La mafia, cette bête immonde

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Détournements, sabotages, drogues, contrebandes, terrorisme, corruption, prébendes, vols, rackets, enlèvements, meurtres, trafic… Ce que font les criminels en solo ou en groupe est de nos jours exécuté sans la moindre hésitation et crainte par des satrapes bien avertis, des criminels bien forgés et entraînés par le bel exemple de la mafia. Les citoyens impuissants, terrorisés et suffisamment écrasés par le poids des misères couvent les appréhensions du temps de la terreur psychologique. Victimes d’agressions, de vols, de viols, de menaces, de kidnapping, d’escroqueries au grand jour, c’est à peine s’ils osent déposer plainte, sous crainte de représailles et la crainte de celle-ci signifie tout simplement à elle seule non confiance en la loi. Cette peur arrange les criminels… Mais le tout doit pouvoir s’expliquer. Ce que les médias ont rapporté comme faits divers ou spectaculaires sur le nouveau banditisme est loin de refléter la situation réelle de la criminalité et du banditisme nés à l’aube du terrorisme. Ce n’est que la partie émergée de l’iceberg, la face apparente “officielle”. Il est certain que les autres réseaux (drogue, fausse monnaie, falsification de documents, armes, prostitution et proxénétisme) activent sans relâche et en toute quiétude, “protégés” qu’ils sont par des parrains “intouchables”. Il n’y a que les petites bandes de trafiquants et de contrefacteurs qui se livrent à des opérations suicidaires… sans protection et sans appui. Et ce sont ces bandes-là qui comptent dans leurs registres des cadres universitaires et des étudiants avec un matériel informatique sophistiqué des produits chimiques, du papier de qualité des photocopieuses et des imprimantes en couleurs.

Avec tout cet arsenal électronique, ils peuvent inonder, si ce n’est déjà fait, le marché de faux billets, etc, dont la récupération totale est utopique. Les réseaux démantelés et arrêtés au cours de l’année écoulée avaient tous ou presque à leur tête des cadres au chômage. Ce genre de profil ou d’élites ne peut pas verser dans la petite délinquance très risquée et ne rapportant pas gros. Ils ont trouvé mieux puisqu’il connaissent parfaitement les besoins du “marché”. Selon les chiffres officiels établis par les services de sécurité compétents (confondus) durant l’année 2005 et concernant les arrestations pour divers délits, les chiffres sont effarants. Plus de 4 200 trafiquants ou usagers de la drogue ont été interceptés dont 92 femmes. Plus de six (6) tonnes de résine de cannabis et 9 tonnes d’herbes de cannabis ainsi que 120 000 comprimés de substances psychotropes ont été saisis. Parmi les mis en cause, 2 000 personnes ont été écrouées, d’autres laissées en liberté provisoire ou sous contrôle judiciaire. Sur le plan économique et financier, pas moins de 1 000 affaires ont été traitées, relatives aux faux et usage de faux. 1 200 personnes sont impliquées dont 72 femmes, 320 personnes ayant trait au faux monnayage. A travers ces opérations, les services de sécurité ont récupéré une quantité de faux billets en dinars et en monnaies étrangères. Pas moins de 120 personnes mises en cause, pour la plupart des intellectuels, dont 25 femmes, ont été arrêtées. Les statistiques avancées font état également de 310 affaires liées à l’escroquerie de grandes envergures, 200 de corruption et 2 000 de chèques sans provision. “Les délits de corruption (pots-de-vin) sont les plus difficiles et les plus compliqués pour leur identification», avouera un cadre de la cour des comptes qui a souhaité conserver l’anonymat et qui nous a informé suffisamment sur cette gangrène.

Publicité mensongère : un moyen pour appâter

Nonobstant le trafic de visas, de passeport, de cartes grises et autres documents —cartes militaires et les besoins pressants en devises fortes — d’autres réseaux se livrent à un trafic d’apparence “légale” : proposition de travail fictif à domicile, vente de guides et de formulaires (comment voyager sans débourser un sou à travers la planète, avoir un passeport international, bénéficier d’une bourse d’études à l’étranger ou d’un visa aux USA ou au Canada), etc.

D’autres réseaux également proposent au grand jour, à travers la pub dans les journaux, la création d’agences matrimoniales qui sont plutôt destinées à recruter des call-girls pour les réseaux en Europe. Un jour, nous avons lu une annonce publicitaire fort suspecte, publiée dans un journal : “Offrons gratuitement hébergement pour jeunes filles. Contactez X», avec un numéro de téléphone à Alger. Un autre titre arabophone proposait aux jeunes femmes des adresses pour faire carrière dans le cinéma, la Pub et autres milieux artistiques avec bien, sûr et toujours, des propositions fallacieuses de mariage. Tout cela pour dire que nous assistons à l’émergence d’un nouveau type de banditisme. C’est parler timidement d’un fléau d’envergure engendré par la décennie noire. Le terrorisme, la pauvreté le laxisme, voire l’indifférence des citoyens eux-mêmes.

