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Targit, yiwwas ad thefegh dans les librairies

Infirmier de son état depuis le début des années 70, le poète Mohand Nait Abdallah, aujourd’hui en retraite, a été de tous les combats notamment pour la reconnaissance de sa langue maternelle comme langue nationale et officielle, pas seulement, mais aussi a fait sienne la lutte pour les libertés individuelles et démocratiques dans son pays puisqu’il figure parmi la liste des détenus d’Avril 80 tout d’abord en passant par la prison de Boufarik (Blida) avant de rejoindre les autres militants à la maison d’arrêt de Berrouaghia.

L’enfant de Tifilkout sur les hauteurs d’Illilten (Iferhounène) a connu dès son jeune âge les affres du colonialisme, la faim, les privations et bien sûr le manque de liberté. C’est pourquoi il s’est forgé dans toutes les luttes.

Son père était tombé au champ d’honneur durant la guerre de libération nationale. Il vécut, alors, orphelin comme les milliers d’enfants de chouhada. Auteur d’un premier recueil de poésie (Adref), «Le sillon», en 2013, il réédita son expérience dans ce style littéraire avec un autre recueil «Awal d wawal», «Des mots et des paroles», paru en 2015. Le voilà éditer ce nouvel opus, un roman, déjà sur les étals. «Depuis ma tendre enfance, j’avais ce plaisir d’écrire bien que j’aie vécu dans une période très difficile. Opprimé que je fus durant et après la guerre de libération nationale, je m’engageai sur la voie de toutes les luttes. Mon passage dans les geôles du pouvoir postindépendance me forgea beaucoup en raison de mon contact avec de nombreux militants de la cause berbère. D’ailleurs, dans mon recueil «Adref», apparaissent tous les thèmes qui me tenaient à cœur. Mes vers évoquent le pays, ses maux, ses racines, son histoire falsifiée… Ils (poèmes) fustigent les guerres, les différences, l’ignorance, la misère et bien d’autres choses», a-t-il dit à propos de sa poésie.

Mais, cette fois-ci, l’enfant de Tifilkout se lance dans un autre genre littéraire, le roman. «Targit, yiwwas , ad thefegh» est son nouvel opus édité par les éditions et diffusion de livres «Graine fertile» est, en quelque sorte, un résumé parfait de la situation de notre pays depuis son indépendance jusqu’à aujourd’hui. Parce que, faudra-t-il le souligner», cet écrivain a, quelque peu, anticipé les événements que traversent l’Algérie.

Après une préface de Koceila Alik, professeur de Tamazight à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, le roman s’ouvre avec le premier chapitre «Tikerkas» suivi de trois autres, soit Ashisef, Tektal, Assirem.

Dans cet ouvrage, il raconte le destin forcé des jeunes contraints à l’exil et à quitter leur pays car ils sont victimes d’une politique de soutien à l’emploi dont les conséquences ont lourdement pesé sur ces jeunes «entrepreneurs» au point de tenter la harga à cause des pressions exercées sur eux par les banques et les pouvoirs publics avant d’être arrêtés en mer et conduits en prison. «Ce roman traite de la réalité. Du rêve de ces jeunes qui se transforme en tragédie et du drame de ces jeunes qui sont contraints de fuir leur pays qu’ils aiment pourtant. Ces jeunes qui se voyaient vivre libres sous d’autres cieux plus cléments se retrouvent dans la prison de Skikda. Chacun raconte son histoire et son destin», a-t-il résumé brièvement le contenu de ce roman à lire d’une seule traite pour comprendre le message de son auteur. Il compare ce rêve à celui des démocrates aux premières élections pluralistes du début des années 90.

Il le mentionne clairement dans la quatrième de couverture de «Targit, yiwwas, ad tefegh» en paraphrasant les paroles d’un homme politique après son échec «On est allé chercher Oran, ils nous ont pris Draâ El-Mizan», allusion faite aux élections municipales de 1990 quand l’ex FIS s’est placé à la tête de l’APC de Draâ El-Mizan.

Mohand Nait Abdallah, en poète averti, ne peut écrire sans faire de la poésie une chute pour ses chapitres à l’exemple du poème de la page 93 et de la page 94 ou encore celui de la page 116 où l’on retrouve exactement ce qui se passe aujourd’hui dans notre pays depuis le 22 février dernier. C’est dire que cet auteur est quelque peu un visionnaire.

En tout cas, cet écrivain est loin de s’arrêter là parce que, pour lui, ce n’est qu’un début et il l’avoue en nous annonçant la parution prochaine d’un autre recueil de 26 poèmes «Tanagit negh», «Notre identité» d’autant plus que le sujet est d’actualité.

Amar Ouramdane

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