«Mon nouvel album sortira le 10 octobre en France»

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Au début des années 80, Akli Dhilès, après ses premiers pas dans la musique et le théâtre au sein de la maison de jeunes de Draâ El Mizan, et aux moments forts de la lutte pour la réappropriation de la langue et de la culture amazighes, a décidé de s’exiler en France.

C’est dans les métros, les bistros, les cafés et les places publiques, guitare en bandoulière, en compagnie de jeunes issus de diverses cultures opprimées, qu’il a fait tant de sacrifices pour passer le message et véhiculer sa culture kabyle. Et c’est à partir de là qu’il s’est forgé et est devenu un militant du monde. Produit après produit, et en dépit de toutes les difficultés rencontrées, Akli a continué son aventure dans l’Hexagone, avant d’aller partout dans le monde, en Chine, en Amérique, en Allemagne… Qui n’a pas fredonné Tikhras El Laârvi Tranquille (Laisse Larbi tranquille) et bien d’autres textes d’Akli D ? Cette fois, de retour dans sa ville natale, il s’est confié à cœur ouvert à la Dépêche de Kabylie à la veille de la sortie de son nouvel album, Paris-Hollywood, le 10 octobre en France.

La Dépêche de Kabylie : Pourquoi une si longue absence ?

Akli D : Non, je ne suis guère absent, mais il faut savoir que j’ai une double vie, l’une en France et l’autre ici chez moi, dans mon Algérie et ma chère Kabylie. Et puis, je ne suis pas absent, j’aime la culture, celle de ma Kabylie et aussi celles du monde entier. Je m’intéresse à toutes les cultures. Et durant toute cette période, j’ai continué à composer, à voyager, à rencontrer des gens d’autres cultures.

Mais, vous n’avez rien produit depuis au moins cinq ans ?

C’est vrai… mais produire un album n’est pas facile. Il faut de l’inspiration, du temps, des moyens et beaucoup d’autres choses. Et quand on balance un produit, on n’a plus le droit de retirer quoi que ce soit. Un album, ce n’est pas un concert. C’est quelque chose qui reste et qui est gardé. Quand on respecte son public, on lui donne un produit fini et on le satisfait. Et moi, je ne fais jamais du commerce, j’ai des idées à véhiculer et surtout je ne trahis pas ma culture, la vraie culture. Il m’a fallu deux ans pour produire cet album, l’aventure a commencé en Angleterre et s’est terminée en France.

Votre prochain album est maintenant prêt ?

C’est un album qui sortira le 10 octobre en France, puis il fera le tour du monde. D’ailleurs, dès que je serai là bas, dans deux jours, c’est la promotion. Je serais pris par des conférences, des plateaux télé et autres concerts.

Comment est-il intitulé?

Paris-Hollywood est son titre. C’est un album de 13 chansons, dont deux en kabyle, Akhamanagh (Notre maison) et une autre. C’est un hommage rendu au regretté Matoub Lounès, que Dieu ait son âme ! Ça m’a tenu longtemps à cœur. Les autres sont des chansons en français, avec parfois un mélange de kabyle.

Pourquoi en français et quels en sont les thèmes principaux ?

C’est en français car, à chaque album, je suis harcelé par des amis du monde entier et des journalistes qui me demandent ce que je chante. Cette fois-ci, j’ai décidé de tout leur dire sur notre culture et bien d’autres choses tels la paix dans le monde, l’intégration, le racisme, les guerres dans le monde arabe… Pour ce qui est de la chanson phare de l’ambum, il s’agit d’une jeune fille qui arrive du Burkina Faso voulant devenir une star, mais à sa grande déception, elle se retrouve serveuse, j’ai alors chanté Burkina Faso, Burkina Athstru.

Quand cet album sera-t-il disponible en Algérie et que préparez-vous pour les Kabyles ?

En France, ce n’est pas comme ici. La vente des albums est exclusivement du ressort de l’éditeur. Même là-bas, les éditeurs ne sont pas toujours d’accord entre eux, c’est une affaire commerciale. Il va d’abord arriver en Allemagne, puis en Angleterre et puis peut être en Chine. Mais, il faut savoir une chose, c’est qu’ils demandent la première version. Pour votre 2e partie de la question, je vais bientôt entamer la confection d’un album en kabyle.

Jouissant d’une grande expérience dans le domaine de l’émigration, qu’est-ce que vous pensez de tous ces jeunes qui quittent le pays ?

