La clinique S’Bihi sous pression

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La clinique de gynéco-obstétrique S’Bihi Tassadit souffre d’une mauvaise réputation depuis quelques années. Une réalité que personne ne peut nier, surtout pas les familles des parturientes décédées, victimes des défaillances des services de l’établissement.

Néanmoins, et en dépit de la pression, de l’exiguïté  de l’établissement et de la surcharge du travail, seul deux cas de décès y ont été enregistrés depuis le début de l’année. Nous avons pu, hier, accompagnés du directeur de l’établissement, M. Amrar Mohand, et du Dr Mihoubi, médecin réanimateur et  président du conseil médical, visiter les différents services de la clinique. Nous y avons constaté que tous les lits sont occupés, avec parfois deux parturientes dans le même lit. Une réalité « amère » sur laquelle doivent  se pencher, en urgence, les responsables. «Nous avons essayé tous les moyens pour améliorer les prestations dans cette clinique, mais les solutions sont ailleurs qu’à l’intérieur de la structure : la clinique est saturée ! », nous dira le directeur de l’EHS. Une parturiente venue de Draâ El-Mizan que nous avons approchée dira qu’elle avait été admise jeudi dernier et qu’elle avait bénéficié de bonnes conditions d’accueil. Une autre patiente venue de Tadmaït interviendra : « Je suis ici depuis déjà presque une semaine. J’attend l’aval du docteur pour sortir ». Le Dr Mihoubi expliquera que ces deux dames avaient des grossesses à haut risque et qu’elles avaient été évacuées en urgences vers S’Bihi : « Nous subissons une pression quotidienne ce rend difficile le bon déroulement du travail ». M Amrar nous indiquera : « nous n’avons pas le droit de mettre deux malades par lit, cependant, de temps à autre, pour résorber cette pression, nous y sommes contraints, ne pouvant refuser des patientes ». Et d’enchainer : « Il nous arrive d’accélérer ou d’avancer la sortie des parturientes pour libérer les places ». Sur ce sujet, le même responsable révèlera : « Quand il y a un surplus de parturientes avec des grossesses à haut risque (GHR), on fait pression sur les autres services tels la maternité la gynécologie… C’est la débrouillardise ! ».  Lors de notre visite, Dr Bouzina, gynécologue, dira quant à elle que la situation se dégradait de plus den plus : « Jadis, le CHU Nedir Mohamed prenait les cas de gynéco-obstétrique, maintenant ce service n’existe plus. Il n’y a que notre établissement qui assure encore ce service ». Pour le premier responsable de la structure, le CHU doit jouer son rôle au même titre que S’Bihi : « le service de gynéco-obstétrique de Belloua relevant du CHU est devenu un service d’oncologie ! Il ne fait plus l’obstétrique comme auparavant », déplorera-t-il avant d’enchainer : « Quand la clinique S’Bihi reçoit un cas sérieux et que le CHU ne peut nous aider, sur qui pouvons-nous compter pour régler ce problème ? ».

Deux cas de décès depuis janvier

Il convient de rappeler que la clinique S’Bihi Tassadit a enregistré depuis le début de l’année deux décès, dira M. Amrar. Sur ce sujet, Dr Benzerouk soulignera que le décès maternel existe depuis toujours : « Un problème physiologique peut devenir à tout moment une  pathologique ». Par ailleurs, notre interlocuteur affirme que la majorité des cas compliqués, « se sont des parturientes qui ont été refoulées d’ailleurs, y compris par le privé ». Pour le Dr Mihoubi, qui est aussi médecin réanimateur au sein de l’établissement, dira que « l’accouchement est un événement qui est censé être un moment de joie, donc, c’est difficile d’expliquer aux parents le phénomène où la pathologie ». « On a plus de 25 actes entre césariennes et accouchements normaux quotidiennement. Il y a aussi des pics où on arrive à effectuer plus de 40 actes par jour. C’est dire que la clinique est saturée chaque jour ». Pour Dr Bouzina, les services de périphérie doivent jouer le jeu pour désengorger la clinique S’Bihi : « On travaille depuis des années déjà  dans cette exigüité compte tenu du nombre de population qui augmente. Il faut que les autres services de périphérie jouent le jeu pour alléger cette clinique de gynéco obstétrique ». Pour elle, celle-ci ne doit pas être l’ultime recours de tous les malades. Pour M. Amrar : « pas moins de 99% des cas trouvent leurs solutions ici à S’Bihi, mais malheureusement, les cas de décès nous les constatons également ici ! ». Le directeur dira : «  En médecine, le risque zéro n’existe pas ! Seuls deux cas de mort sur plus de 6 000 actes effectués depuis le début de l’année, ce chiffre est insignifiant ! ». Dans le même sillage,  le directeur de la clinique rappellera l’instruction ministérielle  relative à la sectorialisation qui « nous oblige à prendre tous les parturientes quelle que soit son origine, mais cette instruction a créé des grands problèmes pour le personnel ».

Le CHU et les autres hôpitaux doivent s’y mettre

 « Au niveau des hôpitaux, là où il existe un service de chirurgie générale, la césarienne d’urgence peut se faire par un chirurgien généraliste. Pourquoi on nous évacue des cas depuis Aïn El Hammam, Draâ El-Mizan, Azeffoun… puisque une note ministérielle autorise les chirurgiens à accomplir cet acte », s’interroge le premier responsable de la clinique de gynéco obstétrique de S’Bihi. Il ajoutera : « En outre, le service de gynéco obstétrique du CHU doit faire aussi l’obstétrique pour désengorger notre établissement ». Notre interlocuteur  soulèvera un autre problème qui frappe de plein fouet la gestion de la clinique : « nous avons beaucoup de difficultés à gérer cette pression sans les résidants du CHU suite à leur retrait de la clinique. Le chef de service de la gynéco-obstétrique de Belloua a décidé de retirer 80 % de ces résidents ». M. Amrar Mohand nous fera savoir qu’un bloc opératoire a été fermé à la suite de ce retrait : « cela a non seulement engendré la lenteur dans le travail mais aussi un grand désordre. Les patientes souffrent et les parents s’affolent ».  Après moult débats et réunions avec tous les concernés, y compris le ministre, ajoute le même responsable, une solution fut pourtant trouvée. Il s’agissait de réintroduire ces résidents dans l’établissement pour épauler les 5 gynécologues, les réanimateurs et les 5 autres pédiatres. Mais cela n’a pas eu lieu comme convenu : « Chose qui a accentué la pression, la lenteur et la souffrance des parturientes », insistera-t-il. Pour le responsable, le service de génécologie du CHU doit s’y mettre, notamment en ce qui concerne l’obstétrique, et également les services de périphéries, afin de mettre un terme à cette ruée quotidienne sur une structure qui n’a que 72 lits. Actuellement, tout le monde s’accorde à dire que les services de périphérie doivent jouer le jeu du moins pour ces quelques années qui seront nécessaires pour la réalisation d’un nouveau CHU de 500 lits avec en outre une clinique mère-enfant qui sera sans doute d’un grand secours pour palier à la situation de stresse dont souffrent et les familles des parturientes et le personnel de la clinique.

M.Z

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