Et si le retour au jardin potager permettait d’améliorer la nutrition

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L’été étant la période propice pour s’occuper de son jardin et de ses plantes, nos marchands proposent de tout, alliant conseil et astuces pour réussir son jardin ou potager, c’est selon.

Les hommes ne doivent pas avoir la main verte, vu le nombre d’hommes qui s’arrêtent au niveau des marchés pour plantes. Si les femmes squattent les trottoirs de longs moments avant d’opter pour sa ou ses plantes, les hommes ne s’arrêtent presque jamais.

Les deux marchés les plus connus sont installés, le premier juste en bas du marché de fruits et légumes du centre, à même le grand boulevard. Le second regroupe plusieurs marchands en bas de la clinique Sbihi Tassadite. Si les étals de ces marchands, qui viennent de partout même de l’extérieur de la wilaya, intéressent nos victimes de la folie verte, c’est parce que les produits proposés sont plus faciles à utiliser. Pas besoin d’être un expert pour savoir s’y prendre. Puis avec les longues explications et conseils qui accompagnent l’achat de toute plante, les plus novices réussiraient leur coup.

Les très jeunes plants, vendus en mini-mottes proposés dans ces marchés font le succès de ces derniers. Ces jeunes pousses ont souvent un prix très attractif. C’est intéressant, notamment quand on doit replanter un grand nombre de jardinières. Rien de plus simple que de changer de pot ou de placer au jardin les plantes, généralement couvertes au niveau de la racine d’un peu de terre humide, histoire de la maintenir en vie en attendant son jardin d’accueil.

On y trouve de tout. Des plantes de décorations entre fleuries et grimpantes aux légumes dans leur diversité. Tomates, poivrons, piments, laitues et d’autres produits aussi utiles que faciles à entretenir. A côté de cela, on trouve l’indétrônable basilic qui constitue l’un des produits les plus prisés des clients de ces serviteurs de la folie verte. nous raconte Rachid, 24 ans, marchand de plantes : «Je ne rentre jamais avec de la marchandise le soir. Tout se vend et les gens ont l’air de vouloir couper avec les produits qu’on propose au niveau des marchés. C’est ce que m’expliquent tous mes clients. Certains disent vouloir faire des économies en s’approvisionnant de son propre potager en ce qui concerne les légumes du moins. Ils veulent aussi contrôler la qualité des produits qu’ils consomment. Ce qui n’est pas possible avec ce qu’on achète dans le commerce». Rachid, qui vient avec son frère aîné de Boumerdès, nous confie que parmi la vingtaine de produits qu’ils proposent, entre fleurs, légumes et plantes aromatiques, le basilic et le thym restent indétrônables. Tout le monde veut un pot de basilic ou de thym dans son balcon ou à même la fenêtre de sa cuisine. Rachid estime que la demande est très large, notamment comparativement à l’offre. Rachid ajoute : «Nous écoulons notre marchandise en quelques jours à peine entre ce que nous acheminons vers Alger et Tizi-Ouzou». Il compte ouvrir sa propre boutique de jardinage ou en plus des semences et outillages, il proposera les plants qui ont fait sa réputation à Tizi. Il semblerait, selon lui, que les jeunes pousses qu’il vend sont spécialement résistants et réussissent à tous les coups. Ses clients qui reviennent souvent pour se réapprovisionner le lui conforment toujours.

La boutique de Rachid marcherait super bien étant donné que dans les boutiques spécialisées qui existent en ville, on ne propose que des semences. Mais y on trouve aussi les équipements et outils nécessaires pour l’entretien du jardin. Râteaux, fourches, pelles, truelles, scies à main et sécateur sont les outils de base que doit posséder un bon jardinier. Jadis, on se procurait ce genre d’outillages au niveau du souk hebdomadaire. C’est toujours le cas pour certains villageois qui ne peuvent s’approvisionner pour leur jardin potager que du souk. Seulement ce qu’on ne trouve pas au souk et qui orne les étals des boutiques spécialisées dans le jardinage c’est le précieux terreau, même si de ce côté-là on reste traditionnel et conservateur chez nous.

Que ce soit pour les jardins potager, les jardins fleuris ou les pots et bacs des terrasses et balcons, quelle que soit la nature de la plante, les Kabyles sont fidèles aux anciens engrais. Les engrais naturels auxquels se ruent actuellement un nombre d’agriculteurs et de jardiniers occidentaux. Ecologiques et économiques, les engrais naturels sont revenus au devant de la scène ces dernières années, notamment avec les débats environnementaux et la tendance Bio qui fait des milliers d’adeptes dans le monde.

