Place aux nouvelles récéptions!

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Ce dernier donne, en particulier, matière à commentaire, notamment quand l’extravagance est au rendez-vous durant la réception qui n’est pas organisée qu’aux amis et copains de classe de l’enfant, mais élargie aux adultes de la famille, aux voisins et aux amis. Mieux ! On loue dorénavant des salles des fêtes pour ce genre de réception. C’est, souvent et de plus en plus organisé à la manière des mariages.

Caissettes de gâteaux, Disque-Jokey, danse et youyous sont au rendez-vous. Mieux ! Il n’y a pas de réception où on n’assiste pas à un long et ennuyant défilé de mode, improvisé par la maman et la vedette de la fête quand il s’agit d’une fille. La «Tesdira» dépend souvent des moyens des parents, mais elle fait souvent partie du programme. Il n’est plus question de féliciter son enfant, de lui offrir un cadeau utile et de bonnes vacances si possible pour redémarrer la nouvelle année scolaire avec punch et énergie. Ces fêtes, récemment instituées chez nous sont souvent décriées, car elles sont perçues comme l’occasion d’étaler les richesses des uns et des autres.

Pour Arezki, 42, papa d’un petit garçon : «Comme si les fêtes de mariage et le snobisme qui les caractérisent depuis des années ne suffisaient pas pour faire l’inventaire des richesses des gens.

Puis, je ne vois pas ce qu’on pourra offrir à l’enfant comme valeur en lui organisant ce genre de réceptions. Une petite boom dans le salon, sans excentricités, suffit pour faire plaisir aux enfants et à leurs copains au lieu,de faire des jaloux et des malheureux. Le gaspillage et l’extravagance sont devenus le moyen de récompenser le succès de l’enfant dans sa scolarité. C’est le snobisme qui est au rendez-vous. C’est à qui fera mieux. Ces pratiques ne font que rendre l’enfant plus matérialiste qu’il ne l’est déjà. On fausse tout. Au lieu de lui enrichir sa bibliothèque, on lui bourre la tête avec des futilités ! »? Arezki nous confie qu’en dehors d’une petite fête à la «petits fours, jus naturel !», son enfant n’aura droit à sa grande réception qu’une fois le doctorat en poche. Il n’est pas question pour lui que son fils s’attache à des futilités et oublie les vraies valeurs. «Et puis où est l’«événement» dans l’histoire ?, s’interroge l’épouse d’Arezki rencontrée avec son mari chez le pédiatre de leur enfant. Un enfant qui a réussi parce qu’il a bien travaillé, il faut lui dire que c’est bien mais aussi lui montrer que c’est normal et qu’il doit travailler jusqu’au bout, suggère-t-elle.

Au lieu d’offrir des cadeaux profitables pour leurs enfants, tel un ordinateur, des logiciels qui leur serviront pour leurs révisions, des jeux éducatifs et des livres, on leur apprend à snober leurs camarades et montrer ce qu’ils n’ont pas encore acquis !, pense-t-elle. Les pro-fêtes de succès scolaires se comptent souvent sur les doigts de la main, mais les fêtent continuent à fuser ça et là. Le niveau d’instruction est souvent étranger à l’opinion qu’on se fait de ces réceptions qui font du coude aux fêtes de mariages. Les salles sont déjà réservées depuis des mois par ces mamans si sûres de leurs progénitures. Fatiha, 29 ans, coiffeuse installée à son compte nous confie : «Une de mes clientes a réservé la salle des fêtes de son quartier depuis cinq mois déjà.

Elle n’était pas sûre que sa fille allait réussir l’examen de 6ème année, mais avait pensé à réserver au cas où. Elle m’a confiée qu’elle allait faire «Sa» fête quel que soit le résultat ! Ma cliente qui n’a pas eu la chance d’avoir une grande fête de mariage, à cause d’un décès dans sa famille, voulait une fête à tout prix. D’autant que les choses ont bien changé. Alors qu’elle était de condition modeste dans sa famille, le mariage lui a bourré les poches. Et elle veut absolument le montrer. Elle n’en est pas à sa première exhibition. Durant la fête d’anniversaire de son fils, il y a deux ans, elle a mis sept tenues ! On attend la fête de sa fille, la semaine prochaine, nous rigolerons certainement à fond d’autant qu’elle a annoncé la couleur s’annonce déjà. Elle veut une coiffure soirée ! Je trouve ça ridicule ! Mais j’avoue que je n’ose pas le lui dire !». Il est vrai qu’on est loin de la traditionnelle «livraison» de bouteilles de limonades à domicile ! Une sorte d’invitation et d’annonce. C’était le seul lux que se permettaient les gens avant. Et ce luxe était abordable par différentes classes sociales. Ce sont les enfants eux-mêmes qui distribuaient les limonades.

