Les trois “ennemis” de l’acte d’investir

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L'Algérie cherche encore ses repères quant à la meilleure voie de capter les investissements nationaux et étrangers, et cela, plus de vingt ans après la mort non annoncée de l'économie administrée où l'État était l'investisseur quasi unique, le producteur et le distributeur.

Par  mar Naït Messaoud

Aujourd’hui, le rôle de l’État est appelé à se réaliser dans le mode de régulation et d’encadrement, laissant au privé mais aussi à ce qui reste encore d’entreprises publiques, la liberté d’activer dans ces créneaux. L’administration, dans sa fonction de régulation, est chargée de faciliter l’investissement (assiette foncière viabilisée, incitations fiscales pour les micro entreprises et pour des activités jugées prioritaires ou situées géographiquement dans des zones défavorisées), de l’orienter selon le schéma d’aménagement du territoire et d’en contrôler la réalisation effective. Cependant, avec tous les textes en vigueur, dont certains ont plus de vingt ans (loi sur la Monnaie et le Crédit, Code des investissements,…), les investissements, en dehors de ceux réalisés en équipements et infrastructures publics sur le budget de l’État, peinent à se frayer un chemin au milieu du maquis de bureaucratie, de marché informel et de corruption. Le nouveau  »doing business » (plan pour améliorer le climat des affaires) que le gouvernement compte exposer et faire valider au cours de la prochaine Tripartite, est la preuve irréfragable que les investissements productifs et créateurs d’emplois permanents ne constituent qu’une infime partie du taux de croissance du produit intérieur brut (PIB), lequel ne dépasse pas actuellement les 3 %. Le secrétaire d’État à la Prospective et à la Statistique, Bachir Msetfaï, vient d’émettre cette semaine la possibilité que notre pays obtienne une croissance de plus de 7 % à l’horizon… 2025, si tous les paramètres d’une économie rationnelle, basée sur la connaissance et la planification, sont pris sérieusement en compte. Pour l’instant, l’on peut dire qu’on est loin du compte, du fait que notre économie demeure engluée dans la rente pétrolière de laquelle il faudra des efforts titanesques pour l’extraire. L’optimisme du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, est, ce que les psychologues appellent, l’optimisme de volonté contrairement au pessimisme qui, lui, est  »naturel », pour peu qu’on se laisse emporter par son propre (pessimisme) sur un plan incliné. Le chef de l’Exécutif n’a pas, en effet, d’autre choix que d’insuffler au sein de son cabinet l’esprit de travail et la bonne humeur. On l’a entendu répéter: « Moi, j’insiste à chaque fois sur l’économie. Il faut savoir que notre base industrielle est en train de se reconstruire ». Ici, il fait allusion à cette plate-forme d’amélioration du climat des affaires, élaborée par le ministère de l’Industrie, de la PME et des Investissements. Cette plate-forme se donne pour objectif de revoir les textes règlementaires qui fondent l’acte d’investissement national et de partenariat avec l’étranger. Selon les premières indiscrétions, de l’ancien arsenal juridique, il ne sera gardé que la règle de 51/49 %, même si l’on sait que le gouvernement algérien a reçu des sollicitations répétées, voire des pressions, de plusieurs parties étrangères (particulièrement les Anglais et Espagnols qui ont conduit des délégations d’entrepreneurs dans notre pays au printemps 2013) visant à lui faire abandonner cette règle adoptée en 2009. Au-delà du climat des affaires, tel que ce concept est entendu et compris stricto sensu dans les pays industrialisés, l’Algérie présente encore d’autres facteurs jouant en défaveur d’une politique d’investissement audacieuse; les subventions dont bénéficient plusieurs produits de large consommation et les pratiques de corruption ne sont pas des moindres. Des experts nationaux et étrangers et des patrons d’entreprises ont soulevé à maintes occasions, ce double handicap qui se met en travers des efforts d’investissement. D’après le FMI, l’Algérie aurait alloué 156 milliards de dollars en subventions de toutes natures depuis l’année 2000. Pour l’année passée, le déficit budgétaire était d’environ 54 milliards de dollars. Le soutien des prix à certains produits jugés « stratégiques » (eau, pain, lait, électricité carburants…), conçu en première intention pour  »corriger » une forme d’injustice sociale, perd tout son sens en se généralisant à tout le monde. Sa fonction  »correctrice » a été neutralisée du fait que tout le monde y a accès. Donc, les injustices sociales se prolongent et le budget de l’État en pâtit, tout en sachant que certains transferts sociaux destinés à alimenter le dispositif social d’emploi (pré emploi, filet social,…) ont contribué à installer chez les jeunes la culture de l’assistanat, au point où des entrepreneurs n’arrivent pas à dénicher, dans certaines régions, des travailleurs pour leurs chantiers.  De même, les pratiques de la corruption généralisée sont dénoncées par des entrepreneurs comme étant un grand frein à l’acte d’investissement. Dans certaines wilayas, des responsables corrompus ont « réussi » à créer le vide en dissuadant tout investisseur qui ne  »graisserait pas la patte » de s’installer. L’autre facteur qui a livré une bataille déloyale à l’investissement productif est, bien entendu, la part informelle de l’économie, laquelle représenterait pas moins de 40 % de l’activité commerciale nationale. Il faut reconnaître que les efforts du gouvernement tendus vers la neutralisation d’un tel  »secteur » ne sont pas encore concluants. De gros intérêts se cachent derrières les étalages occupant les rues des villes et les places publiques. Ces commerces ne sont que le dernier maillon, le plus faible, d’une chaîne qui prend naissance dans la haute sphère des faux importateurs et des trabendistes de tout acabit. Dans un contexte aussi hostile, l’acte d’investissement réglementaire, créateur de richesses et d’emplois, pourvoyeur de fiscalité relève sans doute de la gageure.

A.N.M.

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