«Tid n zik reflète un peu ce que nous avons perdu de nos traditions»

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La Dépêche de Kabylie : Parlez-nous de votre nouvel album ?

Djaffar Aït Menguellat : La préparation de cet album a nécessité un travail de près de six mois, même si quelques-unes des chansons ont été composées il y a plus d’une année. La grande part du travail musical je l’ai fait à la maison, dans notre studio, surtout la percussion et la flûte. Pour ce qui est du violent synthétique, la maquette c’est à la maison que je le fait, mais je l’ai refait avec un vrai violoniste au studio Irath.

Les thèmes chantés dans cet album sont en corrélation d’une chanson à une autre. En écoutant, on sent la relation existant entre chacune des chansons…

Pour la chanson ‘Tid n zik’, titre de l’album, j’ai composé la musique il y a une année. Réellement, c’est la musique d’une de mes anciennes chansons «yuli wass taddart tuki» et quand je l’ai proposé à mon père, un texte a été adapté pour cette musique. Tid n zik reflète un peu ce que nous avons perdu de nos traditions, de nos coutumes et us.

Dans la seconde chanson «Ay ihbiben» (les amis), il se peut que vos fans voient une relation, un relais entre celles de tout l’album, surtout le mot «ma tecfam» qui revient. Comment expliquez-vous cela ?

On peut voir ça surtout quand la personne grandit, vieillit, voit la vie autrement et ressent une certaine nostalgie par rapport au passé ou plus exactement à son passé. Par cette chanson et comme il est dit dans son texte «visitons notre jeunesse», dans notre tendre jeunesse, «le jeune» ou le petit est pressé de grandir, mais lorsque ce «vœux» est atteint, on se rend compte que nous n’avons pas profité de cette jeunesse, et c’est là où nous voulons vraiment retourner à cette «période» et la revivre autrement.

De là vous passez à un autre thème dans la chanson «Sin nni» (ces deux-là). Pouvez-vous nous expliquer ?

Dans cette chanson, il est question d’un couple qui s’aime, seulement aucun des deux n’ose déclarer sa flamme à l’autre. C’est le regret de chacun qui, après chaque rencontre entre eux se séparent sans que l’un avoue à l’autre ses sentiments. C’est un peu original et c’est pour cela que je ne parlerai pas de la fin de la chanson, je préfère qu’on la découvre.

Dans cet album, vous parlez aussi du poète et de la poésie dans la chanson «Amedyaz», où vous demandez à cet aède de raconter et de parler des temps anciens. Peut-on déceler dans ce poème un autre hommage à votre père ?

Il y a un peu de cela, mais ce n’est pas seulement à mon père que je rends hommage, mais c’est à tous ces poètes et artistes qui réellement font de l’art et portent l’art très haut. Mais aussi dans cette chanson je dis que le poète sent et ressent, il ne chante que ce qu’il ressent, ce qui sort de ces trippes, ou il raconte ce que ressentent les autres. Pour moi, ces artistes ne font pas que chanter mais ils montrent la voix, conseillent. Dans les textes de ces artistes, dont je parle dans cette chanson, ces derniers éduquent, enseignent. Pour moi, le poète est une école. Dans cette chanson, on sent la continuité des autres textes de l’album.

Dans cet album y a-t-il du nouveau par rapport aux autres, surtout du côté musique ?

Quand je fais un album, je ne me pose pas la question s’il faut que je le fasse de telle ou telle façon. Je le fais comme je ressens au moment de le réaliser. Oui il ressemble à ceux déjà fais mais je préfère laisser le soin à ceux qui l’écouteront pour découvrir et voir. Toutefois, il y a une chanson dans le genre techno, c’est la chanson ‘igheblan’. Elle est différente de toutes les autres chansons. Je ne l’ai pas faite comme ça parce qu’on m’a dit de faire ça, non. Car, si j’écoutais certaines gens, on me demande de faire du non stop car, selon eux, c’est ça qui marche, qui se vend. Mais chacun à son genre. Moi je ne sais pas faire du non stop et ce n’est pas mon genre.