A chaque famille son lot. Une famille nombreuse a droit à deux bouteilles, les vieux couples et les petites familles n’ont droit qu’à une seule bouteille. Par signe de reconnaissance et pour cadeau, les amis et proches du lauréat rendent visite à sa famille et apportent des présents. Ces derniers, dont «Lehna», constituée de café, sucre, œufs et semoules, varient d’hôte en hôte, selon les moyens de chacun. Les lauréats ont droit à un billet. La valeur de ce dernier est également soumise aux moyens financiers des uns et des autres des «Imhennan».

Et ce n’était nullement une obligation. De nos jours les sommes que l’on offres aux lauréats sont souvent perçues comme un investissement. On offre un billet pour en recevoir deux. C’est incroyable mais les gens «placent» leur argent de cette manière quand ils sont persuadés d’avoir des occasions proches pour «reprendre leur dû» !

Il pense que cette pratique ne fait pas du bien aux enfants. «On ne paye pas un enfant parce qu’il a bien travaillé à l’école. Il ne travaillera que pour cela sinon. Et quand la récompense ne lui conviendra plus, il arrêtera de faire des efforts, c’est certain. Et ce ne sera pas de sa faute. L’échec reviendrait à ses parents et à toutes ces fausses pratiques. Ce qui est aussi déplorable c’est que les enchères sont en train de monter d’année en année. On n’offre plus 200 dinars ou 500 dinars, ce qui est déjà énorme pour un fonctionnaire quand on sait que dans son entourage il pourrait y avoir une dizaine de lauréats au moins, sans compter le coût de l’indispensable «Lehna». Je plaints les petites bourses. Car c’est devenu une obligation. Si on n’offre pas et qu’on se contente d’un «mebrouk», qui n’a plus de valeur d’ailleurs, nous sommes taxés et classés dans la liste d’en face, celle des ennemis. On se venge à la moindre occasion en vous rendant la pareille. Il y a des gens qui ne s’adressent plus la parole à cause d’une omission de ce genre ! ».

Qu’espère-t-on d’un enfant qu’on encourage avec de l’argent ? Rien de bon c’est évident. Il est vrai aussi que la majorité des bourses souffrent en été. En plus des fêtes de mariage, de fiançailles et de circoncisions, le «distributeur de billet» est souvent à sec quand il termine de récompenser les lauréats, tous palliers confondus.

Les gens s’endettent souvent pour assumer cette tâche. Cette année, avec le ramadan aux portes, mois réputé pour les dépenses conséquentes qui y sont consenties, les choses seront plus compliquées. Aldjia, 48 ans, mère de trois enfants s’amuse à dire : «Le simple fonctionnaire mangera des pierres après l’été !». Et d’ajouter : «Je ne travaille pas. Mais j’aide beaucoup mon mari à arranger ses comptes et les adapter aux charges des fêtes que l’été nous impose. Cet été, j’ai tout fait pour alléger les charges sur son dos. En plus des fêtes de mariages prévues depuis quelque temps déjà et auxquelles j’ai prévu un budget, il a fallu faire face aux nombreuses «surprises» des réussites scolaires.

Pour ne pas faire de pression sur mon mari j’ai du me débrouiller avec le budget initial, celui réservé que pour les fêtes. J’ai fait mes emplettes chez les grossîtes, côté cadeaux de mariage. J’ai réduit le budget réservé à «Anekmouss» (un billet que l’on présente aux nouveaux mariés lors de la cérémonie « El Henni »). Avec la somme gagnée, j’ai acheté des cadeaux pour les lauréats les plus proches. J’ai acheté des petits parfums pour les filles et différnets cadeaux pour les garçons, selon les âges.

