Un rendez-vous avec l’Histoire

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Les habitants de la région d’Ath Waghlis ont accueilli le nouvel an berbère 2969 dans la joie et la gaieté.

Aujourd’hui, Yennayer demeure l’une des plus anciennes fêtes encore célébrées par les habitants de l’Afrique du Nord, qui ont perdu beaucoup de leurs traditions, sacrifiées sur l’autel de la «modernité» et d’une crise identitaire qui ne cesse de s’amplifier. À l’instar des autres régions de la Kabylie et du reste du pays, les Ath Waghlis ont tenu à marquer de leur empreinte le nouvel an berbère.

Pour cette année, Yennayer prend tout son sens. Les villages du versant ouest de la Soummam n’ont pas négligé cette occasion pour accueillir ce passage à la nouvelle année dans la joie, en organisant plusieurs festivités. Dans la journée du samedi 12 janvier, les patelins grouillaient de monde, notamment marqué par l’euphorie des enfants qui occupaient la place des villages.

Les petites filles vêtues de jolies robes kabyles et les garçons emmitouflés dans des kachabias ou des doudounes attendaient impatiemment le début des festivités. Diverses associations culturelles activant dans les différentes régions ont concocté un riche programme pour l’occasion, nonobstant les chutes de neige et les averses ayant affecté, durant le week-end dernier, l’ensemble de la Kabylie. Toutefois, les organisateurs desdites festivités ont tenu mordicus à célébrer Yennayer. D’année en année, la liste des villages fêtant Yennayer ne cesse de s’agrandir.

ans un passé récent, il se fêtait en famille autour d’un couscous garni de poulet et qui est communément appelé ″Avissar″. À travers le collectif des associations et le concours des comités de village, le nouvel an berbère est célébré dans toute sa splendeur en organisant des festivités et diverses activités où les villageois sont invités à prendre part au fameux couscous et contempler les activités concoctées par les organisateurs de cette fête.

Ainsi, au village Boumelal, situé en contrebas de la commune de Chemini, un comité de jeunes a pris l’initiative d’organiser la fête de Yennayer avec à la clé une conférence et un diner collectif, auxquels ont pris part l’ensemble des villageois. Cependant, les conditions climatiques ont chamboulé, un tant soit peu, le programme concocté, dont les animations et autres galas artistiques ont été annulés suite aux chutes de neige.

À quelques jets de pierre dudit village, Iaabdounene, un patelin relevant de la commune de Souk Oufella, n’a pas dérogé à la règle en s’inscrivant aussi dans la tradition. L’association Ixullaf dudit village a pris le soin de fêter Yennayer comme il se doit en conviant les habitants à prendre part aux festivités. L’association Jeunes de Takrietz a pris, elle aussi, l’initiative de célébrer Yennayer, le samedi 12 janvier, dont la journée est jugée mémorable par les organisateurs.

«La fraternité était au rendez-vous. Les barrières bannies, rires, joie, fous-rires, amabilités, ce fut la fête au village. Grands et petits ont trouvé ce qui leur plait. Concours de dessin ouvert à tous les enfants, jeux de kermesse avec pleins de cadeaux (environ 70), expositions diverses et déjeuner collectif au niveau de la cantine de l’école primaire (plus de 800 plats servis)», dixit un membre de l’association. L’après-midi était tout aussi riche.

Chorales, chants, théâtre, défilés, prises de paroles ont égayé l’ambiance dans une salle pleine de monde, notamment par des familles venues en nombre pour fêter le nouvel an berbère. «Cette année, la célébration est transfrontalière. Une association amazighe tunisienne (association Tamagilt) nous a fait l’honneur de venir fêter cet évènement commun à toute l’Afrique du Nord avec nous, accompagné d’une équipe d’Amazighs libyens (académie amazighe de Libye), et amenant dans sa besace expositions, conférence, cadeaux, défilé et puis surtout la chose qui nous tient le plus à cœur, le début d’une collaboration future, d’une entraide pour la promotion de notre culture et de notre identité», ajoute notre interlocuteur. À Ouzellaguen, l’association Horizons a visé grand en optant pour des festivités hautes en couleurs.

Des reliques soigneusement gardées ont été exposées dans la cour de la municipalité et qui a fait sensation auprès des visiteurs qui découvrent par cette occasion un passé riche en enseignes. Du tissage à la vannerie en passant par les techniques de pressoirs traditionnels, les contemplateurs ont eu plein les yeux. Et pour couronner le tout, une caravane berbère a paradé dans les rues de la ville au grand bonheur des bambins qui admiraient, les yeux écarquillés, les caravaniers vêtus en tenues de combat berbères. Les expositions de plats culinaires populaires, de robes kabyles, d’objets traditionnels ont mis en valeur toute la richesse du patrimoine matériel et immatériel de la Kabylie.

Ainsi, pour beaucoup, imensi n yennayer, le couscous agrémenté d’une bonne viande et de légumes secs (produits de la terre) ou de tous les légumes frais de saison (toujours produits de la terre) est incontournable en cette période de fête. L’idée est que ce soit un aliment qui gonfle, toujours pour un bon présage : une année riche et généreuse. Jadis, la veille de Yennayer, les femmes se chargent de recouvrir les murs de leurs maisons à la chaux «arrucu s tumlilt» et changent le trépied du feu (lkanun).

Aujourd’hui, le calendrier agraire est encore en usage pour les différents travaux agricoles et les vieilles femmes continuent à compter les saisons selon ce calendrier. Le premier jour de l’an de ce calendrier, dit fête de Yennayer, un mot composé qui veut dire «yen», qui signifie «un» et «n’ayer» qui veut dire «du mois» soit «premier du mois», est toujours célébré par les Kabyles. Un sacrifice d’un animal est fait pour la célébration de l’évènement, et cela pour chasser les esprits maléfiques et laisser place aux esprits bénéfiques qui protègeront la famille durant l’année en question. Le diner est accompagné d’une préparation de beignets (lesfenj) et des crêpes (tighrifin).

Bachir Djaider

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