Décryptage des causalités d’un phénomène récurrent

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A chaque épisode de pluie, les Algériens se trouvent devant le fait accompli : leurs villes, grandes, moyennes ou petites, sont vulnérables face aux risques d’inondations. Les cures d’eau font plonger les citoyens dans un réel calvaire et réduisent la qualité de vie urbaine. Devant cette situation, nous nous posons tous les mêmes questions avec stupéfaction : Pourquoi tombons-nous dans le même piège ? Pourquoi nous ne tirons pas les leçons de ces épouvantables expériences ? Il faut mobiliser une causalité multiple afin de comprendre les raisons de défaillance du système de prévention d’inondation au niveau urbain. A commencer par la causalité aménagiste, puisque les avaloirs, les déversions d’eaux et les stations de relevages, tantôt mal entretenus et tantôt bouchés par divers déchets, ne peuvent plus supporter les forts niveaux d’eau. Ainsi, il suffit de quelques averses pour que des inondations soudaines paralysent de grands quartiers de nos villes. Quand la hauteur et la durée des subversions sont importantes, conjuguées à la forte vitesse du courant, la coulée d’eau peut atteindre un niveau de dangerosité énorme au point de causer des dégâts matériels et coûter des vies humaines comme c’était le cas à l’Est du pays. Au-delà de l’aspect purement technique, la gestion du risque naturel lié aux intempéries se heurte à plusieurs obstacles tant conjoncturels que structurels. Il s’agit là d’une causalité managériale. En effet, l’appropriation des dispositifs de prévention d’inondation par les collectivités territoriales semble inefficace. Il est surtout question de mettre en place une prospective urbaine où la mobilisation des systèmes d’information géographique et météorologique permettrait de prévenir efficacement le niveau du risque. En outre, l’intercommunalité ou la coopération intercommunale prévue dans le code communal, peut constituer une piste, que ce soit en matière de mutualisation de moyens humains, matériels et financiers entre les collectivités locales ou en termes de prise en compte de la continuité géographique et topographique entre les communes. Ces deux aspects sont importants pour la maîtrise des ruissellements et l’aménagement des cours d’eau et des bassins versants. A titre d’exemple, une commune urbaine peut réaliser conjointement avec une commune rurale et montagneuse des projets d’enrochement et d’endiguement. Un autre point qui mérite d’être signalé est relatif à la politique d’information qui devrait constituer l’un des piliers du plan de prévention des risques naturels ; dans les espaces urbains dits intelligents, la mise en place de dispositifs d’informations alarmistes permettent une appropriation sécurisée du territoire urbain lors des intempéries. Par ailleurs, la prospective urbaine doit se fonder sur une réflexion qui se situerait à la confluence de l’urbaniste, de l’aménagiste, de l’architecte et du sociologue pour une localisation optimale des entreprises, des infrastructures et des cités qui va permettre la réduction des risques, la réduction des coûts des dommages et des délais idéals du retour à la normale en cas d’inondation. La causalité sociétale, quant à elle, nous permet de situer la responsabilité de la société civile à l’égard de ces inondations. En effet, si certains comportements irresponsables causent directement le bouchage des avaloirs en faisant de ceux-ci des poubelles, l’évacuation des eaux-vannes au tout-à-l’égout provoque aussi la défaillance du système assainissement, notamment quand on y jette des détritus non solubles comme les lingettes, les cotons-tiges, les serviettes hygiéniques… À cet effet, des campagnes de sensibilisation sont indispensables afin de limiter la production de tels déchets, notamment dans le cas algérien où le système de gestion des déchets est en quête d’efficacité conjuguée à la difficulté de l’opération de curage des réseaux d’égout. La causalité sociétale renvoie aussi aux constructions anarchiques sur les lits d’oued portant ainsi atteinte à la stabilité des berges et des ouvrages publics (digues).

Kabene Ahmed

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