais l’environnement est resté le même, s’il n’est meilleur : clean ! Avec la civilisation à l’ère de 2017. Ici, pas de cerrelage sur les trottoirs, que de la gomme noire ou rouge, comme on découvre chez nous avec la récente prolifération des terrains dits « matico »… Pas trop de monde à déambuler. On se dit bonjour aimablement comme il est d’usage dans les villages kabyles. A part ça, c’est chacun pour soi. Et ça rajoute une bonne dose à la liberté ambiante. Que vous ayez les cheveux à moitiée teints en blond et l’autre en noir, que vous sortiez en short, en pyjama, en jean ostentatoirement lacéré à hauteur des genoux, ou carrément derrière sur les fesses… tout le monde s’en balance ! On s’en fout royalement de l’autre. C’est la paix ! C’est tranquille, zen. Le tri sélectif des déchets ménagers n’est pas du tout un événement, juste un acte banal que chaque gamin, qui arrive à peine à hauteur des bacs colorés, manie déjà aussi bien que la grande soeur et la mamie. La ville est très propre. Trop même. Ici, même la saleté est propre, comme dirait le célèbre humoriste kabyle Fellag. Ce n’est pas la Suisse, mais c’en est une ! Centre d’enfouissement technique ? On connaît pas à Auvers. Les sociétés de réccupération et de transformation sont en vogue depuis des décennies… Sinon, il y a la déchèterie de la région (de Bessancourt) où on incinère le reste (ce qui ne peut être récupéré et transformé). La société organise même un programme de « déchèterie ambulante » à travers les villages environants. Penser mettre la main à Auvers sur une canette de bière au bas d’un acotement de rue reviendrait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Rien ! Pourtant l’alcool coule à flot ! Quasiment chaque pavillon (maison) est doté de sa cave à vin. Avant comme maintenant. La région est même renommée par « sa » boisson typique, appelée l’absinthe et à laquelle un musée est même dédié, à mi-chemin entre l’autre musée des impressionnistes et l’église peinte par Van Gogh. Il se raconte que c’est cet alcool et un amour inabouti qui ont plongé l’artiste dans la folie. Quand Jean-Pierre, un sexagénaire fan d’astronomie et vieil amateur de cette boisson, rencontré à l’auberge Ravoux, parle de cette boisson, il explique avec passion qu’il s’agit d’un alcool obtenu par la macération puis la distillation d’un mélange d’herbes et de plantes dont l’anis vert et le fenouil.

Auvers entre hier et aujourd’hui…

La boisson est servie selon un rituel bien ancré dans la région. Toute une histoire ! A une certaine époque bien sûr. Celle qui a vu prospérer Vincent Van Gogh. Une ambiance d’antan qui ressemblait bien, toute proportion gardée, à celle dans laquelle ont baigné bien des artistes qui ont succombé aux charmes et tentations des Parisiennes du côté de Barbès, Montmartre, La Chapelle, le Moulin-Rouge… Des Kabyles, comme Sadaoui Salah, Slimane Azem, Yahiatène… ont bien plongé dans le tas. Difficile de ne pas être tenté par les soirées feutrées, arrosées et enfumées des bistros de Barbès, dans le dix-huitième. A cette époque-là Paris avait aussi ses tabous: on en était encore aux filles de joie… Ce n’était pas n’importe qu’elle femme qui osait s’aventurer dans cet univers nocturne dont on ne parlait que sous cape. Les uns s’arrosaient, chantaient et dansaient à Paris, Van Gogh, lui, buvait et dessinait, peignait à Auvers… Des fois, du n’importe quoi, considérait-on… Il avait alors de la peine à vendre la moindre toile. Il en faisait parfois du troc pour en recevoir un ou deux kilos de charbon pour se réchauffer dans sa chambre. Il n’aurait sans doute jamais imaginé que ses toiles pouvaient atteindre la valeur qui est la leur aujourd’hui. Il a peint à Auvers, en seulement soixante-dix jours, quatre-vingts de ses toiles au cours des derniers mois de sa vie. Certaines de ces oeuvres sont cotées aujourd’hui à des millions d’euros. Au même prix que les Picasso les plus réclamés. L’un de ses plus célèbres tableaux « Docteur Gachet », le medecin qui le soignait, peint en 1890, a été cédé à 152 millions de dollars. L’artiste a une réputation mondiale. Ils sont des milliers à venir faire leur pèlerinage à longueur d’année. Les visiteurs viennent des quatres coins du monde. Les touristes asiatiques ont même fait du cimetière d’Auvers une escale incontournable de leur circuit. Pour mettre davantage en évidence l’image de la cité et la promouvoir, la municipalité parle de visite « sur les pas de Van Gogh ». Idir est lui juste à un jet de pierre de là.

D. C.

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