Ces engrais sont simples à trouver, notamment pour nos jardiniers. La bouse de vache et le fumier de volaille, de chevaux, d’ânes et autres animaux d’élevage, constituent les engrais les plus connus et les plus utilisés en Kabylie. Ces derniers ont la réputation de fertiliser les sols. Des études ont confirmé l’utilité de ces pratiques et du choix des engrais adoptés par les Kabyles pour avoir un meilleur rendement dans leurs cultures. Les engrais que nous avons cités ont la vertu d’apporter au sol les nitrates, et l’azote dont il a besoin pour donner de bon légumes et fruits. Les arbustes et même les arbres mûrs en ont droit aussi. Nna Ouiza, 76 ans, nous confie son secret pour avoir un sol éternellement fertile : «Moi, pour mes potagers, j’utilise du fumier qui a composté durant plus d’une année à l’extérieur. Je l’étale dans un coin de mon jardin et le laisse sécher. J’y ajoute au fur et à mesure les feuilles mortes et les déchets des arbres de mon jardin. Le fumier frais est très mauvais pour les plantes. Un jour, j’ai utilisé du fumier de volaille frais sur ma laitue, j’ai tout simplement bousillé ma culture. Ma fille aînée qui s’occupe du jardin de sa belle mère, rajoute au fumier toutes les épluchures de légumes qu’elle utilise pour sa cuisine. Elle dit qu’elle a entendu ça sur une chaine de télévision française ! Je ne savais pas que les français cultivaient aussi leurs légumes tous seuls !», Nna Ouiza, s’occupe de deux autres potagers appartenant à ses deux enfants en plus du sien.

En plus des engrais dont elle enrichit sa terre à chaque plantation, elle a un rituel qu’elle fait une fois les quatre ou cinq ans. Elle laisse reposer ses jardins tout l’automne. Elle travaille la terre deux ou trois fois en hiver en amendant le sol avec du fumier et laisser reposer entre chaque opération. Selon elle, ce rituel a un effet booster sur le sol et garantit sa qualité pour les années à venir. En plus de cette astuce, Nna Ouiza nous en donne une tonne. Ses conseils peuvent être l’objet d’une étude, tellement elle donne une explication à chaque geste et pratique.

C’est dans cette liste de conseils que nous avons pioché et retenu les plus faciles et logiques surtout. C’est ainsi que nous avons découvert le système de rotation qu’utilise Nna Ouiza, depuis qu’elle a vu son père et sa mère le faire. Son beau-fils, agronome, lui en a donné l’explication. Elle nous la livre de suite. Le truc, selon Nna ouiza, c’est de ne jamais replanter un légume sur la même parcelle. Aussi, selon Nna Ouiza, les légumes n’ont pas les mêmes besoins nutritifs et alterner les cultures évite l’appauvrissement de la terre.

Le système de rotation et l’enrichissement de la terre constituent, donc, le duo gagnant ! Si Nna Ouiza a grandi dans les potages et aussi c’est grâce aux potagers qui on trouve ces dernières années des femmes qui jardinent pour le fun. Jardin fleuris, potagers ou les deux à la fois, le choix n’est souvent pas fortuit. Si les potagers sont devenus à la mode, les motifs de ce retour à la terre sont nombreux et justifiant la «Jardinomania» qui a touché les femmes kabyles qui ont jadis choisi de délaisser leurs champs et jardins. Les motifs sont autant écologiques qu’économiques, même si pour ce dernier point, des calculs s’imposent.

Si nous voulons dorénavant savoir comment poussent nos légumes et tenons à les voir grandir sous nos yeux, il reste que la graine ou la pousse soit moins chère que le légume. Seulement si on met sur la balance la facture d’eau, souvent salée pour sa part. Nna Chérifa, 74 ans nous raconte : «J’avais l’un des meilleurs potagers du quartier. Je plantais de tout. J’approvisionnais souvent mes belles sœurs qui, elles venaient du village. Il fallait bien que j’aide mon mari à nourrir les treize bouches que nous avons enfantés. Je faisais de mon mieux pour alléger les charges. J’offrais en revanche à mes enfants des produits sains.

Aujourd’hui, je ne sors que rarement dans mon jardin. En plus de ma condition physique qui m’empêche de circuler dans les allées de mon jardin avec aisance, nous avons décidé mon mari et moi que le potager soit de l’histoire ancienne pour nous. La cause ? La cherté de l’eau. Nos factures sont devenues effrayantes au fil des ans. Ces derniers temps, juste pour la consommation ménagère, nous recevons des factures que nous supportons difficilement. On a, donc, dû sacrifier le potager pour limiter la consommation d’eau. C’est dommage, surtout pour mon mari qui s’occupait l’esprit dans la culture du potager, seulement nous ne pouvons plus assurer les quittances.

