Anezar, ou le Dieu de la pluie, sur les planches

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Il est des traditions qui ne disparaissent ni avec le temps, ni avec le changement que peuvent connaître les sociétés et les peuples.

Ainsi, elles survivent depuis la nuit des temps. Pour Anezar (Dieu de la pluie chez les Amazighs), qu’une grande légende entoure hormis le fait que cette pratique «légendaire» est toujours pratiquée, une troupe de théâtre pour enfants l’a mise en scène pour perpétuer «cette mémoire» de pratiques sociales léguées par les aïeux. Elle, c’est la troupe de théâtre pour enfants de l’Association culturelle Tafat de Tifilkout, sur les hauteurs du Djurdjura. Anezar, cette pratique d’imploration et de prières, consiste à demander les bonnes grâces du Dieu de la pluie après chaque sécheresse. La légende raconte que, comme aumône, les autochtones sacrifient la plus belle fille de la communauté Tislit N-wanzar, pour bénéficier des bienfaits de la pluie. Pratique païenne ? Elle est là pratiquée des siècles durant. Aujourd’hui, elle est témoin d’une culture millénaire, pas plus… Rompue à la tradition théâtrale, ce village natal du feu Boubekeur Makhoukh, éminent metteur en scène décédé en 1998, a dores et déjà mis en scène une pièce de théâtre pour enfants intitulée Anezar. Remis au goût du jour, le texte de la pièce est écrit par Abdelkader Ait Ali (Moutchou), responsable de l’atelier théâtral de l’Association, et traite de cette légende avec des orientations écologiques comme la sauvegarde de la nature. Le texte, expressif par ailleurs, met en contradiction des papillons, symbole de la bonne santé écologique et de l’écosystème, au monstre noir (Lwahc Averkan), qui symbolise les ténèbres et la pollution. Ce dernier prend en otage la lumière, laquelle, en revanche, s’immunise du fait de sa beauté de son apport à la vie des fleurs et des papillons.

Avec une dizaine de petites filles du village, âgées de moins de 15 ans, la troupe a pu, grâce au travail de M. Ait Ali, faire l’équation entre une pratique ancestrale et un combat des temps moderne, l’environnement. Pour les jeunes filles de la troupe, «cette expérience nous aide même dans nos études», expliquent Céline Ben Ali et Dihia Nait Rabah. Après plusieurs représentations dans la région de Illilten, lors du Festival de montagne organisé par l’Association du village Azrou à la salle de cinéma de Aïn El Hammam et les écoles secondaires de la région, Dihia Achour-Atmane et Houria Nait Mebarek indiquent qu’elles sont plus que jamais convaincues «qu’on peut passer un message à travers le théâtre». Pour les autres, à l’instar de Fatima Hadj Benamane, Zahra et Sabah Lhadj Mohand, et Tilelli Hadadcha, «cette pièce nous a aidées à connaître d’autres comédiennes et comédiens de la région». La troupe s’est illustrée brillamment lors d’une représentation organisée par l’Etoile culturelle d’Akbou. C’est une opportunité pour ces écolières de faire connaissance avec un grand nombre de troupes théâtrales de Kabylie. Ainsi, pour Iknoun Ouardia, Lhadj Mohand Hadjila et Khelidja Salah, «nous voulons que dans nos écoles, nos enseignants créent des troupes pour les élèves». Pour le metteur en scène qui a lancé plusieurs autres projets pour la troupe, «il est nécessaire de transmettre aux enfants des valeurs universelles qu’ils finiront par défendre pour le bien de la communauté». Un avis que partagent deux autres comédiennes, à savoir Tamazgha Hadadcha et Sara Iknoun, lesquelles estiment qu’elles peuvent «défendre l’environnement» et participer «à sa sauvegarde».

Pour la pièce, elle sera présentée au Théâtre régional de Tizi-Ouzou incessamment. Le responsable ne compte pas baisser les bras bien que le manque de moyens handicape sérieusement son envol.

M. Mouloudj

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