Jusqu’au bout de la nuit !

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Les Algériens ont vécu une nuit de folie. En Algérie comme ailleurs dans le monde, ils ont laissé leur joie exploser et se sont laissés emporter par l’ivresse du sacre.

Les avenues du cœur d’Alger, pleines tout l’après-midi, sous un soleil de plomb, de manifestants qui défilent chaque vendredi depuis cinq mois pour réclamer le départ du régime, s’étaient vidées en fin de journée pour laisser place au match.

Les protestataires avaient rejoint les fan-zones, les cafés, voire des écrans improvisés dans la rue. Au coup de sifflet final, les rues ont à nouveau été prises d’assaut par une foule en liesse, au son des klaxons, des youyous, des vuvuzelas et des feux d’artifices zébrant le ciel sans interruption, à la lumières des fumigènes. Coincées au milieu de la foule, des voitures couvertes du drapeau algérien ont fait retentir leurs klaxons en signe de joie. Même les nombreux scooters chevauchés par les jeunes Algérois avaient du mal à se frayer un chemin dans la foule compacte, où de nombreux jeunes portaient le maillot de l’équipe nationale. « One, two, three, viva l’Algérie », chantait la foule en chœur.

Hommes, femmes et enfants de tous âges, jeunes et vieux mélangés, certains en larmes, riaient et dansaient, dans une ambiance festive et bon enfant. Les policiers observaient de loin, leurs véhicules garés devant la Grande Poste, gyrophares bleus tournant. Au coup de sifflet final, le stade du quartier du Telemly exulte. «C’était vraiment incroyable, vraiment émouvant, parce que c’est la première fois que j’assiste en direct» à une victoire de l’équipe nationale, raconte cette femme, du bonheur dans la voix. «C’est éblouissant, c’est magnifique !» Les supporters ont un mot à la bouche : «Merci». Aux joueurs, à l’entraineur Djamel Balmaidi.

Les feux d’artifice claquent dans le ciel. Hommes, femmes et enfants, chantent, dansent et klaxonnent. La victoire rend Adlène, 19 ans, très heureux : «On est content, on a gagné la Coupe d’Afrique. Qui n’aime pas gagner ? Qui n’aime pas que son pays gagne ? Qui n’aime pas défiler ? Dieu merci, ils nous ont rendus fiers. Ils ont rendu tout le pays heureux !». Les groupes de supporters habituels des équipes de football, ceux qui ont des instruments de musique, ont chanté toute la nuit. On a beaucoup entendu la chanson Liberté, de Soolking, devenue un hymne depuis le début des manifestations au mois de février. Mais on a entendu aussi ces chansons contestataires venues des stades de football.

Remporter une CAN 29 ans plus tard, une saveur particulière pour les plus jeunes. « Notre génération n’a jamais vu une joie pareille. On n’a pas gagné depuis 1990 et en plus on a gagné en Égypte. C’est un sentiment particulier. Je ne pense pas qu’on va vivre quelque chose pareil, même au Soudan, même la Coupe du monde. Ça, c’est particulier. Ça restera dans l’histoire», s’exclame un supporter. Et d’encenser le sélectionneur des Fennecs : «Belmaidi, bien sûr, c’est le meilleur entraîneur du monde. Mieux que Guardiola, mieux que Mourinho, mieux que tous. Meilleur entraineur au monde !»

À Alger, chacun se dit reconnaissant pour cette joie qui a fait vibrer la ville et tout le pays tout au long de la CAN. La fête a duré une bonne partie de la nuit et devrait se poursuivre ce week-end, au retour des Verts en Algérie. Entre-temps, les rues de la capitale sont redevenues calmes samedi matin.

Et même inhabituellement calmes. Il faut dire que quelques heures auparavant, il y avait encore des milliers de personnes dans leurs voitures, qui klaxonnaient et défilaient dans le centre d’Alger. Vendredi soir, les habitants de la capitale s’étaient organisés pour voir le match au-delà des écrans géants installés par les autorités. Certains quartiers avaient aménagé des draps et des vidéoprojecteurs. D’autres avaient installé des télévisions dans la rue. Ambiance chaleureuse. Ce match, c’était un peu à l’image des manifestations : du partage, de l’entraide et beaucoup de mixité.

La Kabylie en liesse

Des scènes de liesse et de joie indescriptibles étaient perceptibles en Kabylie à l’instar de toutes les autres régions du pays. Tout le monde avait les yeux rivés sur le petit écran, chez lui, dans les cafés et même sur les téléphones intelligents, pour suivre cette finale inédite entre l’Algérie et le Sénégal.

Malheureusement, les écrans géants installés dans les différentes structures de jeunesse, à l’instar des CSP de M’Chedallah, Sour El Ghozlane, Aïn Bessem, Lakhdaria et même au Théâtre en plein air de Bouira, n’ont pas fonctionné à cause d’un «câble inapproprié», privant des milliers de fans des Verts de suivre cette finale en groupe dans une ambiance festive. Dès le sifflet final, des marrées humaines ont déferlé d’une manière spontanée dans les rues, qui à pied, qui en voiture, portant fièrement l’emblème national. Elles sillonnaient les rues, avec klaxons, fumigènes et feux d’artifice, au rythme des chansons en l’honneur de l’EN.

