Des atouts à faire valoir

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La commune d’Amizour est l’une des communes les plus atypiques de la wilaya de Béjaïa.

D’une superficie de cent dix kilomètres carrés, elle comporte quatre-vingt-quatre villages et hameaux, dont une dizaine entièrement désertés. Elle compte près de quarante-cinq mille habitants, dont la majorité a entre quinze et trente ans. Une richesse inestimable pour le développement de la commune. Mais ce qui est frappant quand on visite cette ville et cette région, c’est le sentiment de vide qu’on y ressent. C’est une commune encore quasiment vierge, attendant le jour de son émancipation et de son épanouissement. La commune est quasiment à vocation agricole, même si l’agriculture semble ne pas être correctement prise en charge. Le chef-lieu est situé au bord de l’Oued éponyme, au centre d’un ensemble de monts et montagnes peuplés de villages et de hameaux. La commune d’Amizour a été créée à l’époque coloniale. On appelait ce village du nom de Colmar, tant il renfermait un nombre important de colons, dont la majorité venait de la région de l’Alsace. Amizour était aussi le lieu de résidence du grand chef tribal Ourabah qui dominait sur toute la région. On raconte que pour signer avec lui un traité de paix, Napoléon lui avait envoyé deux beaux chevaux blancs sur une embarcation qui avait accosté sur l’Oued Amizour, encore navigable à l’époque. Avec le temps, la commune s’est développée et est devenue un important centre commercial, desservant toute la région en produits agricoles de toutes sortes. Elle est encore connue aujourd’hui par la qualité de ses oranges, de sa vigne, de son dattier, et de ses célèbres clémentines sans pépin, les meilleurs d’Algérie, dit-on. Amizour a aussi été un haut lieu de résistance, lors de la guerre de libération nationale. Elle a fourni des combattants et a abreuvé la terre du sang de ses martyrs. Durant le printemps noir, elle a été à la tête de la revendication identitaire amazighe, avec Beni Douala, dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Elle a aussi fourni l’essentiel de l’encadrement qui avait dirigé le Mouvement Citoyen à cette époque. Après l’indépendance, les gens d’Amizour, ne disposant d’aucune ressource particulière, ont encouragé leurs enfants à faire des études. Ce qui explique pourquoi il y a tant de cadres dans l’administration, dans la santé et dans les entreprises de tout le pays, ainsi que dans l’émigration. Aujourd’hui encore, malgré un taux de chômage effrayant de 17%, la jeunesse d’Amizour est constituée de cadres ayant été formés dans les grandes écoles et universités algériennes. C’est un réservoir important de main-d’œuvre potentiellement qualifiée. 

état des lieux peu reluisant

Mais Amizour souffre encore de plusieurs lacunes. Quand on s’y déplace, on est frappé par l’absence des signes ostentatoires de développement tels qu’on les voit ailleurs. Ni usines, ni villas somptueuses, ni boulevard imposant, ni cités, ni immeubles de grande importance. Amizour est un grand désert industriel. Il n’y a presque que la laiterie qui fonctionne encore. L’usine de céramique est fermée, tout comme la briqueterie. L’Usine d’Aluminium semble faire du sur place, tournant à très faible régime. Ce n’est que ces toutes dernières années que quelque chose commence à se passer avec la construction d’un pôle universitaire d’envergure. Pour le président de l’APC, Mokhtar Bouzidi, « c’est une véritable bouffée d’oxygène pour la commune, avec tout ce que cela implique en matière de développement du marché du travail et d’évolution des mentalités ». Depuis qu’il est arrivé à la tête de la commune, à la faveur des dernières élections, il ne cesse de travailler pour hisser l’APC au standard de véritable pôle de développement de la wilaya de Béjaïa. « Les recettes fiscales sont très faibles. En l’absence d’une industrie digne de ce nom et d’activités commerciales d’envergure, les recettes fiscales sont largement insuffisantes pour faire face aux besoins de développement de la commune. Celle-ci est encore largement dépendante du budget de l’Etat pour son fonctionnement », regrette l’édile d’Amizour. 