Même si je ne fais pas de politique, je sais une chose, il y a un nouvel ordre mondial qui s’installe. Il faut juste regarder ce qui se passe en Tunisie, en Libye… et vous allez tout comprendre. Les occidentaux ont peur des pays émergents, c’est pourquoi il y a tous ces chamboulements, car dans leur esprit il existe toujours cette « colonisation » surveillée et à distance. Ils ne veulent pas de concurrents. Il faut savoir une chose, que ce monde est fait de science et de technologie. J’ai peur même pour ma langue maternelle, le Kabyle, devant ces langues dites de science tel l’Anglais, le Français et maintenant le Chinois. Quant à notre jeunesse, bien que moi aussi j’aie choisi l’exil pour m’épanouir, je suis écœuré de voir aujourd’hui nos jeunes de 25/30 ans se marier avec des vieilles de 60 ans juste pour des papiers. Effectivement, nos jeunes ont le droit de rêver, mais qu’ils le fassent dans leur pays et dans la dignité et non pas à n’importe quel prix. Chaque jour, des dizaines de jeunes meurent noyés en tentant la « harga ».

Vous dites souvent que vous êtes «citoyen du monde». Qu’est-ce que cela signifie ?

Eh bien, je suis citoyen du monde. Il faut avoir des échanges avec les autres et ne pas rester cloîtré dans sa Kabylie et dans sa culture. Aujourd’hui, le monde n’est qu’un petit village. Grâce à l’Internet, on peut connaître tout le monde et voir ce qui se passe dans le monde à la minute près. Si je n’ai pas tenté cette aventure, je n’aurais pas rencontré de grandes personnalités, tel le fils à Ghandi qui m’a invité et félicité quand il a lu certaines phrases que j’ai écrites à une amie. Il faut avancer et faire circuler sa culture à travers le monde entier. Notre culture kabyle est très riche et très belle, mais elle a besoin d’être vulgarisée. Il faut en finir avec la ghettoïsation de notre culture. Personne ne pourra nous arrêter si nous sommes engagés dans ce chemin. Quand le vent souffle, l’herbe pousse aussi.

Revenons à La Caravane berbère que vous avez initié l’an dernier, pensez-vous la rééditer encore une fois ?

Mais, bien sûr ! C’est un projet lancé et il faut le continuer, à la seule condition qu’il y ait des partenaires. Dès la sortie de mon prochain album, et dès que j’aurai terminé avec les concerts au printemps, on pourra y repenser. Comme l’association Amgud l’a accueillie dans sa première édition, je elle soit son parrain et il faut faire vite. Pour cette deuxième édition, elle commencera avec Idir, en France, et elle va traverser le Maroc, le Niger et remonter jusqu’en Algérie, plus particulièrement en Kabylie. Nous avons des ateliers pour enfants, des concerts avec au moins trois groupes français et d’autres choses plus importantes.

Akli, en plus de la musique, vous avez eu une formation cinématographique. Avez-vous déjà pensé à réaliser quelque chose ?

C’est formidable ce que vous dites. Le cinéma me tient beaucoup à cœur et puis c’est mon grand souhait. Effectivement, j’avais fait une formation théorique de quatre ans en Amérique, et je pense que dès janvier prochain, je ferai une formation pratique. Pour vous dire, je me suis déjà inscrit dans une école. C’est une très bonne idée que de tourner un clip (de mon dernier album) en cours métrage. D’ailleurs, un jeune réalisateur me l’a déjà suggéré. J’ai écrit des synopsis mais pas encore de scénarios, je crois que la prochaine étape sera celle-ci.

Et pour conclure cette rencontre ?

Je tiens d’abord à remercier l’association Amgud qui m’a décerné le prix Matoub Lounès contre l’oubli. Je dirai à ses membres qu’il ne faut pas se décourager, car ce qu’ils font est quelque chose de formidable. Avec peu de moyens, ils ont réussi à briser le silence. La culture n’est pas un vain mot. Il ne faut pas se laisser faire. Je suis, de tout mon cœur, avec mon peuple. Quand je viens pour un concert, je le fais pour lui et non pour les officiels. Enfin, je veux que notre pays soit comme les autres en laissant les artistes s’exprimer librement. Grand merci pour toute cette équipe de journalistes locaux, venus me rencontrer et m’accorder cette attention particulière.

Entretien réalisé par Amar Ouramdane

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