Sans oublier les youyous des femmes qui fusaient de partout. La fête s’est déroulée dans de bonnes conditions sans aucun incident majeur à signaler. Il faut dire que la rencontre disputée face au Sénégal a tenu en haleine toute la population, qui n’a pas quitté des yeux les écrans, 94 minutes durant. Certains ont prié pour que le rêve de brandir la Coupe d’Afrique, après 29 ans, se réalise et que la bonne aventure des gras de l’entraîneur Djamel Belmadi ait une fin heureuse. En fin de compte, les camarades de l’héroïque Belameri ont fini par remporter le sacre et procurer de la joie aux millions d’Algériens, en ce jour de Hirak.

Un vent d’espoir a alors soufflé sur l’Algérie. L’euphorie qui avait atteint son paroxysme a duré pendant toute la nuit jusqu’au petit matin. Dans les rues de Bouira, chacun allait de son commentaire pour s’exprimer sur le parcours des Verts. Pour beaucoup, cette victoire a donné de la joie au peuple algérien, en cette période de Hirak et d’instabilité politique, et a redoré le blason du sport roi national, «plus que jamais malade de ses dirigeants y compris des responsables des clubs, et terni par les innombrables affaires de corruption, de rencontres arrangées et d’actes de violence enregistrés chaque week-end dans les stades», dira un supporter, fier de son équipe.

Et un autre de poursuivre : «Un baume à nos cœurs attristés depuis belle lurette. Mais il ne faut pas oublier les marches de l’espoir pour le changement menées par le peuple algérien depuis le 22 février dernier. Aujourd’hui, il faut savourer cette consécration tant attendue, qui renforce encore davantage les liens entre les Algériens ».

Paris, Marseille, Lyon…

Fumigènes, klaxons, moteurs vrombissant et foule en liesse: les supporters des “Fennecs” algériens ont envahi les rues, de Marseille à Lyon, Paris, Lille ou Strasbourg, pour célébrer la victoire des leurs en finale de la Coupe d’Afrique des Nations, 29 ans après leur précédent titre continental. Pendant tout le match, la Canebière et les artères voisines, au coeur du centre-ville populaire de Marseille, étaient bondées.

Sur les panneaux de signalisation, les conteneurs à poubelles, sur tous les trottoirs, les supporters-algériens dans leur grande majorité, malgré la présence de quelques fans sénégalais-se sont entassés pour suivre la rencontre sur les écrans géants sortis par tous les cafetiers du quartier. Dès le coup de sifflet final, contournant un cordon de policiers casqués et harnachés, une marée humaine a commencé à déferler vers le Vieux Port, qui, feu d’artifice du 14 juillet oblige, avait été interdit aux supporters algériens lors de la demi-finale remportée face au Nigeria. Marseille semble emporté par la folie, au bruit des moteurs de motos et de scooters, des pétards et des klaxons, noyée sous les fumigènes, “craqués” par dizaines.

L’ambiance, quelques minutes après la fin du match, reste festive, quelques jeunes osant même des “selfies” avec les CRS. Dès le coup de sifflet final, contournant un cordon de policiers casqués et harnachés, une marée humaine a commencé à déferler vers le Vieux Port, qui, feu d’artifice du 14 juillet oblige, avait été interdit aux supporters algériens lors de la demi-finale remportée face au Nigeria. Marseille semble emporté par la folie, au bruit des moteurs de motos et de scooters, des pétards et des klaxons, noyée sous les fumigènes, “craqués” par dizaines.

L’ambiance, quelques minutes après la fin du match, reste festive, quelques jeunes osant même des “selfies” avec les CRS. A quelques centaines de kilomètres, les mêmes scènes se répètent à Lyon. Le coup de sifflet final, dans le quartier de la Guillotière, entraîne un déchaînement de youyous, pétards, feux d’artifice et fumigènes. Des supporteurs au guidon de scooters font crisser leurs pneus sous les acclamations de la foule. Beaucoup de téléphones allumés immortalisent l’événement.

Autour de la presqu’île, sur des quais, des embouteillages se forment alors que l’accès au centre-ville est bloqué par les forces de l’ordre, déployées en nombre. “Je suis heureuse, le cœur, il bat vite. Ce n’était pas inespéré, on était sûr de gagner”, se réjouit Ariane, drapée dans son drapeau algérien, avant de courir vers la place Gabriel Péri, épicentre des célébrations. “Normal qu’on fasse la fête” Sur les Champs-Élysées à Paris, dès la fin du match, des grappes de supporters débarquent sur “la plus belle avenue du monde”, aussi soudainement que le but qui a assommé les Sénégalais dès les premières minutes du match.

Devant la bouche de métro, Bianca, Imene et Farrah ont regardé tout le match sur leur portable, déjà positionnées pour faire la fête. “On avait confiance en nos joueurs !” s’exclame Bianca, 20 ans. “On a gagné. J’aime mon pays, oualah, c’est magnifique !” exulte la jeune fille, aux anges.

M’hena A. et R. S.

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