Quand le budget fait défaut on passe au système D

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Il faut dire que les séances de bronzette et le carême ne doivent pas faire bon ménage. Bon courage à ceux et celles qui pensent le contraire ! Les plus tenaces iront au delà de cette limite. Pour le reste, la mi-août sera le début de l’hibernation. En attendant le mois sacré, consacrons-nous plutôt aux vacanciers. Ceux qui sont déjà partis profitent déjà de la mer, pour ceux qui ont choisi la grand bleue comme destination.

Quelle que soit la destination, le retour et la rentrée seront assurément agréables à vivre. Reste ceux qui n’ont pas eu droit aux vacances, généralement, pour des raisons financières, les systèmes D priment souvent dans la programmation des week-ends et des jours de la semaine pour ceux qui ont été contraints de prendre leurs congés. Il faut dire qu’on ne prend pas avec un énorme sourire ses vacances quand on n’a pas où aller ou qu’on ne peut pas offrir des vacances à sa petite famille. C’est dur d’être incapable de faire plaisir aux siens. Alors certains prétextent ne pas ouvrir droit aux congés pour échapper aux regards déçus des enfants et se rattraper avec des journées entières à la mer, seulement durant les week-ends.

C’est cette solution qu’a adoptée Avdella, 48 ans, fonctionnaire : «Je n’ai pas voulu prendre mon congé annuel avant le mois de Carême. D’abord parce que le Ramadhan me transforme en monstre et je n’ai pas envie de me métamorphoser en plein boulot et risquer de perdre mon poste de travail, puis je n’ai pas du tout les moyens d’offrir des vacances de rêves à mes deux filles. Seulement j’essaie de me rattraper à chaque fois que l’occasion se présente. Je les emmène pratiquement un soir sur deux au petit manège de la ville. Nous allons prendre des glaces de temps en temps avec leur maman. Nous partons à la mer chaque jeudi et vendredi. Ce sont mes jours de repos. Je les emmène au village voir leur grand-mère qu’elles adorent à chaque fois que c’est possible. J’essaie de ne pas les priver et de leur offrir autant de souvenirs que leurs camarades, mieux nanties, qui sont parties en vacances. Je viens de terminer le remboursement du crédit auto que j’ai contracté pour l’achat de mon véhicule. Pour l’année prochaine, je prévois dès maintenant de serrer la ceinture pour offrir à mes filles quelques jours de vacances et de vraies vacances !», espère Avdella. Ceux qui ne partent pas en raison de leur portefeuille sont nombreux. Seulement à chacun sa manière de passer des vacances plus au moins potables même en restant chez soi. La plupart des gens que nous avons rencontrés nous parlent d’une seule et unique solution pour couper avec la ville et son stress. Il s’agit d’aller passer quelques jours dans leurs villages d’origine. Même si on est loin des îles Seychelles et qu’on ne se permet même pas d’en rêver, le changement est au rendez-vous. Il suffit de casser avec ses habitudes, ses réveils, son entourage. C’est dur de rester au même endroit toute l’année et de savoir qu’on y resterait encore une année supplémentaire, sans coupure aucune avec ses habitudes, son voisinage, son entourage amical et familial et bien d’autres facettes de la vie et responsabilités qu’on voudrait bien gommer le temps de quelques jours.

La routine tue. Et pour couper avec cette dernière, il n’est pas nécessaire ni indispensable d’avoir les poches pleines. Une virée au village serait, en effet, une bonne idée pour se changer les idées.

Hayet, 33 ans, maman d’un petit garçon nous raconte pourquoi elle choisissait de passer quelques jours dans son village d’origine au lieu de suivre sa famille en vacances : «J’ai toujours préféré venir au village à des milliers d’occasions de vacances et de voyages. Je me sens très bien au village. Je trouve le temps de respirer, de vivre, de regarder la vie autrement. Dans mon sac, j’avais toujours quelques livres. Leur quantité dépendait de la durée de mon séjour. En cas de rupture de stock, j’avais la bibliothèque de mon père. J’aimais sortir, aller aux champs, flâner le soir dans les allées de mon village, dire bonjour aux passants, m’occuper des bêtes de ma tante, l’aider à cueillir les tomates dans son potager, toucher la terre. Pour moi, le village était une véritable déconnexion. Un moment où tout m’appartient, le temps et moi-même. Les choses ont changé depuis mon mariage. Il faut dire que les responsabilités m’ont fait oublier mon petit paradis. J’y vais de temps en temps mais n’y reste jamais plus de quelques heures. Mais je compte bien reprendre mes habitudes et transmettre cet attachement à mon fils». Comme Hayet, ils sont nombreux à réserver au village une partie des congés, même si des vacances ont été programmées. Ils s’en trouvent même qui traversent la Méditerranée dans ce but. Les milliers de Kabyles qui viennent pour passer une bonne partie des vacances au sein de leurs familles respectives dans les villages de Kabylie en sont la preuve.