De cette manière je peux garantir à la famille un ramadhan sans soucis et j’ai préservé le budget réservé aux soins et éventuelles surprises. J’espère que l’on en aura pas parce qu’on est qu’au début de l’été !». Le salaire du mari d’Aldjia est la seule source de revenue de la famille. Aldjia est maman de trois enfants. Lorsque sa fille a eu son baccalauréat avec 14,5 de moyenne, Aldjia avoue avoir voulu organiser une réception pour sa fille mais a vite fait de changer d’avis convaincue par son mari de l’inutilité de la fête. «Ma fille n’était pas très chaude pour la fête. Sage comme elle est, elle savait que cela nous coûterait beaucoup. Mon mari m’a suggéré d’utiliser l’argent qu’elle avait reçu pour des présents utiles pour le début de son cursus universitaire.

C’est ce que nous avons fait. Elle a puisé de la réserve durant toute l’année pour l’acquisition des différents supports et manuels dont elle avait besoin pour ses études. J’ai vite compris que c’était mieux pour elle et pour nous aussi. Et puis j’étais un peu d’accord avec ce que disait son père. On fête quand on est surpris ! Nous étions convaincus que notre fille aurait son bac haut la main et avec une moyenne honorable. Ce n’était pas une surprise pour nous. Notre fille a toujours été brillante et surtout très sage et compréhensive. En réalité c’est elle qui ne voulait pas de la réception», conclut Aldjia.

Il est vrai que les parents qui n’ont pas les moyens de faire comme les autres sont souvent désarmés devant les exigences des enfants. Si la fille d’Aldjia a été assez sage pour épargner cette gêne à ses parents, il en est des enfants qui par leur jeune âge ou par caprice ne comprennent pas l’incapacité de leurs parents de leur offrir la même chose que les parents de leurs amis. Il est difficile pour ces derniers d’assumer toutes les charges que cela puisse représenter.

Location de la salle de fêtes qui dépasse souvent les 40.000 dinars. Confection des gâteaux qui varient selon le nombre et les ingrédients utilisés. Cela varie souvent entre 20.000 et 30.000 dinars en plus des salés qui accompagnent les limonades, le coût de ces dernières et celui des tenues. On n’évoque que le minimum. Une réception des plus sobres ne coûterait pas moins de 100.000 dinars. C’est dingue de tomber dans ce piège quand on sait ce qui attend les parents après ce succès.

Les charges d’une autre année scolaire ou universitaire ne sont pas des moindres. Et puis offrir à son enfant un ordinateur, un dictionnaire, des livres scientifiques est beaucoup plus intéressant que de lui offrir une fête de quelques heures avec la fausse idée que l’exhibition suit toujours l’exploit. Et puis cette nouvelle pratique met souvent les parents limités financièrement dans la gêne. On a souvent l’impression de priver sa progéniture d’un «droit » même si on est convaincus de l’inutilité d’organiser des fêtes grandioses pour le succès de sa progéniture dans leur scolarité.

Ce qui doit être une évidence ! Aïni, 53 ans, enseignante au primaire nous raconte : «C’est devenu au qui fait mieux. Et ce sont les enfants qui paient le prix. Car ce ne sont pas tous les enfants qui doivent comprendre la situation financière de leurs parents. Quand on a 12 ans, pour les lauréats de l’examen de cinquième année primaire, nous ne comprenons pas facilement les arguments que nous venons d’étaler.

Quant la copine qui a eu une moyenne moindre que la sienne et qu’elle ait eu droit à une fête, on ne doit pas trouver trop juste la vie !». Aïni avoue avoir été invitée par plusieurs parents d’élèves à des réceptions qui se sont révélées, d’après ses collègues aussi grandioses les unes que les autres.

Aïni a décliné toutes ces invitations, estimant que son travail et sa relation avec ses élèves et leurs parents s’arrêtent au portail de l’école. Voyant ce que ces fêtes «nouvelle génération» suscitent comme débats auprès de la population, de par leur soumission à enchères, étant donné que c’est devenu au «qui dit mieux», côté animation et dépenses, il n’est pas à écarter que cela devienne plus sérieux dans quelques temps comme cela était le cas des trousseaux de mariés, il y a quelques années. Rappelons que dans certains villages il a fallu prendre des mesures «répressives» pour arrêter les enchères. On a définie le nombre d’affaire à transporter dans les cortèges et on a conseillé de transférer le reste des affaires loin des yeux des villageois. Des sanctions «Lekhtia» tombaient sur la tête des insoumis. Ce sera peut être le sort des réceptions inutiles et extravagantes. Qui sait ? En attendant, «Adhisser Rabbi pour la prochaine annonce des résultats du baccalauréat !», conclut Arezki.

Samia A. B.

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