Y a-t-il un instrument de musique utilisé cette fois mais que vous n’avez jamais utilisé dans vos précédents albums ?

Non, mais dans la percussion, l’auditeur, un connaisseur, remarquera un son bizarre ou nouveau, je laisse le soin aux autres aux connaisseurs de le découvrir.

Y a-t-il un message dans cet album ?

Un message&hellip,; c’est à travers la chanson ‘Tid n zik’. Nous avons de belles et bonnes coutumes et traditions, il faut les préserver et les suivre. On a beaucoup de bonnes et belles choses, il ne faut pas les perdre.

Nous sommes en avril et nous célébrons le 36ème anniversaire du Printemps berbère, un commentaire ?

Chaque année, nous célébrons cette date historique. D’ailleurs, nous avons commémoré ensemble la mort de Mbarek Aït Menguellat, Amar Ould Hamouda, Salah At Mhend Saïd, c’étaient des berbéristes qui ont beaucoup fait pour tamazight. C’est vraiment bien ce qui a été fait, chacun a pris la parole et dit des souvenirs ou autre. Mais ce n’est pas seulement cette date anniversaire que nous devons fêter ou commémorer, ce n’est pas chaque 20 avril que nous devons nous souvenir de ces hommes et femmes, mais cela doit se faire chaque jour. Il faut passer à l’acte maintenant. Je ne suis pas pessimiste, une grande avancée a eu lieu par rapport à 80. Nous devons protéger tout cela et ceci par des écrits, toutefois il faut aussi qu’on lise, ça ne sert à rien de remplir sa bibliothèque par des livres sur notre histoire, nos hommes et notre combat. Il faut passer aussi à l’acte. Quant à notre langue tamazight, c’est à nous de la relever. Si moi je n’ai pas eu la chance de l’étudier à l’école, mais quand-même je la lis, je l’écris et il faut que mes enfants l’étudient et l’écrivent aussi. C’est tamazight notre langue qui est première avant l’arabe, le français, l’anglais et d’autres langues.

C’est quoi ‘Ahbib’ (un ami) pour vous ?

Il y a les copains, mais l’ami ‘Ahbib’ c’est très important. Ce n’est pas mon cas, mais il y a l’ami qui est plus qu’un frère. Certes le mot «ami» existe et presque tout le monde l’utilise, mais le sens de l’amitié là il est inconnu chez beaucoup. Comme le père, le frère, la mère, la sœur peut aussi être l’ami. On ne donne pas une place à l’ami, mais il est en toi et avec toi.

Qu’est ce qui vous a rendu le plus heureux cette année ou ces derniers jours ?

L’année 2016 n’est pas encore finie, je souhaite qu’il ait d’autres choses ou évènements qui me rendront encore très heureux, mais ce qui m’a vraiment rendu très heureux, je n’y croyais pas, mais c’est la présence de mon frère Rabah parmi nous. D’ailleurs, la chanson «abu la3yun» je la dédie à mon frère Rebuh.

Le mot de la fin…

Je tiens à remercier mon père, je peux dire que cet album nous l’avons réalisé ensemble, c’est lui qui a écrit les textes, il a vraiment senti et deviné ce dont j’ai envi, ce que j’ai envi de faire dans cet album, ce que j’ai vraiment voulu dire. Quand je compose, on dirait que mon père lit dans mes pensées, pénètre mon esprit et comme il me connaît très bien, il sait ce que je veux. J’espère que comme j’ai ressenti en composant et en chantons ces chansons, elles plairont à ceux qui les écouteront. Comme je remercie tous ceux qui ont collaboré à la réalisation de cet album que ce soit les musiciens ou les techniciens, enfin tous. J’ai mis du temps pour le réaliser. Cet album m’a pris presque six mois pour le faire, mais je l’ai fait du fond du cœur, j’y ai mis tout mon cœur pour le réaliser et j’espère qu’il plaira, car j’ai beaucoup peiné pour le faire. Enfin, merci aussi à votre journal.

Propos receuillis

par B. M.

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