«Je suis fière de ma Kabylie»

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La nouvelle reine mondiale du karaté, Lamya Matoub, contactée au téléphone vendredi dernier, parle dans cet entretien de sa médaille en vermeil, de sa carrière et de ses origines.

La Dépêche de Kabylie : quelques jours après votre sacre comme championne du monde, réalisez-vous l’exploit ? Lamya Matoub : Sincèrement, je suis encore tout émue. C’était un moment très fort pour moi. Sur le moment je n’ai pas réalisé que je venais de concrétiser un rêve d’enfance. Je ne peux vous décrire le bonheur et la joie que j’ai ressentis à l’issue du combat avec l’ex-détentrice du titre mondial, l’Autrichienne Buchnger. Décrocher ce mondial, c’est un énorme challenge qui n’est pas à la portée de premier venu. J’en suis très fière. Et je suis vraiment comblée et heureuse d’avoir fait retenir l’hymne national.

Revenons un peu sur cette finale, comment l’avez-vous appréhendée ?

D’abord, je savais à qui j’avais affaire. Je connaissais bien mon adversaire pour l’avoir déjà rencontrée en poules, à maintes reprises, dans différentes compétitions. Dans la plupart de nos combats, nous nous sommes souvent neutralisées. Mais pour cette finale, je me suis dit : bon, je vais y aller pour gagner ! J’avais tellement envie de décrocher cette médaille d’or qui me tendait les bras et cela m’a poussée à sortir tout ce que j’avais dans les tripes. J’étais très agressive et j’ai tout fait pour la provoquer afin de l’amener à faire l’erreur, mais je ne suis pas arrivée à marquer des points, si ce n’est l’avantage du drapeau. Ce qui m’a permis d’ailleurs de sortir au final vainqueur. Je pense que c’est ma rage de vaincre qui a fait la différence dans cette finale que je tenais à tout prix à remporter.

Vous avez été accueillie en véritable héroïne jeudi. Que ressentiez-vous ?

C’est incroyable. Je ne m’attendais pas à un aussi chaleureux accueil. Il y avait le ministre de la Jeunesse et des sports, le président de la fédération, les entraîneurs, des personnalités et des sportifs. J’étais vraiment aux anges. Cela fait vraiment chaud au cœur d’être accueillie de la sorte. Cela m’encouragera à redoubler d’effort pour honorer l’Algérie et la Kabylie lors des prochaines échéances.

Maintenant que vous êtes sur le toit du monde, quels sont vos futurs objectifs ?

Je suis ambitieuse de nature et je ferai tout pour rester au sommet, à commencer par défendre crânement ce titre de championne du monde lors des prochains mondiaux en 2018. Mon autre objectif, ce sont les jeux olympiques de 2020 à Tokyo. C’est un autre rêve qui me tient à cœur et je compte bien le réaliser. Je vais continuer à bosser d’arrache pied pour être prête à relever le défi.

Nombreux sont ceux qui voudraient vous connaître un peu plus, pourriez-vous nous tracer brièvement votre carte de visite ?

Je suis une Kabyle originaire du village Tigounatine, dans la commune d’Akerrou, dans la région d’Azeffoun. Je suis née à Saint-Denis en France en 1992. J’habite actuellement à Pierrefitte-sur-Seine où je suis enseignante au primaire. J’ai commencé à pratiquer le karaté il y a 19 ans. J’avais confié à ma mère mon désir de pratiquer cet art martial et elle n’y a trouvé aucun inconvénient. Aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir opté pour ce sport qui occupe une grande place dans ma vie. J’évolue au sein de l’équipe de l’AASS Karaté Sarcelles. Un club qui m’a permis de gagner de nombreux titres et de compter aujourd’hui un palmarès éloquent, que ce soit avec le club, avec la sélection de France en jeunes catégories ou avec la sélection algérienne dans la catégorie seniors.

Votre convocation en équipe nationale remonte justement à quand ?

Ma première convocation en équipe nationale algérienne fut en 2014. J’ai fait le choix d’opter pour l’Algérie et je ne le regrette pas. J’ai participé au championnat du monde à Brème (Allemagne) en 2014 et j’y ai été éliminée au premier tour. Mais c’était ma première participation, donc, je n’avais pas à en rougir. Je connaissais mes qualités. J’ai continué à travailler très dur. En 2016, j’ai pris part à un autre championnat du monde. C’était en Autriche. Là j’ai atteint les quarts de finales. En 2015, j’avais arraché deux médailles d’or, en individuel et par équipes, aux Jeux Panafricains à Brazzaville. Une performance qui m’a permis d’arracher la qualification à ces derniers Jeux mondiaux, en Pologne, où j’ai réussi à concrétiser un rêve d’enfance en décrochant la médaille d’or. Un titre majeur qui m’encouragera à réussir d’autres exploits.

Vous êtes née en France, mais vous parlez couramment kabyle. Quel est le secret ?

Vous savez, quel que soit le pays où on est née, on ne doit pas oublier ses origines. Chez nous, à la maison, on parle tout le temps kabyle. Mes parents ont conservé intactes les traditions de chez nous et cela s’est répercuté positivement sur nous. Aujourd’hui, je suis vraiment fière de parler ma langue maternelle et celle de mes ancêtres. J’aime la Kabylie et je ne rate pas une occasion pour retourner chez moi au village de Tigounatine. C’est le meilleur endroit pour moi pour me ressourcer. J’adore ma région et je suis fière de ma Kabylie.

Avez-vous autre chose à ajouter pour conclure ?

D’abord, je tiens à remercier tous ceux qui m’ont aidée à concrétiser ce rêve d’enfance, ma famille, les responsables de la fédération et mes entraîneurs, sans oublier tous mes coéquipiers et coéquipières, que ce soit ceux de mon club, Karaté Sarcelles, l’équipe nationale et bien évidemment tous les sportifs algériens qui doivent être fiers de ce titre majeur pour la discipline et pour le pays surtout. Je tiens aussi à remercier le ministre de la Jeunesse et des sports pour l’intérêt et l’attention qu’il accorde à tous les sportifs, notamment les athlètes de performances qui représentent le pays aux joutes internationales. Je remercie également la Dépêche de Kabylie de m’avoir offert l’occasion de revenir sur ces moments de bonheur et de me présenter au public algérien. Vive l’Algérie et vive ma Kabylie.

Entretien réalisé par Salem Klari

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