Le banditisme, à l’ombre de la mafia

Ce banditisme est déjà devenu adulte et il a fait des dégâts : on peut lui attribuer sans risque de se tromper au moins 50% des actions et des exactions criminelles perpétrées depuis 1994 à ce jour, la majorité sous le couvert du terrorisme : braquage à main armée, faux barrages, enlèvements, cambriolages spectaculaires, meurtres et/ou liquidation physique, destruction des biens publics, violation de domicile avec violence suivi de vol, etc. Ces actions criminelles commises et dont “l’honneur” revient aux groupes armés… puisque ces crimes commis avec leurs méthodes et sous leur couverture les donnait pour nombreux et partout présents. Et tout ceux qui avaient un compte à régler en ont profité pour le régler dans la mêlée et la confusion. Les braquages à main armée, les faux barrages, le racket et les enlèvements continuent, notamment en Kabylie, dans les coupe-gorges et coins isolés et sur les axes routiers à hauts risques. Et l’on continue à imputer le tout aux groupes armés qui sévissent encore dans diverses régions du pays, Tizi Ouzou, Boumerdès, Médéa, Bouira, etc. On se refuse bêtement à avouer l’existence des groupes réellement armés mais qui n’ont rien à voir avec le GSPC et d’autres qui sont des dissidents et qui ont versé carrément dans le banditisme de grands chemins. Voilà ce qui est à craindre si les éléments dissidents des groupes terroristes sont connus et “fichés», les autres ne le sont pas… un avantage garantissant l’impunité. Quand ils auront amassé des milliards avec les braquages, les enlèvements, les rackets, les vols — ils se retireront et iront blanchir leur fortune dans le commerce ! — D’autres criminels, ceux de la zone urbaine, ont déjà blanchi des dizaines de milliards d’argent “sale” dont les sources sont connues : contrebande, trafic de drogue, proxénétisme organisé trafic de devises, de tabac d’importation et d’alcool, transactions frauduleuses de toutes sortes, produits de vols, etc. Et la zone urbaine est partagée entre les petits délinquants, les criminels notoires et les mafieux en col blanc (mafia du foncier, de l’immobilier, de la paperasse) qui, lorsqu’ils sentent le feu dans la baraque, s’accusent et se balancent l’un l’autre, chacun craignant pour sa tête. Revenons à la mafia de la fausse monnaie. Le trafic est devenu facile grâce au matériel électronique et informatique qui inonde le marché. Et ce n’est pas le profane qui peut s’en servir, mais le spécialiste : le chimiste, le physicien, l’informaticien, le technicien, en fait le cadre, etc… au chômage et qui ont trouvé là un moyen de s’enrichir… tout en rentrant de plain-pied dans la criminalité et dans son milieu et balayant aussi tout espoir de toute chance de faire une carrière propre dans la société. Mais que veut-on ? Ce n’est pas de leur faute, ils n’ont pas choisi de rester oisifs ou adossés aux murs après l’obtention de leurs diplômes. On leur a verrouillé toutes les portes à double tour, bouchés tous les horizons, réduits en poussière leurs ambitions, ankylosés leurs forces, atrophiées leurs capacités en les jetant en pâture, au désespoir, à la drogue, à l’alcool… Et c’est à peine si les meilleurs d’entre eux ont pu conserver le dixième de ce qu’ils ont étudié en vingt ans, du primaire à l’université. Il est navrant et désolant de constater que l’élite du pays a tout piétiné tout rejeté de ce qu’elle a étudié pour verser dans la délinquance et la criminalité du jour au lendemain. Mais que veut-on encore ? La mafia a vraiment besoin de petits réseaux parallèles de trafiquants pour couvrir ses réseaux parallèles de trafiquants, couvrir ses réseaux à grande échelle et tromper les services de sécurité et les lancer dans ces petites pistes, loin des siennes. Elle a également besoin d’une fourmilière de “main-d’œuvre” pour écouler sur le marché des milliers de tonnes de produits qu’elle importe : drogue, pétards, tabac et alcool inclus. Un gigantesque octopode qui tient le monopole, car nous n’avons pas un Eliot Ness. Il restera impuni tant que la justice, les policiers, les douaniers font l’objet d’actions et de menaces, parfois même pour une contravention. Impunie, la maffia reste impunie, tant la police se sent sans réelle autorité et tant d’autres secteurs de loi se sentent vulnérables et sans appui. “Le terrorisme n’aurait jamais tenu 12 années d’actions, s’il n’avait pas bénéficié d’un appui matériel que seule une puissante organisation, comme la mafia, pouvait lui assurer : armes, munitions, explosifs, produits chimiques pour la fabrication des bombes, nourriture et médicaments», nous a confié un jour un cadre d’un ministère à la retraite. Tout ceci évidemment pour prolonger le conflit, détruire le secteur économique, provoquer l’exode rural massif vers les grandes villes avec tout ce que cela entraîne comme conséquences : chômage, délinquance, prostitution, bidonvilles, commerce illicite, hausse des prix de l’immobiliers… et quoi encore ? Cela est pour informer ceux qui croient que le GSPC commet ses crimes abjects pour instaurer un Etat islamique. Ceux-là semblent tout ignorer de l’islam et de ce qu’il enseigne. Voilà pourquoi, journalistes ou hommes politiques vont parfois jusqu’à insulter l’islam et la sunna du Prophète incarnés par le GSPC lequel est le serviteur de la mafia et non de l’islam, devons-nous leur rappeler. L’Islam, ce n’est pas oser nommer la maffia, c’est faire preuve d’une lâcheté et d’une couardise impardonnable. Et oser croire que le GSPC veut instaurer un Etat islamique… en décapitant des innocents et en violant les femmes, c’est faire preuve d’une ignorance et d’une imbécillité horrifiantes. A moins que cela ne soit une fuite en avant, des thèses élaborées outre-Méditerranée, c’est encore impardonnable, lâche et mesquin.

