Quelle protection pour le barrage de Koudiat Acerdoune ?

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Ayant bénéficié de la mise en eau depuis 2008, le barrage de Koudiat Acerdoune, construit sur le cours moyen de l'Isser, dans la daïra de Lakhdaria, a coûté quelques 12 milliards de dinars, après une réévaluation justifiée par un dangereux glissement de terrain qui commençait à se manifester en 2006.

La capacité de cet ouvrage est de 640 millions de mètres cubes, faisant de lui le deuxième barrage sur le territoire national, après celui de Beni Haroun, doté d’une capacité de 960 millions de mètres cubes. La digue, haute de 121 mètres, et le plan d’eau sont situés dans la commune de Maâlla, tandis que le bassin versant, d’une superficie de 2 831 km2, s’étend sur deux wilayas: Bouira et Médéa. Son point de départ prend naissance dans les limites méridionales de l’Atlas tellien, à savoir Djebel Dirah (1800 m d’altitude), situé dans la daïra de Sour El Ghozlane, et le sommet de Kef Lakhdar (1500 m d’altitude), dans la daïra de Aïn Boussif. La pente moyenne du bassin est de 12,27 mètre/km. Située à la limite des Hauts Plateaux steppiques, cette limite sud des apports des eaux vers le barrage porte son pesant d’aléas en matière d’érosion, sachant que dans sa grande majorité la superficie du bassin versant est dénudée. Le couvert végétal qui garnissait il y a quelques années certaines parties du bassin s’est réduit en peau de chagrin. Du volume d’eau qu’est appelé à emmagasiner le barrage (640 millions de M3), 21 millions sont destinés à la zone sud de la wilaya de Tizi-Ouzou, à savoir les régions de Tizi Ghenif, Draâ El Mizan, Boghni et Ouadhias, soit une population d’environ 26 000 habitants répartis sur presque 200 localités. Ce projet de transfert a coûté 20 milliards de dinars. Le barrage alimentera également les wilayas de Bouira, M’Sila (couloir de 120 km sur Sidi Aïssa-Aïn Lahdjel) et Médéa (couloir de 189 km sur Beni Slimane-Berrouaghia-ville nouvelle de Boughezoul). Les travaux de transfert sont toujours en cours. De même, il est prévu deux périmètres irrigués de 19 000 hectares (vallée des Issers et Mitidja) qui prendront leur eau à partir de Koudiat Acerdoune. Par-delà les performances techniques du barrage et la qualité des adductions et stations de refoulement servant aux longs transferts qui se chiffrent à plusieurs centaines de kilomètres, l’un des critères d’appréciation des ouvrages de cette envergure est sa durée de vie. En tout cas, les Algériens, en l’espace d’une génération ont eu la malchance d’assister à la quasi disparition de quelques barrages par envasement. L’on retiendra deux noms: le K’sob, dans la wilaya de M’Sila (envasé à plus de 60 %), et Fergoug, dans la wilaya de Mascara (envasé à 97 %).

Afin d’éviter de tomber dans les mêmes travers par lesquels des ouvrages hydrauliques, chèrement payés par l’État algérien, ont été livrés au bon vouloir d’une nature fortement perturbée par l’action de l’homme, les pouvoirs publics comptent faire accompagner tous les nouveaux barrages par la protection de leur bassin versant. Cette mission est censée être entamée avec les travaux de construction pour hâter, dans le cas des plantations, la poussée biologique des arbres, tout en prévoyant des travaux mécaniques (différentes méthodes de lutte antiérosives connues par les techniciens: corrections torrentielles par le gabionnage, par la construction de barrages en béton, par l’installation de fascines,…). Dans le cas du barrage Koudiat Acerdoune, l’Agence nationale des barrages et transferts (Anbt) a commandé en 2006 une étude auprès du bureau d’études canadien Tecsult-Canada, portant sur le projet de protection du bassin versant de ce grand réservoir d’eau. Un schéma directeur s’en est dégagé avec un programme d’actions antiérosives, en priorisant les zones les plus sensibles, les plus exposées à l’action érosive des eaux de pluie.

Faire adhérer les populations au principe de la protection

L’étude constitue une avancée notable pour une approche scientifique tendant à faire un diagnostic réel de la situation de l’érosion dans la région et asseoir une méthodologie de lutte antiérosive la plus efficace possible. Elle se propose de mettre en relief les dangers de l’érosion à trois niveaux : dégradation et appauvrissement des sols, ce qui conduit inéluctablement à la réduction des rendements et à la paupérisation des populations, envasement des barrages, ce qui réduit progressivement leurs capacités de rétention et altère la qualité des eaux, endommagement et même destruction de certains équipements hydrauliques (pompes, canalisations,…). L’étude préconise une approche sociologique qui soit à même de prendre en compte la réalité culturelle des populations et le système d’organisation économique de celles-ci, et ce, dans le but de les impliquer dans la gestion rationnelle de leurs territoires et de les faire adhérer à la stratégie de protection du bassin. C’est à partir de cette étude que les conservations des forêts de Bouira et Médéa ont conçu des actions de lutte antiérosives qu’elles ont injectées dans les projets de proximité de développement rural intégré (Ppdri). Reboisements des espaces nus, repeuplement des forêts dégradées, plantations fruitières, installation de haies vives, fixation biologique des berges, correction mécanique des écoulements d’eau, cordons de pierres, murettes, sont les quelques actions prévues dans ce programme. Cependant, comme toute action appelée à s’inscrire dans un espace foncier, les travaux préconisés par l’étude canadienne trouvent moult difficultés à se réaliser sur le terrain, particulièrement lorsqu’il s’agit de reboisements, sachant que, dans son écrasante majorité le bassin versant, avec ses 2 831 km2 de superficie et ses 333 km de périmètre, est constitué de terrains privés. C’est la raison pour laquelle a été adoptée l’approche  »Ppdri », consistant à faire participer les ménages ruraux à la prise de décision, espérant d’eux qu’ils adhèrent au programme de protection du bassin versant. Seules les plantations fruitières semblent susciter l’adhésion sans réserves des populations. Ces dernières s’opposent à toute plantation forestière sur leurs parcelles, même si les bienfaits du barrage les touchent au premier plan.

Amar Naït Messaoud

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