Houria fait partie de cette dernière catégorie : «Avant de venir ici, je prends le soin d’emmener mes enfants en vacances dans une destination qu’on aurait choisie auparavant. Cette année, nous sommes partis au Portugal. Nous réservons toujours une partie des vacances pour le village. J’ai mes parents qui y vivent toujours. Mes enfants ne sont pas toujours du voyage, mon mari non plus. Etant installée à mon propre compte, je n’ai pas de problèmes quant à la durée de mon congé. De cette manière je fais plaisir à tout le monde : Mon mari et mes enfants qui rentrent souvent en France s’occuper de leurs vies et à mes parents que je ne laisserai pour rien au monde. Cela me fait des frais en plus mais je fais des heureux partout, moi en premier !». Pour ceux qui n’ont pas la chance de Houria, les astuces ne manquent pas. La plus répandue, c’est d’envoyer les enfants chez de proches parents vivants au bord de la mer ou dans une autre ville. C’est toujours ça de changé !

Sonia a la chance d’avoir sa grand-mère paternelle et ses oncles à Alger : Elle ne rate aucune vacance pour y faire un tour. Plage, balade, shoppings et autres plans colorent ses journées. «Je suis consciente de la chance que j’ai, notamment à la rentrée quand la plupart de mes amies me racontent qu’elles ont passé les vacances à la maison. Aucun signe de changement. Alors que moi je rentre bronzée, reposée et ressourcée. Et surtout avec pleins de cadeaux pour mon retour à la maison. Comme ma grand-mère y’en a pas dix. Et j’ai beaucoup de chance». Les moins chanceux sont les enfants dont les mamans sont contraintes de travailler durant l’été. Ceux-là, en plus du fait qu’ils soient privés de vacances, sont aussi privés de leurs mamans.

Ils doivent, les pauvres passer leurs vacances chez leurs nourrices ou une nourrice occasionnelle étant donné que les crèches aussi ferment pour les vacances. Ceux-là ne peuvent compter que sur leur chance pour que la nourrice en question soit assez gentille pour ne pas finir de gâcher la vie des gamins. Au point où ils doivent être !

Les plus astucieux sont ceux qui se débrouillent pour avoir de bonnes vacances à partir de rien et même chez soi. Ceux-là au lieu de pleurnicher, se plaindre et gémir, passeront du bon temps avec presque zéro coût.

Le principe est simple et c’est Souhila, l’initiatrice de l’idée qui nous l’expliquera : «Mon père n’arrive plus à nous assurer des vacances comme c’était le cas avant. Cela fait trois ans depuis que nous n’avons pas quitté Tizi-ville durant les vacances. Mon père s’est engagé dans une promotion immobilière pour l’achat d’un appartement et cela implique de serrer la ceinture. Les vacances ont été sacrifiées en premier lieu. Cela ne nous dérange nullement mes deux frères et moi, étant donné que l’on aura chacun sa chambre dans pas très longtemps.

Les vacances on peut s’en passer. Comme c’est dur de passer la journée enfermés à la maison, avec mon petit frère nous avons décidé de copier les programmes de vacances. Mon père avait comme habitude de nous faire découvrir les villages de toutes les villes où nous avons passé des vacances, depuis tout jeunes.

Nous adoptons l’idée ici à Tizi-Ouzou. Au moins deux fois par semaine, avec notre argent de poche, nous visitons une région que nous avons définie au préalable. Comme nous ne conduisons pas, nous prenons les fourgons. Ce n’est pas cher et c’est instructif, étant donné qu’on commence déjà à découvrir la région que nous avons choisi à travers nos discussions avec les passagers.

Les week-ends mon père nous emmène à la mer. La rentrée universitaire étant loin, vous imaginez un peu ce que cela me fera comme découvertes ?! ». Originale l’idée non ?!Il se trouve parmi nos interlocuteurs, les eternels casaniers. Tout le contraire de Souhila. Ceux-là même qui même s’ils concèdent de partir en vacance, ils restent à l’hôtel ou dans leur résidence. Ces gens-là n’aiment pas sortir. Du moins pas à la même cadence que les gens ordinaires. Ils n’aiment pas la foule et préfèrent utiliser leur temps à leur rythme et pour leur propre intérêt. Ils ne chôment comme vous devez le deviner. En plus de méditer, ils tricotent, dessinent, écrivent et surtout, pour la plupart, lisent beaucoup.

Razika, 45 ans, enseignante, en fait partie : «Cette année, j’ai réussi à convaincre mon mari de partir avec les enfants en vacances et me laisser quelques jours seule à la maison. J’ai la tête bourrée toute l’année, j’ai besoin de respirer un peu et de rester seule, sans responsabilités ni charges. J’ai réussi à convaincre mon mari de réduire la durée des vacances et d’opter pour un hôtel en pension complète, histoire d’oublier les casseroles et poêle. Eux partent d’abord et je les rejoins pour les cinq jours restant des vacances. Cette année c’est 10 jours avec maxi confort au lieu d’un mois avec maxi efforts. Moi je profite de la maison le temps de leur absence. Je prévois de carrément m’enfermer. C’est ma pause à moi».

