Accueil Évènement Hocine Aït Ahmed tire sa révérence

Il s’est éteint hier à l’âge de 89 ans : Hocine Aït Ahmed tire sa révérence

9126
- PUBLICITÉ -

La nouvelle est tombée comme un couperet, hier en fin d’après-midi. Hocine Aït Ahmed est mort ! Il s’est éteint ce fatidique mercredi à Lausanne, en Suisse.

- PUBLICITÉ -

L’information a vite fait le tour de la Kabylie, bien avant que le FFS n’en fasse l’annonce via un communiqué. «Nous apprenons avec une immense douleur le décès, ce matin, à l’hôpital de Lausanne, de Hocine Aït Ahmed, historique du mouvement national et de la Révolution algérienne, fondateur et président du Front des Forces socialistes, des suites d’une longue maladie», indique en effet la même source. Bien entendu, on n’y a pas cru, tant aucune information n’a circulé disant que son état de santé s’était dégradé. On le savait malade, en fait, et ce depuis presque une année, jour pour jour, lorsque, en janvier dernier, il a fait un AVC qui l’a cloué au lit. Mais depuis, il reprenait bien. C’est pour ça d’ailleurs que c’était bien difficile de croire à cette nouvelle annonçant sa mort. A vrai dire, même en le sachant dans un état critique, on est toujours triste d’apprendre le décès de quelqu’un de cher. Et Hocine Aït Ahmed est un être très cher pour l’ensemble des Kabyle et des Algériens d’une manière générale. Nonobstant son appartenance politique et les divergences qu’il devait avoir avec les autres acteurs de la scène politique, on peut dire que le président historique du FFS est peut-être le seul homme qui fait l’unanimité au sein de cette même scène politique en Algérie. Tout le monde lui voue en tous cas un respect sincère et profond, pour son parcours de militant avant, durant et après la révolution de novembre 1954. Comment pourrait-on ne pas vouer du respect pour quelqu’un qui a sacrifié toute sa vie pour que vive l’Algérie libre, au sens large du terme. Il en a tout vu en somme durant son long parcours de militant. Inlassable, tant que l’Algérie n’avait pas retrouvé sa prospérité l’enfant terrible de Aïn El Hammam, épris de liberté qu’il était, a foncé dès son jeune âge, dans le militantisme, avec comme seul idéal, une Algérie libre et indépendante. Etant donné que son idéal n’était pas seulement la libération de son pays du joug colonial, Aït Ahmed a continué son combat pour la liberté après l’indépendance. Il a ainsi créé le premier parti d’opposition en Algérie, le FFS en l’occurrence. Un parti qu’il présidera, jusqu’au dernier congrès, en 2013, où il a cédé la présidence en raison de son état de santé justement. Un état de santé qui finira par l’emporter donc hier, au grand dam du peuple algérien, doit-on dire, qui le pleurera pour longtemps certainement. Aït Ahmed mérite en fait tous les égards et son parcours plaide pour lui.

