Taburth N’Lainceur, une porte sur la nature !

Partager

Touché ces derniers jours par une vague d’incendies, le Parc national du Djurdjura, créé en 1983, est une aire protégée et, de surcroît, une réserve biosphère qui regorge d’espèces endémiques, rares et rarissimes, inscrites sur la liste rouge de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature).

Il recèle aussi des sites paradisiaques, tels Tamda Ougalmine (Lac Goulmine), culminant à plus de 1 700 mètres d’altitude, ou encore Taburth N’ Lainceur, relevant de la commune d’Assi Youcef, Thinzar (Les deux narines), et de paysages à vous couper le souffle. Thaburth N’Lainceur est un site magnifique qui mérite d’être valorisé. Il attire des centaines de visiteurs et de touristes aussi bien en été qu’en hiver.

Destination Taburth N’Lainceur

Boghni. Le tableau de bord du véhicule indique 10 heures ; Et 40° en cette journée caniculaire de fin de juillet, l’un des mois les plus chauds de ces dernières années. Moteur en marche, destination Taburth N’ Lainceur pour une journée de villégiature, en pleine montagne. Afin d’éviter le détour par la ville de Mechtras, traversée par la RN30 et dont les embouteillages sont monstres à cause surtout des cortèges nuptiaux, notre accompagnateur propose un raccourci. Nous prenons alors le chemin passant par Ath Mendès sur les hauteurs de la ville, puis nous traversons les villages Ath Houari, Ath El Hadj. Sur place, nous avons pu admirer les belles villas construites des deux côtés de la route. «C’est magnifique. Il n’y a pas trop de ralentisseurs. C’est plus fluide. Il n’y pas vraiment beaucoup de véhicules à cette heure de la journée», dira aâmi Ahmed. Au fur et à mesure que nous nous approchons de ce bel endroit, l’air se rafraîchit, en dépit du taux d’humidité très élevé.

Taburth B’Wadda (La porte d’en bas) grouille de monde

C’est un petit plateau au bas de deux gigantesques falaises. Les premiers vendeurs de produits artisanaux attendaient de potentiels clients. Le vendeur de glaces nous invite à prendre quelque chose. «D’où venez-vous ? Soyez-les bienvenus à Taburth N’Laiceur», lance-t-il.

Après lui avoir décliné notre identité, il commence à nous expliquer un petit peu l’histoire de cet endroit, devenu un lieu de détente et de rencontre pour les familles, les touristes et les villageois. «Dieu merci, Taburth N’Laiceur a retrouvé son calme et sa sécurité. Il était abandonné, notamment durant la décennie noire. Personne n’osait s’y aventurer. Maintenant, nous pouvons même nous installer dehors à regarder, notamment, les matches de l’Equipe nationale jusqu’à une heure tardive de la nuit», dit-il.

L’écran géant est toujours suspendu sur la paroi d’un gigantesque rocher, en pleine nature. Dès 16h, poursuit-il, ça grouille de monde. D’autres petits commerçants s’y installent également, au fur et à mesure. A y croire certaines personnes rencontrées sur ce plateau, s’abreuver à la fontaine est inévitable quand on vient dans la région.

Taburth Thelemasth (La porte du centre) animée

Tout d’abord, c’est la fontaine qui attire notre attention. En effet, des centaines de personnes y remplissent leurs jerricans. Deux files d’attente, l’une pour les hommes et l’autre pour les femmes. «Je viens des Ouadhias. J’aime cet endroit surtout pour l’eau fraîche de sa fontaine», nous répondit un homme d’un certain âge. Il y avait des enfants, des femmes, jeunes et moins jeunes, des hommes, qui riaient et s’amusaient en attendant leur tour. L’ambiance est bon enfant. «Espace familial, ensemble protégeons-le. Consommation d’alcool interdite. Respect de soi-même. Respect des autres. Responsabilité dans vos actes», lit-on sur les murs du réservoir d’eau.

Tout visiteur à Taburth N’Lainceur est ainsi interpellé car, durant des années, dit-on, ce site merveilleux était le fief des laissés-pour compte. Il a fallu l’engagement des villageois d’Ath Boughardène pour le libérer de l’emprise des délinquants. Aujourd’hui, des dizaines de familles y viennent pour boire de cette eau douce et fraîche, en provenance de la montagne. Ce qui attire aussi notre attention, c’est ce drapeau amazigh peint sur le mur de la fontaine, en face du portrait de Lounès Matoub, dessiné sur l’un des gigantesques pics rocailleux.