Projets de mise à niveau

Depuis quelque temps, rappelons-le, l’exécutif communal a souffert de quelques dysfonctionnements, dus à des luttes politiques ou partisanes. La majorité communale a été déséquilibrée à deux reprises, causant un certain blocage dans la gestion communale. Mais la semaine dernière, les problèmes ont été aplanis, et à nouveau, l’APC peut fonctionner correctement. D’ailleurs, mardi dernier, faut-il le signaler, une assemblée générale a été organisée et de nouvelles ressources financières ont été dégagées. En suivant une instruction du ministère des Finances, des reliquats budgétaires datant entre 1986 et 2013 ont été récupérés, permettant à l’APC de disposer de cent trente millions de dinars supplémentaires. « L’APC en a profité pour initier quarante-quatre projets qui seront incessamment lancés. L’acquisition de matériels et équipements nouveaux a également été programmée. Dans la liste, figurent une niveleuse, des compacteurs, un camion de gros tonnage, et une scie à béton », se félicite notre interlocuteur. Ainsi, l’APC sera en mesure de faire face aux besoins urgents et immédiats de réalisation de travaux légers de toutes sortes, sans devoir attendre indéfiniment les procédures de consultations en vue de faire appel à des entreprises extérieures. Tout comme la réfection de la chaussée a été programmée, pour permettre de reboucher les innombrables nids-de-poule se trouvant sur les routes de la commune. « La commune a aussi programmé l’acquisition de luminaires pour renforcer l’éclairage public insuffisant. Plusieurs millions de dinars ont ainsi été réservés pour ces opérations. Des consultations vont être lancées incessamment, pour choisir les entreprises qui auront à intervenir sur ces projets », selon M. Bouzidi.

Pour faire un inventaire précis de la situation réelle de la commune, l’exécutif a eu besoin de temps. « Chaque secteur a été quasiment expertisé et aujourd’hui, les responsables de la commune ont commencé à lancer de sérieux projets de mise à niveau de leur commune », précise-t-il.

Il ajoute : « Actuellement, il y a une vingtaine d’écoles primaires dans la commune, cinq collèges et deux lycées. Ce qui est largement insuffisant. Dans les lycées par exemple, le nombre d’élèves par classe avoisine la cinquantaine. Il y a seulement deux crèches privées, et le seul projet d’ouverture d’une crèche publique est à l’arrêt depuis presque dix ans. C’est un projet en souffrance, et l’APC a prévu de le réévaluer incessamment, pour permettre sa relance. Il y a, cependant, un projet d’ouverture d’une autre crèche, dans le cadre de la construction d’un centre de santé initié par la CNAS. Le choix du terrain a déjà été effectué. Chaque village a besoin de son école et de son collège, tout comme le nombre de lycées devra être au moins doublé». Actuellement, signalons-le, les enfants de plusieurs villages sont obligés de faire des kilomètres, souvent sous la pluie et la neige, pour aller à l’école. C’est une situation intenable. 

Une zone d’activités et une zone industrielle en projet 

Il y a à Amizour un seul hôpital, et il a une bonne réputation de sérieux. Il y a également une polyclinique et six salles de soins, dont une seule répond aux normes. Les autres ont besoin d’une mise à niveau, estime-t-on, pour augmenter leur efficacité et pouvoir répondre aux besoins de prise en charge de la santé des citoyens. Il y a actuellement un besoin de deux polycliniques supplémentaires et de dix salles de soins, pour pouvoir accueillir dignement tous les malades qui se présentent dans ses structures sanitaires. Au niveau sportif, Amizour ne dispose que d’un stade, celui de l’USOA. Le CSP est l’autre structure existante à Amizour. Mais elle est en deçà des besoins. Il existe également un centre culturel très actif et une maison de jeunes dans la commune. La bibliothèque communale, très utile et très fréquentée, est extrêmement insuffisante pour répondre aux besoins de ses nombreux utilisateurs.

Actuellement, les services de l’APC sont en plein transformation et amélioration. Déjà on sent une nette amélioration de la qualité de l’accueil dans le service de l’état-civil. Une annexe, Adjroud, nous dit-on, va accueillir les services techniques, permettant de libérer de l’espace dans l’actuelle enceinte de l’APC pour développer les différents services de l’administration communale. Le plan de développement de la commune, selon le premier responsable d’Amizour, prévoit l’ouverture d’une zone d’activités d’ici une année, puis d’une zone industrielle de près de trois cents hectares d’ici deux à trois années. La commune dispose de tous les atouts pour ce faire. Pour peu que l’Etat soit conscient de ces potentialités. Ce projet permettrait de soulager la pression qu’il y a sur la région d’Akbou, et fournirait à la ville de Béjaïa et son port, une zone de repli et de relance des activités actuellement en souffrance. Dans le projet de développement de la wilaya de Béjaïa, il y a encore plusieurs infrastructures à réaliser : un CHU, un stade olympique, … Grâce à la pénétrante autoroutière qui va traverser la commune, Amizour sera capable à même d’accueillir n’importe quelle activité économique ou sociale. Elle sera la commune la mieux desservie par les réseaux de transports, et donc, constituera le meilleur atout pour le développement de l’arrière-pays de Béjaïa, dans tous les domaines. Malgré tout ce constat, la commune d’Amizour reste un bel endroit à visiter. Récemment, un émigré rentré au pays a eu un coup de cœur quant au développement d’activités touristiques dans la région. La beauté du site est époustouflante, et il a eu le désir d’investir dans le tourisme. Ce qui ne pourrait que ravir la population qui trouvera dans de tels projets, une opportunité d’emplois et de développement social. Pourvu que l’administration ne mette pas les bâtons dans les roues de ces potentiels investisseurs et que les projets de ces derniers aboutissent.

N. Si Yani

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