Préserver l’Histoire par des publications

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Le rôle des publications dans la préservation de l’Histoire a été la thématique centrale de la journée d’avant-hier au 11e Salon Djurdjura du livre, à Tizi-Ouzou.

Un hommage a par ailleurs été rendu au moudjahid Salah Mekacher et à l’historien de la presse algérienne, feu Zahir Ihaddaden. Nassim Abbas et le docteur Djamel Sahli (neveux de Zahir Ihaddaden), ont animé deux communications, où furent soulignés le sérieux et l’humilité du professeur Ihaddaden qui ont marqué tous ses travaux. Il en est ainsi pour son livre «L’Histoire décolonisée du Maghreb», qui a inspiré l’ouvrage de Mohamed Cherif Sahli «Décoloniser l’Histoire». Ihaddden y démystifia l’imposture de certains historiens, pour ouvrir des pistes de recherche, écrire et non pas réécrire l’histoire du Maghreb central. «Ferhat Abbas et Zahir Ihaddaden, même s’ils ne sont pas de la même école de militantisme, sont restés attachés à une citoyenneté de type nouveau. Pour les deux, le concept d’Etat-nation est inséparable de la notion de peuple. Il ne peut se concrétiser et se développer que dans le respect de l’autonomie individuel, de la réflexion et du choix personnel, du traitement égalitaire des citoyens de la part d’un Etat neutre et impérial. Cela exige la protection des droits et libertés individuels, de presse, de pensée et de croyance, des élections libres dans un climat de pluralisme de transparence et de tolérance», dira Nassim Abbas. «Un de leurs soucis majeurs est la préservation de notre « âme amazighe et nord-africaine » qui est primordiale», ajoutera le conférencier. L’universitaire terminera sa communication en relatant un fait qui remonte aux débats de 1976 : «Mohamed Cherif Sahli était venu trouver Ihaddaden au café « Tantonville » pour lui annoncer que Ferhat Abbas allait être arrêté et qu’il devrait quitter le territoire national. Le message aussitôt transmis, Ferhat Abbas répondit calmement : ‘’si on veut m’arrêter, qu’on le fasse, je ne quitterais jamais l’Algérie, mon combat est ici, je ferai ce qu’il y a lieu de faire et advienne que pourra !’’ Cela résume la personnalité de Ferhat Abbas mais également ce qui caractérise et singularise la nature de Zahir Ihaddaden, le sentiment du devoir accompli». Le docteur Djamel Sahli dira : «Quoi de plus symbolique que cette date du 11 décembre pour rendre hommage à deux grandes figures de notre histoire contemporaine que sont Salah Mekacher et Zahir Ihaddaden. Préserver l’histoire est un thème qui devrait interpeller chacun de nous, tant notre passé est encore à découvrir. Mohamed Cherif Sahli a écrit : l’oubli de l’histoire est pour un peuple ce que l’amnésie est pour un individu, une amputation de sa personnalité».

«Bousculer les fausses vérités»

Djamel Sahli, ajoutera : «Dans son livre « Décoloniser l’histoire », écrit en 1965, M. C. Sahli nous demande de bousculer les fausses vérités écrites par des historiens étrangers, car, dit-il, plus grave encore est la méconnaissance de l’histoire vue à travers le miroir déformant de l’historiographie officielle des conquérants et des colonisateurs, ceux-ci ne se contentent pas d’imposer leur joug mais s’efforcer de convaincre leurs sujets en leur inculquant un complexe d’infériorité qui suivit la décolonisation». «Zahir Ihhaddaden passe au crible les fallacieuse hypothèses comme celui d’un Maghreb sans paix et incapable de réaliser un royaume, il apporte la preuve de l’existence et de la présence de grandes dynasties de rois berbères et fait référence au livre de M. C. Sahli «Le message de Jugurtha ». Si, comme l’a souligné Ihhadaden, notre antiquité nous ramène à Massinissa, Jugurtha… le Moyen-âge de notre histoire constitue notre âge d’or où les dynasties hammadite et zianide couvrent une période de quatre siècles et nous avons la chance de posséder des documents datant de cette époque et beaucoup de nos villes actuelles conservent des monuments érigés par ces deux dynasties. Rien n’est perdu, car, comme nous le rappelle Sahli, si nous ne savons pas grand-chose des œuvres de paix qu’ont pu accomplir les Berbères, il est probable que nous le saurions mieux un jour grâce à l’archéologie. Car notre passé est enfoui à Hippone, à Siga, à Césarée et dans plusieurs endroits de notre patrie», dira-t-il encore. En conclusion, le docteur dira : «Avec le hasard de l’histoire ou la destinée, les trois grands hommes, Ferhat Abbas, Mustapha Cherif Sahli et Zahir Ihhaddaen devraient se rencontrer une deuxième fois pour tisser des liens de parenté». Pour le chercheur et l’historien Djoudi Attoumi, il y a eu déjà des manifestations avant celles du 11 décembre 1960, notamment en Kabylie, au village Tifezouine, en 1958 et à Iguerssafen où les femmes ont osé se dresser contre l’armée française. Les manifestations du 11 décembre ont été «un soutien incontestable pour la révolution et sont venues pour rompre avec le pouvoir français qui disait que les Algériens étaient pour l’Algérie française». L’historien citera trois contextes, à savoir : l’arrivée de De Gaulle qui avait donné l’espoir aux Algériens en décrétant l’autodétermination au peuple algérien. Il avait recherché une troisième force à travers les notables, messalistes et les pieds noirs, pour essayer de supprimer la représentativité exclusive du FLN dans les pourparlers. Il y a aussi le contexte militaire, avec le renforcement du potentiel militaire. De Gaulle avait également procéder au changement des états-majors, il a intégré même des forces de l’OTAN. L’adoption d’une nouvelle stratégie militaires contre l’ALN /FLN telles que les opérations Challe et jumelles. Quant au contexte diplomatique, il fallait sortir la cause algérienne vers l’international, car à l’assemblée générale de l’ONU, il y a toujours eu l’opposition des alliés traditionnels de la France, à savoir l’Allemagne, l’Italie, les Etats-Unis et l’Angleterre. Le phénomène du soutien des pays non-alignés qui a été en faveur de la révolution, l’opinion internationale bascula du côté du FLN/ALN, l’ONU fut convaincue de la victoire politique du GPRA et les instances internationales firent pressions sur la France pour négocier. La France s’est retrouvée isolée.

Sonia Illoul

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