«Matoub est le gardien des lieux, comme un serviteur des lieux», nous apprendra un passant. Un agent de sécurité veille sur ce site du matin au soir. «Je suis un bénévole. Je suis là depuis trois ans. Même si, parfois, j’ai des démêlés avec certaines personnes malintentionnées qui aimeraient souiller ce lieu, je prends mon courage à deux mains et je le défends. J’attends toujours que l’APC ou les responsables du Parc national du Djurdjura me recrutent», nous explique-t-il un peu dépité, tout en nous exhibant son badge.

La sécurité : l’affaire de tous

Notre hôte, l’agent de sécurité, nous fait visiter Taburth Thelemasth, en s’attardant un peu sur la fontaine. «C’est un réservoir d’eau rempli à partir de Taburth Oufella. Une conduite réalisée au début des années 1980 par les autorités locales. J’avoue que des gens viennent même d’Alger, de Blida, Tizi-Ouzou, Bouira et Boumerdès pour s’y abreuver et remplir leurs jerricans. Ils trouvent que cette eau est non seulement fraîche, pure et douce, mais aussi insatiable», ajoute notre guide. «C’est la quiétude totale. Vous pouvez même monter là haut. Regardez, cette dame et son accompagnatrice, elles n’ont peur de rien. C’est pour vous dire que vous êtes en pleine sécurité», enchaîne-t-il. Et notre accompagnateur de conclure : «Ici, la sécurité est l’affaire de tous.»

Retour sur l’histoire de Taburth N’Lainceur

Réalité ou légende ? Il répondit : «On raconte qu’un séisme a frappé, il y a très longtemps. Alors, une véritable explosion s’y produisit. D’ailleurs, on dit même que les galets et les grosses pierres sont arrivés jusqu’à Mechtras et dans toute la vallée. De grands rochers sont aussi visibles à Thiniri», dit-il.

Et puis, il nous montre ces deux grands rochers. «Pour expliquer cette explosion, on voit qu’il y a une symétrie sur ces deux rochers. Tout ce qu’on voit sur le rocher de la rive gauche est la suite de celui de la rive droite. C’est la preuve irréfutable que ce qui est raconté par les uns et par les autres est vrai», insiste Aâmi Ahmed. Soudain, des pierres commencent à chuter. Nous avons cru que c’était une autre explosion. Ce sont les singes dérangés par les bruits qui poussent des galets, en prenant la fuite vers les sommets. «Faites attention ! Ne vous approchez pas trop des parois. Vous risquez gros», nous recommande l’agent de sécurité. Dans cette montagne, des colonies de singe magot y habitent. Par manque de nourriture, ils envahissent les figueraies des villages limitrophes du Parc national du Djurdjura.

D’ailleurs, la Direction du PND sensibilise aussi bien les visiteurs que les riverains sur cette espèce de singe, qui risque de disparaître à cause du comportement de l’homme. «Taburth N’Lainceur est l’un des sites les plus magnifiques du Djurdjura. Il est au cœur du PND à 830 mètres d’altitude. Selon les historiens, c’est en 1657 ou 1687 qu’une explosion a eu lieu, alors que les gorges étaient fermées. Après ce phénomène naturel, elles ont été ouvertes. Ce site merveilleux a longtemps été abandonné. Peu à peu, nous avons commencé à le valoriser. D’ailleurs, c’est à partir de là que les randonneurs commencent leur ascension pédestre pour arriver jusqu’au Lac Goulmine. C’est un passage obligé pour tous les randonneurs quelle que soit leur destination. Mais beaucoup reste à faire pour bien le développer. En tout cas, il est inscrit dans notre programme», explique M. Abdelaziz Mehdi, le chef du secteur de Tala Guilef. Ce n’est là qu’un aperçu sommaire sur Taburth N’Lainceur. Si de tels endroits sont à valoriser, il est attendu que les moyens nécessaires soient mis en œuvre quand on sait que Tala Guilef ou encore Tamda Ouguelmine n’ont retrouvé leur aura et renommée d’antan que grâce aux premiers téméraires qui ont bravé la peur pour se les réapproprier.

Ces dernières années, fort heureusement, ils sont devenus la destination privilégiée des randonneurs et es visiteurs, en provenance des quatre coins d’Algérie. Le secteur du tourisme, d’une richesse inépuisable dans cette région de Kabylie, doit se développer. En hiver comme en été, c’est l’une des destinations préférées des visiteurs locaux et étrangers. La Direction du tourisme doit se pencher un peu plus sur ce majestueux massif du Djurdjura afin de le développer et le sauvegarder, à l’instar des autres sites.

Amar Ouramdane

Partager