Sur les hauteurs d’El-Adjiba…

Partager

Agouillal est l’un des villages situés en haute montagne, dans la commune d’El-Adjiba. Dépourvus de tout, ses

habitants se débattent au quotidien pour tenter de faire revivre la localité.

Agouillal est situé à 15 kilomètres environ de la commune d’El Adjiba, et à quelques 40 kilomètres du chef-lieu de Bouira. C’est le dernier village, à l’extrême nord de la commune, limitrophe de la Wilaya de Tizi-Ouzou, situé au piémont de Lalla-Khedidja (Tamgout). Sa population ne dépassait pas les 900 habitants avant la décennie noire et le nombre a sensiblement diminué pour avoisiner les 400 âmes. Ces résidents sont en fait, les premiers à s’être installés dans la région, il s’agit des Ath Amar-Oussaid (la famille Amrani), Ath-Youssef (la famille Sait et Moussi), Izoundaren (la famille Zenoudi), Ath Iken (la famille Iken), Ihadadhen (la famille Haddad), Outhanan’t (la famille Thaanant). D’autres familles se sont installées un peu plus tard dans la région. C’est le cas des Ath- Avdhalah (la famille Dahmani), Ath-Yemri (la famille Hamri). Agouillal comprend plusieurs quartiers (Idarman), dont : Thansawth, Thadarth, Thiniri, Achenan, Thighilt, Ahdhifa, Thaourirth, Ighzer-Hellil, Amalou-Bouchen, Imrijen ……La splendeur des paysages lui donnent  un charme irrésistible et une beauté inégalée.  Pour s’y rendre  il y a deux accès possibles, la route d’Amalou (Semmache) où celle reliant Assif-Asemmadh (M’chedallah) Thiniri. 

Le transport inexistant

Lors de notre virée dans la région, la première chose qui a attiré notre attention c’est l’inexistence du transport. Une carence qui est naturellement synonyme d’isolement. Les habitants parcourent quotidiennement plus d’un kilomètre à pied afin d’arriver au village voisin d’Amalou, où le transport est assuré de manière assez régulière. « Nous sommes dans cette situation depuis des décennies, nous sommes obligés de parcourir à pied des kilomètres pour le moindre de nos besoins. Nous avons demandé aux élus de doter ce village en moyens de transport afin de le désenclaver, mais la réponse se fait toujours attendre comme vous pouvez le constater », nous disent les habitants. D’autres problèmes aigus persistent au niveau de ce village, tel l’approvisionnement en eau potable qui dispose pourtant d’un réseau aménagé depuis 1980. Cependant, avec le temps, la conduite est devenue vétuste et son utilisation impropre. La tuyauterie en fer aurait même déjà provoqué des maladies. Les habitants ont d’ailleurs, à maintes reprises, réclamé la réhabilitation de ce réseau AEP avec des tuyaux en PVC. « Nous avons demandé aux autorités de changer la conduite mais, les responsables de l’APC ne sont pas d’accord, d’après le vice-président de la commune, la conduite est toujours opérationnelle et neuve », dira H’mimi, un des citoyens dudit village. La répartition de cette denrée vitale est également décriée. On nous citera l’exemple de Thiniri où l’eau est tout bonnement absente des robinets et les habitants au niveau de ce hameau vivent un vrai calvaire. De ce fait, ces derniers sont contraints d’aller chercher de l’eau ailleurs et de débourser des sommes élevées, notamment pour la location de citernes. Une aberration pour villageois, car il existe trois sources d’eau qui ne demandent qu’à être exploitées. « A cause de cette négligence, nous vivons un enfer depuis la nuit des temps. Les responsables de l’APC d’ El Adjiba nous assurent l’alimentation en eau potable via des camions citernes une à deux fois par mois, mais cela est loin d’être insuffisant pour satisfaire les besoins des citoyens », déclare notre interlocuteur. 

Une école primaire avec trois fonctionnaires

La tourmente est ce qui caractérise le quotidien de ces habitants et la situation dans le secteur de l’éducation n’est guère plus reluisante.  Une seule école primaire accueille les enfants de la localité en l’occurrence l’école primaire Haddadi Saïd, où le personnel se réduit en tout et pour tout à trois personnes: une enseignante, un cuisinier et le concierge. Les élèves scolarisés dans les différents niveaux (de la première année à la cinquième) ne disposent d’aucune condition d’évolution pédagogique, puisque aucun encadrement digne de ce nom n’est disponible. Vu le nombre peu élevé des élèves, ces derniers se relaient dans une même salle de classe. « Si le transport scolaire était assuré convenablement, nos enfants pourraient au moins se rendre dans des écoles voisines où le personnel pédagogique existe », affirme un père de famille. Un de ces élèves aurait même interpellé le vice-président de l’APC qui s’est rendu sur place en lui demandant : « une voiture s’il vous plait ! Juste pour nous emmener à Tamra pour poursuivre nos études convenablement ! ». Un cri du cœur qui en dit long sur la détresse des élèves.

Le gaz de ville ?

On en entend parler mais on ne connaît pas encore…

Une autre commodité et pas des moindres, fait également défaut dans le village. C’est le gaz de ville. Une énergie qui ne semble pas être à l’ordre du jour. Les habitants crient leur souffrance, en particulier en hiver. Ils sont contraints soit d’aller dans les villages voisins chercher d’hypothétiques bonbonnes de gaz butane, soit de se rabattre sur le bois qu’ils vont chercher dans la forêt. Ce village culmine à près de 770 mètres et la neige s’y accumule engendrant un froid mordant durant de longs mois, ce qui accentue la souffrance des habitants.  Ce n’est que durant les années 90 que les foyers ont bénéficié de l’électricité rurale suite à un long bras de fer entre Sonelgaz et les propriétaires terriens. Une station hydroélectrique a été réalisée durant la période coloniale à Thiniri et une autre à Ilyithen, mais ces deux réalisations n’ont pas permis aux villageois de profiter de l’électricité  malgré le fait que des poteaux étaient implantés sur leurs terres. Ce n’est qu’après un sit-in devant la station hydroélectrique  que ces derniers ont eu gain de cause. Trois années plus tard, Agouillal a enfin vu ses maisons éclairées. Le village accuse un manque flagrant en matière d’infrastructures, aucune aire de jeu ni foyer de jeunes. L’unité de soins quant à elle est fermée depuis 1998 à cause de l’insécurité. « Que pouvons-nous faire en cas d’urgence ? Ni centre de soins, ni transports pour évacuer un malade !», s’insurge un jeune. Il semblerait pourtant que les richesses ne manquent pas dans ce village.  En effet, il existerait des ressources non négligeables dans son sous-sol, comme un gisement de chaux du côté d’Ighzer-Hallil, mais aucun projet de son exploitation n’est envisagé pour le moment.

Anissa Amrani

Partager