Tagmount N’Ath Ali Ouloul en quête de renaissance

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Tagmount N’Ath Ali Ouloul, un village perché sur les flancs de la somptueuse montagne du Djurdjura, à plus de 600 mètres d’altitude, dans la commune d’Aït Toudert, à 40 kilomètres au Sud-est de la ville de Tizi-Ouzou, est en quête de renaissance.

Pour ce faire, les habitants ont décidé d’organiser Timechret, à l’occasion du Mawlid Ennaaoui, afin de réunir l’ensemble des hommes et des femmes de ce village rasé par l’armée coloniale un certain 29 octobre 1956. C’est le comité de ce village, qui compte actuellement près de 500 habitants, qui a décidé de passer à l’action. Des cotisations ont été collectées et un bœuf a été acheté. Après l’immolation du bœuf, 150 parts de près de 5 kilos chacune (Tount) ont été réparties entre les familles du village et même celles habitant dans plusieurs autres régions du pays, revenues partager ce moment de communion, d’union et de partage. «Notre objectif n’est pas de manger de la viande, mais de faire appel à l’ensemble des hommes et des femmes originaires de notre village, qui sont éparpillés un peu partout à travers le territoire national, de revenir et d’aider à faire sortir le village de son sous-développement. Si nous ne faisons rien pour améliorer notre cadre de vie, personne d’autre ne le fera», dira le président du comité du village, M. Bourenane Salem. L’ambiance fut des plus festives. «Nous sommes éparpillés à travers le territoire national depuis l’évacuation de 1956. Des centaines de familles se sont établies dans d’autres wilayas et ne peuvent revenir au village. Néanmoins, cela ne nous empêchera pas d’aider à améliorer les conditions de vie dans notre village», a indiqué un ancien villageois venu de Tiaret.

Le village, loin d’être un Eldorado…

Par ici, le minimum vital n’est pas garanti, un village oublié comme d’ailleurs tous les villages de la région. Durant la saison hivernale, le froid malmène les habitants, le village est en effet tout près des cimes enneigées du Djurdjura. Le gaz naturel n’est pas encore arrivé ici. «Nous continuons à nous chauffer à la manière des anciens : le bois de chauffe et les bonbonnes de gaz butane quand celles-ci sont disponibles. Les travaux de gaz avaient commencé, mais il semblerait qu’ils aient été bloqués», a indiqué un des organisateurs de timechret. Concernant le réseau d’AEP, il est disponible, mais l’eau est toujours rationnée. «En été, nous endurons un véritable calvaire, nous n’avons de l’eau qu’une seule fois tous les 15 ou 20 jours», dira un villageois. A signaler pourtant que le village est riche en ressources hydriques et que 4 fontaines existent dont une qui a un débit de 60 litres par minute… Mais son captage et son exploitation ne sont pas d’actualité. «Nous avons introduit une étude finalisée pour l’exploitation des fontaines et renforcer la distribution en eau, mais nous attendons toujours son inscription par la direction de l’hydraulique», nous apprend M. Mansour Chabane, le maire intérimaire. Le réseau d’assainissement quant à lui n’est pas généralisé, du coup, les fosses septiques et les rejets à ciel ouvert sont légion. «Dans notre village, le réseau d’assainissement n’est qu’à environ 30% d’extension. Les gens ont toujours recours aux fosses septiques et aux rejets dans les ravins et les oueds. Nous demandons la généralisation du réseau et la réalisation de bassins de décantation ou d’une station d’épuration, afin de protéger et la santé des gens et la nature tout entière», demanderont plusieurs citoyens. Concernant le réseau électrique, celui-ci existe bel et bien, mais une quarantaine d’habitations nouvelles et éparses attendent toujours d’être raccordées. Il est aussi regrettable de constater que dans le village, il n’y a ni unité de soins, ni bureau postal, ni foyer de jeunes, ni aire de jeux ni encore moins une antenne administrative. Le réseau de la téléphonie et celui de la fibre optique demeurent un rêve en attente de concrétisation. «Nous sommes un village tout bonnement oublié. Nous n’avons d’autres choix que de nous déplacer au chef-lieu de commune ou de daïra pour le moindre service», nous confiera Bourenane Nour Eddine, un autre villageois.

Les 154 martyrs, la fierté des jeunes générations

village était autrefois peuplé de plus de 4 000 habitants. Les gens travaillaient la terre et tiraient leur subsistance à la sueur de leur front. Mais dès le début de la guerre de libération, la région fut un tel bastion de la révolution que l’armée coloniale a décidé de décimer tout le village, un certains 29 octobre 1956. «Les Français ont donné deux heures de temps aux villageois pour quitter le douar. Les canons ont ensuite été dirigés vers le village, à partir d’Agouni Gueghrane. Toutes les habitations ont été démolies et les villageois éparpillés, tout d’abord dans le voisinage, puis les familles sont allées chacune dans une région du pays pour s’y installer et redémarrer une nouvelle vie. 154 villageois sont tombés en martyrs au champ d’honneur. A l’indépendance, les habitants qui s’étaient établis ailleurs ne sont pas revenus. Aujourd’hui, on trouve des Aït Ali dans plusieurs wilayas du pays, notamment au centre et à l’ouest », nous racontera le maire intérimaire, avant d’ajouter : «Le développement de notre village concerne tout le monde, y compris notre diaspora qui peut contribuer significativement à améliorer l’état des lieux en investissant localement». Le président du comité de village ajoutera : «Nous appelons l’ensemble des villageois à s’unir et à conjuguer leurs efforts pour faire revivre notre hameau. La diaspora est également invitée à s’impliquer davantage, pour redonner vie à notre village. C’est à nous tous de reconstruire notre village. Nous exhortons aussi les autorités locales et les pouvoirs publics à regarder en direction de ce village martyr qui a donné 154 de ses meilleurs hommes à la glorieuse révolution de novembre. Nous souhaitons aussi que la prochaine Timchret attirera tous les hommes et toutes les femmes d’Ait Ali Ouloul », conclura notre interlocuteur.

Hocine Taib

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