HSE, le parent pauvre en milieu professionnel !

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Devant des chefs d’entreprises locales et les responsables de certains organismes du monde du travail, notamment la CNAS et l’Inspection du travail, des experts en la matière ont mis en exergue les zones d’ombre concernant la sécurité et la santé au travail.

C’était lors du 1er colloque national consacré au sujet initié par l’IPRP-HSE de Béjaïa, au niveau de l’hôtel du Nord de la ville, samedi dernier. Sous le thème «La santé et la sécurité au travail en Algérie, un problème multidimensionnel», la première zone d’ombre soulignée est celle de l’absence totale de statistiques au niveau des wilayas en matière de nombre d’accidents de travail et de cas de maladies professionnelles. «Tout est centralisé à Alger. De notre part nous communiquons les résultats de nos activités, mais il n’y a pas de feedback», avoua un cadre de la CNAS qui dit ne disposer d’aucun chiffre à cet effet. Lui emboitant le pas, les médecins du travail et les inspecteurs du travail déplorent également le fait de ne pas avoir entre leurs mains les statistiques des accidents du travail. «Un point noir qui empêche d’avancer dans la recherche des mécanismes à l’effet de prévenir, voire de faire face aux facteurs nuisibles et au degré de nuisance qui devrait avoir un barème comme indicateur fiable», ont-ils expliqué. Et bien que l’Algérie dispose de textes très étoffés sur la prévention et la sécurité en milieu de travail, ajouter à cela une législation des plus complètes, l’impasse de mettre sur des rails la dynamique de prévention des risques et maladies professionnelles qui coûtent très cher au trésor public est celui de l’application de ces textes qui fait défaut, se sont accordés à dire les animateurs du colloque. Ainsi, et pour faire valoir la nécessité du domaine hygiène et sécurité de l’environnement (HSE), des intervenants ont mis le doigt là où ça fait mal du point de vue gestion des risques et prévention des maladies professionnelles ayant comme conséquence des lésions corporelles à l’origine de l’absentéisme, de la prise en charge de la CNAS et de maladies quelque fois invalidantes. Bektache Mohiédine, en sa qualité d’ingénieur en sécurité industrielle, expliquera : «La santé et la sécurité des travailleurs visent tous les aspects du bien-être social, psychique et physique», ajoutant que «le but de ce colloque est de conjuguer les efforts pour trouver les solutions nécessaires à cela». Un expert en ce domaine, à savoir le professeur Bahmed Lylia, directrice générale du conseil international en environnement santé et sécurité (CINES) de Batna, a donné un aperçu sur l’impact du management stratégique des risques qualité, santé, sécurité au travail sur les performances globales des entreprises en Algérie : «Les entreprises algériennes subissent des transformations au niveau le plus concret, au moment où les exigences financières sont les plus restrictives et où les exigences pour la qualité, la santé et la sécurité au travail et la protection de l’environnement commencent à s’imposer», indiquera ce professeur des universités de gestion des risques pour expliquer le paradoxe actuel que vivent nos entreprises. Pour Khima Djaafar, responsable du service prévention des accidents du travail et maladies professionnelles auprès de la direction CNAS de Béjaïa, «une démarche de prévention doit donc être organisée et suivie avec une hiérarchisation et une planification dans le temps des actions à conduire, avec une évaluation régulière de l’efficacité de ces actions», appelant aussi les acteurs concernés à s’organiser pour prévenir les risques professionnels dans l’entreprise. De son côté, Boumendjel Safia, médecin du travail auprès du CHU de Béjaïa, et parlant de la convention de médecine du travail, évoquera le respect de la législation et soulignera que la médecine de travail «est une obligation pour chaque organisme employeur, elle est à la charge de celui-ci, conformément à la législation en vigueur notamment la loi n° 88-07 du 26 janvier 1988. Un représentant du groupe SONATRACH, Ouzane Toufik, ingénieur en prévention des risques industriels, et exposant les axes d’un projet HSE du leader industriel algérien, qualifiera les accidents industriels d’«aléas inévitables, voire nécessaires, de l’activité industrielle et du progrès… Cela faisant partie intégrante du métier. Au regard de ces ambitions, la mise en place et le déploiement opérationnel d’un système de management HSE, utilisé comme levier de performance du groupe Sonatrach, sont donc nécessaires et incontournables». Parlant du rôle de l’inspecteur du travail dans la prévention de l’état de santé et sécurité des travailleurs, Hemmadi Nacer, inspecteur principal du travail, plaidera : «Le contrôle de l’application des lois et prescriptions concernant la sécurité, l’hygiène et le milieu de travail devra être assuré par un système d’inspection du travail approprié et suffisant. Le système de contrôle devra prévoir des sanctions appropriées en cas d’infraction aux lois ou aux prescriptions». En tout état de cause, l’absence d’agents HSE dans les entreprises et les autres lieux de travail reste le bémol dans l’arsenal des mesures de préventions des risques professionnels. Quant à la médecine de travail à Béjaïa, elle reste en deçà des exigences du domaine actif et économique de la région avec 20 de ces spécialistes pour la couverture de plus de 400 entreprises et 500 mille travailleurs. Enfin, cette manifestation, la première du genre à Béjaïa, est une brèche ouverte pour parler des problèmes majeurs intéressant les employeurs et les employés, c’est-à-dire le monde du travail, qui semble ne pas être en «bonne santé» par manque de prévention des risques liés au travail et aux maladies professionnelles, devenus un gouffre pour l’Etat. Cette rencontre, ayant réuni les acteurs économiques et les experts en prévention des risques au travail et HSE, avait pour objectif d’améliorer la qualité de vie au travail et de réduire l’absentéisme, «à condition de songer à s’investir dans le domaine de HSE», ont conclu tous les intervenants.

Nadir Touati

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