On pense faire des économies en cultivant ses légumes tout seul et on se retrouve avec des factures qui font sortir les yeux de leurs orbites !», Cherifa, a la chance d’habiter une maison avec un coin jardin sur les hauteurs de la ville. Ils ne sont pas nombreux à en posséder les habitants de la ville. «Dieu donne de la viande aux édentés», penseraient-ils, en voyant le jardin abandonné de Nna Cherifa. Alors qu’eux ils profitent du moindre petit centimètre carré de terre pour cultiver un jardin au mieux un potager, il y a des jardins à l‘abandon pas loin de chez eux! Hayet n‘avait jamais travaillé la terre auparavant. Avant de s’installer dans son village d’origine. Avant c’était une citadine crue ! Elle est tombée amoureuse de son jardin dès qu’elle l’a vu. Il y avait déjà des arbres fruitiers que son feu beau-père avait planté et soigné avec amour. Deux orangers, un citronnier et un abricotier. Il y avait aussi des rosiers que sa belle-sœur avait planté mais qui ont évolué sauvagement par manque d’entretien. Hayet a, donc, décidé de reprendre les choses en main.

Elle nous raconte : «J’ai commencé par tailler les rosiers et enlever les mauvaises herbes. Je me suis approvisionné en pots, terreau et plantes pour décorer la partie carrelée du jardin.

J’y ai mis de l’hortensia et du géranium, en plus des plantes aromatiques. Mon mari a rempli les pots restants et y a semé quelques sachets de graines qui traînaient à la maison. On a eu du persil, de la menthe et du basilic. J’ai demandé de l’aide à une proche pour retourner la terre et la débarrasser des grosses pierres qui s’y sont entassées au fil des ans. Je me suis procuré de l’engrais de chez un cousin.

Et le travail a commencé. J’ai planté de la laitue et de la mâche en semence dans deux carrés séparés. Et j’ai réservé les deux autres carrés qui me restaient pour planter les pousses de poivron et de piment que j’ai acheté devant le marché du centre. J’ai réalisé un système d’irrigation digne d’une professionnelle. Et mon potager état prêt. Quelques semaines d’entretien et de chouchoutage intensif ont suffi pour me récompenser. C’est super valorisant les remarques que tout le monde faisait sur mon potager. On était étonnés de voir qu’une algéroise puisse travailler la terre et tenir à manger de ses fruits. J’étais fière !». Aujourd’hui Hayet vit en ville.

Même si elle a une terrasse qu’elle a ornée de bacs et pots, toutes dimensions confondues, pour y mettre ses plantes, elle regrette bien son jardin et toutes les parcelles de terre qu’elle a abandonné en s’installant en ville. Dans ses bacs, on trouve du basilic, du thym, de la menthe.

On trouve également de l’hortensia qu’elle affectionne particulièrement. Pour sa terrasse Hayet prévoit, apparemment, d’y utiliser chaque centimètre carré, le long des murs compris. Ses projets pour l’automne nous en donne la preuve. Elle promet que pour l’année prochaine sa terrasse sera transformée. Elle prévoit d’y mettre de grands bacs pour y planter des…tomates !!! Elle veut aussi des haricots verts et des fraises ! Nous imaginons mal où s’entasserait tout ce beau monde. Hayet nous rassure qu’à chacun sa place et qu’il y aura de la place pour tout le monde. La terrasse est déjà couverte de vignes qui, grimpant sur un grillage installé pour aider la vigne à prendre de l’élan. Cela donne un effet de plafond de verdure qui transforme la petite terrasse en un coin très convivial et un point discret. Côté engrais, Hayet se fait «livrer» par son cousin, éleveur, lorsqu’il est de passage en ville. Engrais naturel pour Hayet. Encore mieux, notre «jardinomaniaque» fabrique sa propre lotion insecticide. Et c’est du 100% naturel s’il vous plait.. !!. Se basant sur un livre qu’elle s’est procuré chez un ami, elle a pu apprendre beaucoup de choses sur la culture écologiquement correcte et la culture Bio. Le livre comporte, selon Hayet, un long chapitre consacré aux astuces et trucs de grand mères. Des astuces qui se sont révélées protectrice de l’environnement et efficaces en même temps, selon Hayet. C’est dans ce livre qu’elle a appri à fabriquer une série d’insecticides à base d’ingrédients naturels. De l’ail à l’huile pour bébé, passant par le bicarbonate de soude et autres ingrédients aussi simplissime qu’un bonjour, peuvent repousser les insectes.

Même si le débat n’est pas encore très avancé chez nous concernant l’utilisation de certains insecticides, le consommateur algérien a accès à l’information mondiale à travers la télévision et l’Internet. Ce qui motive de plus en plus les consommateurs à se méfier des produits qu’ils achètent au marché et aspirer à contrôler la qualité de leur nourriture. Le jardinage est la meilleure façon de le faire. Mode ou nécessité ? A chacun, donc, sa motivation !

Samia A. B.

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