Qu’en est-il des retardataires ?

Ils sont nombreux à avoir raté la période des réservations de vacances, risquant, ainsi de passer les congés et les vacances des gosses à la maison. Oubli ou juste mauvais calcul, en tout cas ces vacanciers là, s’ils ont la chance de partir toutefois, n’ont pas de problèmes de sous. Quand on s’y prend à la dernière minute, il ne faut pas espérer trouver grand-chose, notamment en termes de qualité et de prix. Généralement ceux qui veulent allier les deux, réservent dès le début de l’année. Les plus prudents, quand ils ne veulent pas changer de destination réservent avant de rentrer de vacances. Reste le détail des dates de congés, ils sont confirmés dans l’année au fur à mesure que les choses s’éclaircissent concernant ce volet.

Les plus «naïfs» attendent l’été pour chercher un gîte pour les vacances. Il est presque impossible de trouver un produit plaisant surtout à un prix intéressant. Les agences immobilières des villes côtières ne connaissent pas les vacances d’ailleurs. Ça travaille jusqu’au bout. Les produits restants sont proposés. Et ils ne sont pas les plus intéressants, selon Med Arezki, 42 ans, commerçant. Notre interlocuteur fait parti des rares naïfs qui croient toujours les promesses des autres. Une de ses connaissances lui avait, en effet, promis une habitation pour les vacances, depuis quelques mois déjà : «J’étais très gêné devant ma femme qui me posait la même question chaque soir. Où en est notre projet de vacances ! Elle insistait souvent qu’il ne fallait pas se fier aux gens qui promettent trop de choses. En effet, mon ami m’avait promis une habitation, toute équipée, pieds sur mer pour la somme modique des 40.000 dinars par mois alors que nous-même nous avons loué il y a deux années une maison à près de 2 kilomètres de la plage familiale que nous fréquentions, sans aucunecommodité, pour plus que ça. J’aurai dû me rendre compte que c’était du blabla. Les mois ont passé et mon ami a disparu. Dès début juin, il a décidé de ne plus prendre mes appels, sachant qu’il n’avait aucune justification pour ses engagements manqués. J’ai raconté cette histoire à un de mes clients. Ce dernier, évitant de promettre quoi que ce soit, s’est proposé de me chercher un petit quelque chose du côté de Tigzirt. Il a réussi à nous dénicher la perle rare au bout de quelques semaines. Nous sommes partis ma femme et moi choisir parmi les trois produits qu’il nous a trouvés, notamment à travers une agence immobilière. C’est un F2, meublé, à quelques centaines de mètres de la plage qui a plu à ma femme. Les autres produits proposés par l’agence sont relativement loin de la mer. Ceci dit, nos vacances sont sauvées».

Notre interlocuteur a, au passage dû, débourser 30.000 dinars pour la quinzaine qu’il prévoit de passer dans ce paradis terrestre. Il se serait prit plus tôt, il aurait trouvé un meilleur produit à un meilleur prix. Selon lui, la démarcheuse de l’agence immobilière lui a expliqué qu’il aurait fallu réserver dès février pour être mieux servi, sinon les meilleurs produits passent sous le nez du plus prévoyant des vacanciers. Il semblerait que les produits les plus prêts de la mer ne sont plus sur le marché avant même l’arrivée de l’été. Au-delà, les retardataires doivent se contenter des maisons et appartements des hauteurs de la ville ou des villages limitrophes.

Ce qui est intéressant et qui pousse à faire fi de l’éloignement de la mer, ce sont les habitations meublées. Ces dernières prennent une bonne partie dans la liste des produits des agences immobilières. La raison ? Ce sont des appartements habités, le reste de l’année, et que les propriétaires cèdent aux vacanciers pour affronter la dureté de la rentrée et les trous de budget de toute l’année pour la plupart. Il s’agit généralement d’appartements situés dans les quartiers populaires de la ville. Des propriétaires de villas ou de maisons cèdent également une partie de leur habitation pour les mêmes raisons. Eux, partent pour la plupart dans leur village, généralement pas trop loin de la ville. Leurs maisons sont habitées, pour la plupart, les trois mois de l’été.

Ce qui n’est pas négligeable en termes de gains. Loueur et locataire trouvent, donc, leurs comptes. Et c’est tant mieux ! Ce qui est regrettable c’est que des tentes obtenues, pour des miettes, dans le cadre de vacances organisées par le secteur public pour les travailleurs, soient louées pour des prix exorbitants.

Mais en l’absence de contrôle et de dénonciation, toutes les pratiques sont bonnes pour gagner de l’argent même d’une manière malhonnête. C’est dommage !!

Samia A. B

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