«70% des noms des wilayas du pays sont amazighs»

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La problématique liée aux noms propres, leurs origines, motivation de la dénomination, orthographes et signification, méthodes de l’onomastique, la toponymie, écriture et représentation spatiale, les origines des toponymes en Algérie et l’apport du nom propre dans la géographie et la cartographie, ce sont là, entre autres, les thèmes développés par les différents spécialistes en linguistique, lors du 3ème colloque international de deux jours, organisé depuis hier par le département de la langue et de la culture amazighes (DLCA) et du laboratoire de l’enseignement des langues (LAELA) à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, qui a pour thème central « Le nom propre : mémoire et identité ».

Selon les organisateurs, ce colloque s’inscrit dans l’optique de l’amorce d’un débat sur les problèmes liés aux noms propres. Intervenant à l’ouverture de ce colloque, le vice-recteur chargé de la pédagogie à l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, M. Idir Ahmed Zaid, a souligné que le développement de tamazight ne peut se faire qu’à travers l’acceptation de la profondeur historique. Pour lui, la rigidité du nom propre s’oppose à la ductilité qui est susceptible de nuire à la profondeur sémantique qui est le socle d’une identité. «Le nom propre requiert la profondeur et la charge sémantique est utile pour le développement de la langue», a-t-il fait savoir, en ajoutant : «70% des noms des wilayas du pays sont des noms amazighs. Il s’agit là d’une réaffirmation de notre identité». De sont côté M. Mohand Akli Haddadou, Pr au DLCA et membre du LAELA, a indiqué que le nom est l’objet de la représentation, et ce colloque s’inscrit dans la perspective de valorisation de l’onomastique. C’est-à-dire, pour l’orateur, le nom propre original évoque la mémoire collective d’un peuple, son histoire et sa civilisation. Mais pour lui, cette mécanique n’a pas fonctionné en Algérie, du moment que depuis 1962, il y a eu adoption des noms étrangers à la spécificité nationale. Ces derniers s’inscrivent dans l’optique de «stopper la vague des noms berbères», a-t-il souligné.

1 500 patronymes recueillis par les étudiants en tamazight

À l’entame du colloque, les communications des différents intervenants-spécialistes en la question ont été centrées sur l’onomastique et la linguistique. Mme Tigziri Noura, Pr au DLCA et membre du LAELA de l’université de Tizi-Ouzou, a développé la thématique ayant trait à la «Toponymie, écriture, représentation spatiale». Cette dernière a indiqué que pour élaborer des cartes linguistiques, cela ne peut se faire sans la collecte des fiches de noms propres pour chaque localité en Kabylie. Pour elle, cette entreprise n’est pas aisée du fait de l’existence des problèmes d’orthographe dans la recherche des références géographiques. «On ne peut pas repérer une localité sur une carte sans une orthographe des toponymes exactes : Exemple Ath Yenni ou Béni Yenni», dira M. Tigziri tout en ajoutant : «Cette situation nous pose des problèmes dans la conception des logiciels de cartographie numérique, d’où l’impératif d’une transcription normalisée stable pour qu’on puisse établir des cartographies». L’oratrice a souligné également l’existence d’un organisme international chargé de la normalisation linguistique appelé GENUNG, rattaché à l’ONU. Dans ce dernier, selon elle, il n’y a aucune référence ni à la division Afrique du nord ni à la dimension amazighe. La cause : Les dispositions de cet organisme onusien stipulent que «c’est l’Etat qui suggère ses divisions et ses références à cet organisme pour inscription et non les individus». Ceci renvoie au fait que l’Etat algérien n’a rien fait dans ce sens.

Prenant la parole à son tour, M. Imarazene Moussa, spécialiste en linguistique à l’université de Tizi-Ouzou, a axé sa communication sur «Le patronyme : symbole de l’identité Kabyle». Pour ce dernier, le patronyme reflète en Kabylie, dans une grande proportion, l’identité de la personne et de la famille, ceci du fait qu’il retrace l’affiliation de l’individu et du groupe. De même, il a fait savoir que les kabyles se désignaient par leurs patronymes avant même l’arrivée des français. L’orateur a précisé en outre, qu’avant 1882, les kabyles avaient deux patronymes qui les identifient : «Un odonyme qui est le nom pratiqué au sein du village, et un exonyme, qui a été donné par les français pour identifier la personne officiellement», souligna-t-il. Et d’ajouter : «À partir de 1882, on a commencé à attribuer aux algériens, en plus de leurs patronymes ancestraux, de nouveaux patronymes qu’ils étaient obligés de porter malgré leur pesanteur». M. Imarazene a déclaré également que 1 500 patronymes ont été recueillis, ces dernières années, par les étudiants en tamazight à Tizi-Ouzou, Boumerdès, Bouira et Béjaïa. Ceci sans indiquer, de sa part, que les patronymes tendent à disparaître, malgré tous les efforts entrepris afin de les recueillir et les valoriser. La cause, selon l’orateur, est due aux rôles de l’école et de l’administration qui, depuis 1962, ont complètement effacé les patronymes identitaires de la région, en les remplaçant par d’autres ne reflétant aucunement l’identité ancestrale.

Reprenant la parole, M. Mohand Akli Haddadou a axé son intervention sur «Les origines des toponymes algériens». Pour ce dernier, les noms propres de lieux en Algérie renvoient à l’origine berbères de ceux-ci, et ils continuent, selon lui, à refléter la situation linguistique actuelle du pays. De même, pour l’intervenant, les occupations étrangères qu’à connues le pays tout au long de son histoire, n’avaient pas empêché la toponymie de conserver des traces. «Des noms phéniciens, latins, peuvent encore être reconnus, en dépit des transformations qu’ils ont pu subir», précise-t-il, et ce, tout en faisant savoir que l’étymologie de la plupart des noms actuels en dépit qu’elle soit aisément identifiable, mais pour d’autres, elle ne l’est pas.

Rachid B.

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