Zone urbaine : terreau des misères

Revenus à l’émergence du nouveau banditisme, celui né dans les bas-quartiers et les bidonvilles, dans le terreau des misères avec pour engrais le chômage, la bureaucratie, le mépris flagrant des élus locaux, l’étalage des richesses, l’abondance de la drogue, la crise de logement et la prolifération de la prostitution qui, elle, est favorisée par trois facteurs : le célibat forcé le taux croissant des divorces et le chômage. Il ne faut pas attendre les actes spectaculaires et les casses à la “Spagiari” pour agir : les émeutes d’un seul jour peuvent saccager toute une ville et occasionner des milliards de dinars de dégâts. Justement, les émeutes ne profitent qu’aux pillards et criminels notoires (les tristes occasions vécues nous l’ont démontrés). Il ne s’agit pas pour nous de dresser un réquisitoire ou un plaidoyer pour et contre les délinquants et les criminels en puissance, mais seulement d’expliquer les choses et rien de plus. Le remède, lui, ne peut venir que des hauts responsables et des élus locaux. Ce remède ne s’appelle pas répression, puisqu’elle ne peut être d’aucune efficacité. “Offrez-leur le mieux, ils délaisseront le pire”. C’est là la solution miracle et efficace. L’année 2004- 2005 aussi a été riche en tristes évènements. Il a été enregistré par les services de sécurité des centaines, voire des milliers de délits en tous genres : agressions à main armée, cambriolages, enlèvement, viols sur des personnes ou des mineurs des deux sexes, affaires liées à la drogue et homicides… Mais combien d’autres cas n’ont pas été portés à la connaissance de la police et/ou de la gendarmerie, sans plainte, par crainte du scandale ou de représailles ou les deux à la fois ? Et les cas d’avortement et d’infanticides, de crimes jamais élucidés ? Il n’y a pas de chiffres à donner que le chiffre “apparent” porté à la connaissance des services de sécurité mais qui, tout de même, est alarmant et nous permet de dire que la criminalité et la petite délinquance sont toujours en hausse puisque les problèmes sociaux qui les génèrent ne font que s’aggraver de jour en jour et que rien d’urgent ni de sérieux n’est manifesté par les Pouvoirs publics. Ils ne semblent aucunement inquiétés par la bombe sociale à retardement. Les familles démunies ne pouvant pas scolariser leurs enfants ont chacune deux ou trois “recrues” à enrôler dans la “légion” des exclus qui regroupent petits vendeurs à la sauvette, ramasseurs de pain dans les poubelles, mendiants. Les Autorités locales voient tout car passant quotidiennement par les carrefours, les grandes artères de la ville et les marchés, mais ces enfants n’ont que faire de ce que pensent ou ne pensent pas les Autorités : ils ont faim, ils ne peuvent plus aller à l’école, alors ils se “débrouillent”. Les adultes aussi : les diplômés, les exclus, les ouvriers compressés, les “exodus” également. Tout un chacun fait ce qui lui est rentable… et tant pis pour la morale si c’est “illicite” ! Tant pis pour la loi si c’est criminel ! On ne peut faire autrement et la mafia a fait pire ! Non ? Et elle reste impunie, n’est-ce pas ? Alors, on fait autant parce qu’on n’a pas le choix. Nous voilà avec ce terrible constat : le chômage va crescendo, la crise du logement est à traiter à part, le nombre des divorces favorise la prostitution en même temps que le célibat forcé pour les femmes démunies. Grâce à la mafia locale, le marché est inondé de hashish (drogue, cachets…). Lassés d’attendre, les jeunes fuient le pays et prennent la route, le ciel ou la mer à leurs risques et périls, d’autres versent tout bonnement dans la criminalité la délinquance et les trafics les plus risqués. Il ne faut pas qu’au moins un enfant sur trois ne peut pas aller à l’école. Les dernières augmentations des produits de base, la cherté de la vie, en perspectives d’autres en 2007, dit-on, pour mieux étrangler les basses couches, vont inévitablement précipiter l’explosion…

Et que nous faut-il encore pour dire et montrer où nous a mené la mafia, la belle impunie, la criminelle qui nous semble plus forte que tout, inssaisissables octopode qui brouille tout sur son passage et sillage, avec l’encre fait de sang des innocents, morts affamés ?

Saïd Seddik-Khodja

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