Les dépenses achèvent les ménages

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éreintés par un mois de dépenses frénétiques, les ménages algériens devront continuer à faire les frais d’une consommation rituelle. Demain, ça sera l’Aïd El-Fitr, suivront les vacances scolaires, puis l’Aïd El-Adha, ensuite la rentrée scolaire. Un bouquet d’occasions, certes, festives mais aux séquelles qui n’ont rien de joyeux.

Affichant un sourire sorti des tripes, une jeune dame accompagnant ses deux enfants dans un magasin à enseigne connue pour sa multitude de choix et ses prix «bien étudiés». Elle n’arrête pas de prendre, de reposer, de reprendre et trifouiller la marchandise étalée sur le rayon des «moins de 12 ans». Indécise quant à la tenue à prendre pour sa fille de 8 ans, la jeune dame paraît stressée. Le produit qu’elle venait de reposer est un «bel ensemble», lui dit sa fille. «Je sais ma fille, mais ça ne sera pas pour cette fois-ci», lui dira-t-elle. Ce que la fille voulait coûte à vrai dire 8 945 dinars et la maman ne pouvait consentir pareille dépense. Dans certaines familles en Kabylie, la tradition veut que l’enfant porte deux tenues différentes les deux jours de l’Aïd, mais les tarifs avoisinant le SNMG refroidit beaucoup de parents. Au rayon d’à côté, celui des «moins de 16 ans», c’est à qui de la maman, de sa fille ou de son garçon emporterait la bataille du choix. Au rayon dévolu des adolescents, l’intensité des palabres entre parents et enfants traduit de facto l’échelle des prix collés à l’affichette des produits convoités. «Non ! Il n’en est pas question, en plus il est trop cher. Tu dois penser à ta sœur qui est aussi en droit de s’habiller chic, mais il faut que ça soit à des prix que je peux payer», lâche une maman à son fils qui insiste sur un pantalon et un pull qu’il veut absolument porter demain et après-demain. «Nous avons subi un Ramadhan pas des plus cléments en termes de prix des légumes et viandes qui continuent toujours de grimper à ce jour d’ailleurs», peste un père de famille rencontré dans le même magasin. Ce dernier nous dira avoir déboursé près de 13 000 dinars pour un pull, un pantalon et une robe pour ces deux enfants de 7 et 5 ans. «Comment faire autrement dans une société qui ne vit que pour débourser ce qu’elle ne gagne pas !», lâche le père de famille non sans un sourire qui traduit bien sa satisfaction d’avoir réussi à satisfaire sa progéniture.

Gâteaux, visites

familiales, transport…

La fête de l’aïd n’est pas synonyme que de shopping pour les enfants. Loin s’en faut ! Des dépenses disparates, parfois à des sommes rassemblées en petites poignées de pièces de monnaies, mais qui s’avèrent, en fin de compte, aussi importante que les dépenses qu’on paye cash. Aussi éreintantes pour le porte-monnaie, les dépenses de la ménagère pour préparer les gâteaux de l’aïd atteignent, pour certaines d’entre-elles, des sommes imprévues dans le budget. Saliha, une maman de quatre enfants, exerçant une profession libérale, avoue vivre des «temps difficiles avec toutes ces fêtes, cérémonies et occasions qui se succèdent». Pour cette dame qui, «faute de pouvoir préparer moi-même les gâteaux car obligée d’être présente dans mon cabinet la journée et vaquer à mes obligations ménagères» est obligée de «passer commande auprès d’une connaissance pour me faire ces gâteaux chez-elle». Combien ça a coûté ? Pour cette dame, ce n’est pas moins de 20 000 dinars qu’elle a déjà versés à sa «connaissance» qui s’est chargée d’acheter les ingrédients nécessaires et garder le reste pour sa main-d’œuvre. Fariza, jeune femme célibataire qui cumule deux boulots après sa sortie de l’université spécialisée en biologie, nous raconte l’ambiance de préparer les gâteaux à la maison avec ses deux petites sœurs. «En plus de gagner sur des dépenses superflues lors de la préparation des sucreries, nous vivons cela, avec mes petites sœurs, dans une ambiance qui nous rappelle notre enfance, lorsque cela était l’apanage de notre maman», dira-t-elle, avant d’avouer avoir déboursé 2 300 dinars pour l’achat des ingrédients. «Nous n’allons pas exagérer non plus dans les quantités à préparer, ça sera juste ce qu’il faut pour garnir la table au petit déjeuner de l’aïd et pour avoir de quoi accueillir les convives», explique la jeune femme. Si le contraste paraît saisissant entre les dépenses de ces deux femmes, standardiser les budgets pour toutes les familles serait un blasphème dans certaines couches sociales. Celles-ci mêmes qui disent subir de plein fouet l’onéreux coût de la vie qui menace de plus en plus leur pouvoir d’achat. «Les familles algériennes oublient souvent que ce qu’elles dépensent durant le Ramadhan et pour l’aïd dépasse toujours ce qui était prévu», nous dira un économiste rencontré dans un supermarché de la ville de Tizi-Ouzou. «Ils omettent souvent de calculer les frais pour les transports, les petites dépenses opérées d’une manière disparates pour acheter un ou deux jouets, pour que les enfants aient de petites pièces dans la poche, les dépenses en gaz et électricité pour préparer les gâteaux, et plein d’autres services qui s’agglutinent aux rituelles visites familiales. C’est tout cela qui finit par achever les bourses et, souvent, aboutit à un endettement», nous explique cet économiste qui, comble de l’ironie, dit ne pas échapper à cet engrenage, malgré tous ses calculs.

M. A. Temmar

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