Le parcours d’un

combattant

Né le 20 août 1926 à Aït Yahia (Aïn El Hammam, dans la wilaya de Tizi-Ouzou) en Algérie, Aït Ahmed fut, en effet, l’un des principaux acteurs du mouvement national. À 16 ans déjà il adhère au Parti du peuple algérien (PPA). Il devient, rapidement, le plus jeune membre du Comité central auquel il présente, en 1948, un rapport décisif sur les formes et la stratégie de la lutte armée pour l’indépendance. Lors du congrès clandestin du PPA tenu à Belcourt (un quartier d’Alger) en 1947, il avait déjà préconisé la création d’une Organisation spéciale (OS) chargée de la formation des cadres militaires et de la mise en place d’un dispositif clandestin pour amorcer et développer la lutte armée. Désigné par le comité central du PPA au Bureau politique, il se voit confier la direction de l’OS, en remplacement de Mohamed Belouizad, atteint de tuberculose. Durant deux ans, il a mis en place – à l’échelle nationale – les structures pour la formation politique et militaire pour mener à bien la guerre de libération. C’est dans ce contexte qu’il organise le braquage de la poste d’Oran, qui permit, en mars 1949, de s’emparer d’une importante somme d’argent, sans effusion de sang. Des rumeurs disent que l’aile «légaliste» des instances dirigeantes du PPA-MTLD (Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques), exclut pour «berbérisme» Aït Ahmed et porte Ahmed Ben Bella à la tête de l’OS, dont il était le responsable en Oranie. La découverte de l’OS par les services de renseignement français précipite la dissolution de l’OS. Le 1er mai 1952 Aït Ahmed s’installe au Caire en Égypte. Recherché par les autorités françaises, il est désigné membre de la délégation du PPA-MTLD, en exil au Caire. Aït Ahmed insiste sur l’importance de la diplomatie pour donner une visibilité politique au niveau international du «mouvement de libération». Il assiste à la première Conférence des partis socialistes asiatiques, réunie en janvier 1953 à Rangoon en Birmanie. L’une des premières résolutions adoptées par cette organisation d’inspiration marxiste consiste à soutenir la lutte de libération du Maghreb. La Conférence met en place un bureau anti-colonial dont le rôle, notamment, est de suivre les luttes anticoloniales auprès de l’Organisation des Nations unies (ONU). Aït Ahmed se rend au Pakistan, en Inde et en Indonésie pour créer des comités de soutien à la cause de l’indépendance algérienne. En avril 1955, il dirige la délégation algérienne à la conférence de Bandung. Les résolutions prises par cette conférence en faveur du droit à l’autodétermination et à l’indépendance des trois pays du Maghreb ont été préparées par les trois partis nationalistes (Tunisie, Maroc, Algérie) qui ont su mener une action commune sur la base d’un «Mémorandum maghrébin». En avril 1956, Hocine Ait Ahmed ouvre et dirige le bureau de la délégation du FLN à New York. En septembre 1956, le problème algérien est inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée générale de l’ONU. Ce qui provoque le retrait retentissant de la délégation française, présidée par le Premier ministre Antoine Pinay. En octobre 1956, Aït Ahmed est arrêté par les autorités françaises, en compagnie de Mohamed Boudiaf, Mohamed Khider, Ahmed Ben Bella et Mostefa Lacheraf, dans l’avion qui les conduisait du Maroc à Tunis où devait se tenir une conférence maghrébine de la Paix. Durant la guerre de Libération il n’a pas cessé de communiquer avec le FLN et l’ALN, jusqu’à l’indépendance. Sentant en fait que quelque chose ne tournait pas rond, chez les responsables politiques et militaires d’alors concernant le devenir de l’Algérie, Hocine Ait Ahmed, futé qu’il était jette l’éponge. Aït Ahmed démissionne, en effet, du gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et de tous les organes du nouveau pouvoir lors de la crise de l’été 1962. En septembre 1963, il fonde le Front des forces socialistes (FFS), qui réclame le pluralisme politique face au verrouillage de la vie politique imposé par le système du Parti unique. Arrêté et condamné à mort en 1964, il s’évade de la prison d’El Harrach le 1er mai 1966 et s’exilé en Suisse. Il rentre en Algérie après les émeutes de 1988, soit après 23 ans d’exil. Il quitte de nouveau son pays après l’assassinat du président en exercice, Mohamed Boudiaf, en 1992. Auparavant, une semaine avant l’assassinat de Mohamed Boudiaf, Aït Ahmed propose une conférence nationale destinée à promouvoir une sortie de crise sur le modèle sud-africain. La même année, plus exactement après l’annulation du premier tour des élections législatives de 1991, Hocine Aït-Ahmed met en garde contre le danger de voir les armes prendre le pas sur les urnes. Son parti, le FFS, organise, le 2 janvier 1992, la plus grande manifestation que la capitale ait connue depuis l’indépendance, avec pour credo «Ni État policier, ni République intégriste». Le 2 février 1999, il est de nouveau en Algérie. Sa candidature à l’élection présidentielle est annoncée trois jours plus tard. Après une campagne électorale, menée à travers tout le pays, il se retire, le 14 avril, veille du scrutin, en compagnie de tous les autres candidats. Durant sa campagne électorale, rappelons-le, il a eu un malaise cardiaque, qui l’a poussé à interrompre cette campagne. Et ce fut Djamel Zenati qui la termina. Hocine Ait Ahmed a, depuis, repris son chemin de l’exil, en continuant toutefois à présider le FFS, jusqu’au dernier congrès du parti. Aït Ahmed restera en fait, à tous jamais, gravé dans la mémoire, lui qui constitue un pan de l’histoire de l’Algérie contemporaine.

M.O.B

- PUBLICITÉ -