Le débat sur la réécriture des programmes scolaires occupe, ces derniers temps, la scène médiatique et les plateaux des différentes chaînes de télévision, privées essentiellement.
En effet, ces dernières ne cessent d’accueillir presque quotidiennement des intervenants issus de divers horizons pour débattre cette question qui constitue la colonne vertébrale du système éducatif. D’ailleurs, une cabale sans merci se mène contre ce projet et une machine de propagande à l’effet de mettre en échec ce chantier est mise en route par différents courants. En parallèle, Nouria Benghebrit multiplie ses sorties pour vulgariser son initiative et, en filigrane, déjouer les manœuvres menées jusque-là par des forces qui veulent maintenir l’école dans l’état de déliquescence qui la gangrène davantage. Ainsi, avant même d’annoncer l’officialité de ces programmes à engager en septembre prochain, la ministre de l’Éducation a réuni les syndicats et autres partenaires sociaux où une explication détaillée du projet a été apportée, puis une autre rencontre ayant regroupé les cinquante directeurs de l’éducation, les chefs de service formation ainsi que des représentants du collège inspectorat a eu lieu au lycée de mathématiques de Kouba à Alger. Un travail d’explicitation et de vulgarisation a été au menu du jour et a été présenté par les membres de la commission nationale des programmes ainsi que des responsables de ce département. Et enfin, des parlementaires qui sont tenus au courant de ces nouveaux programmes. Cependant, nonobstant tous ces efforts déployés par Mme. Nouria Benghebrit qui mise sur une école algérienne moderne, les critiques fusent de partout au point d’apporter des jugements infondés et loin de toute réalité. Sinon, comment interpréter une «accusation» aussi grave que mensongère que les programmes de cette deuxième génération aient été confectionnés par des étrangers. C’est ce qui a poussé la ministre de l’Éducation à qualifier cette accusation d’insultes à l’égard des compétences algériennes. La liste des reproches est longue, trop longue même, sans qu’aucun intervenant n’ose apporter une quelconque alternative. Certes, le ministère de l’Éducation nationale fait appel à une panoplie d’experts étrangers pour piloter quelques projets pédagogiques, telles que l’approche par les compétences, la remédiation, l’évaluation et autres. Mais, la réécriture des programmes a été assurée par une commission nationale, dont le président n’est autre que Mr. Adel Farid, directeur central au niveau du ministère. Beaucoup de figures connues dans le domaine de l’enseignement, dont le professeur Berrah, docteur en physique et enseignant à l’école nationale supérieure, sont à l’origine de cette réforme. Avant d’apporter plus d’éclairages sur ce que véhiculent ces programmes, il importe de mettre l’accent sur la question principale de ce projet, à savoir : pourquoi la réécriture des programmes ? La problématique nécessite impérativement le retour vers les programmes dits de 1ère génération qui sont encore en vigueur jusqu’à la rentrée scolaire prochaine, pour pouvoir ensuite dresser un tableau de comparaison à l’effet de faire ressortir les segments de nouveautés apportées. Un rappel de taille doit être mis en exergue pour souligner les conditions dans lesquelles ont été élaborés les programmes scolaires de 2003. D’abord, l’absence d’une loi d’orientation qui n’a vu le jour qu’en 2008 a, en quelque sorte, constitué un handicap majeur pour une meilleure mise en place d’une politique éducative. À cela s’ajoute l’absence d’un référentiel général des programmes qui doit définir les missions de l’école. Justement, si l’on se réfère à aux textes de ce dernier, on relève que «dans les fondements du programme, toute éducation a pour vocation de transmettre les valeurs qu’une société s’est choisie. Des valeurs communes à tous ses membres : valeurs politiques et sociales, culturelles et spirituelles, dont l’objectif est de consolider l’unité nationale. Des valeurs plus spécifiquement individuelles : valeurs affectives et morales, valeurs esthétiques, valeurs intellectuelles et valeurs humanistes ouvrant sur l’universel». La loi d’orientation précise dans son préambule, notamment dans les chapitres I et II du titre premier et dans les chapitres II, III et IV du titre trois, les missions de l’école en matière de leurs spirituelles et citoyennes. D’abord, l’affirmation de la personnalité algérienne et la consolidation de l’unité de la nation par la promotion et la préservation des valeurs en rapport avec l’Islamité l’Arabité et l’Amazighité puis la formation à la citoyenneté l’ouverture et l’intégration au mouvement universel de progrès et la réaffirmation du principe de démocratisation, et enfin, la promotion et la valorisation de la ressource humaine. Si l’on revient justement au tableau comparatif de ces deux visions- la première et la deuxième génération- on trouve que dans la première vision la notion de compétence globale est ignorée, puis aucune importance n’a été accordée aux valeurs et attitudes contrairement aux programmes de la seconde génération qui prend en compte ces éléments-clés de l’enseignement/apprentissage. En deuxième lieu, on note également que dans les activités d’apprentissage dans la 1ère génération, l’importance a été accordée à la maitrise des concepts uniquement, sans pour autant introduire leur mobilisation comme ce fut le cas dans la 2ème génération. Quant à l’évaluation, les premiers programmes se sont penchés sur l’évaluation des compétences disciplinaires en omettant de mettre le point sur celles dites transversales, et une autre omission est signalée également dans la remédiation pédagogique à laquelle ces nouveaux programmes accordent une importance capitale. Ce ne sont donc pas les seuls arguments qui ont poussé Mme. Benghebrit à lancer ce projet de réécriture des programmes, mais aussi une raison de taille a consolidé son engagement dans cette réforme. Il s’agit de l’introduction des valeurs dans chaque séquence d’apprentissage à l’effet de créer le lien entre l’école et la société ainsi que la pérennisation de la culture algérienne à travers l’école. Sur ce, la ministre a donné des instructions d’élaborer des manuels scolaires à base de textes d’auteurs algériens devenus, hélas, inconnus auprès des enfants scolarisés. Tout cela ne fera que réserver à l’école algérienne une place parmi les écoles élitistes et la situer sur le diapason international et inéluctablement l’extraire de l’abîme. N’est-ce pas là une démarche progressiste basée sur le constructivisme que la majorité silencieuse doit accompagner et soutenir pour faire barrage à l’obscurantisme qui a ruiné des générations.
S. M.