« La comptabilité publique actuelle est, comme nous l’avons déjà vu, par essence bureaucratique et reste sujette à des déviations, notamment budgétaires. Dans cette optique, le gestionnaire privilégie le perfectionnement formel et reste hanté par la phobie des écarts qui peuvent apparaître entre les prévisions de recettes et de dépenses et leur réalisation. Il sacrifie alors les objectifs de résultat, de rentabilité et de qualité du service public ».
C’est là un paragraphe extrait du tout « nouveau-né », de l’ouvrage réalisé par le ministre de l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, Chérif Rahmani en l’occurrence.
A travers ce livre édité par la maison Casbah et présenté hier à l’occasion d’une vente-dédicace à l’hôtel Sofitel, le ministre a voulu faire un état des lieux d’un secteur dans lequel il a accumulé tant d’années d’expérience, à savoir les collectivités locales.
A travers cet ouvrage qui comporte pas moins de 176 pages et qui se présente surtout comme étant un « espace » de réflexion et d’analyse, le ministre a retracé le mode de fonctionnement des communes, basé surtout sur la gestion des budgets pratiquée actuellement au niveau des 1 572 collectivités locales existants sur le territoire national.
Selon ses dires, le fonctionnement de ces dernières est loin d’être reluisant. Pis encore, il est défaillant, soutient-il. Lors de la présentation de son livre et devant une assistance d’éminentes personnalités, Chérif Rahmani n’est pas allé avec le dos de la cuillère pour tirer à boulets rouges sur le législateur algérien et sur ceux qui sont à la tête des communes.
Selon sa conception, les communes, malgré le fait qu’elles soient des secteurs névralgiques, n’ont bénéficié que de faibles ’’bourses’’ financières. Les budgets qui leur ont été alloués sont jugés très faibles, voire dérisoires.
« La part des communes recule et décroît de plus en plus », dira le ministre.Alors qu’elle représentait 4,5% du PIB national en 1975, elle est passée à 3,3% en 1980 pour chuter à 2% du PIB en 2005.
Là que le bât blesse, c’est que ces budgets aussi maigres soient-ils, sont, selon M. Rahmani, distribués inéquitablement, ce qui explique, d’après lui, l’existence de communes riches et d’autres pauvres. Les ressources destinées à l’exploitation sont « faibles ». Elles ne représentent que 2% du budget global des collectivités locales.
Et le comble dans tout cela, ajoutera M. Rahmani, c’est que ces budgets sont irrationnellement gérés. « Les finances se perdent”, soulignera-t-il avant de préciser que “cela est dû à l’absence de maîtrise des dépenses et surtout au manque de rigidité ».
L’auto-contrôle fait défaut dans les communes, les impôts indirects sont érodés, les rentes reculent et, par conséquent, la situation des quartiers s’est dégradée.
C’est un autre constat donné par Chérif Rahmani lors de son intervention. Sur ce plan, ce dernier s’est montré acerbe en fustigeant certains élus locaux qui, d’après lui, « gonflent les recettes et les dépenses imprudemment ».
L’autre point noir qui entache les pratiques des commune réside dans la centralisation de la gestion, ce qui est caduc, a sous-entendu l’auteur de cet ouvrage. Ce qui explique “le dérapage financier’’ constaté dans certaines communes.
Voulant comparer notre système de gestion à celui appliqué par les autres pays, M. Rahmani a souligné qu’en Algérie, “le système est passé de la notabilité à la notabilisation du métier et de la profession de maire”.
Pour pallier au plus pressé et afin de redonner du “dynamisme” aux communes, Chérif Rahmani a suggéré une batterie de solutions. De prime abord, il a plaidé pour l’instauration d’un nouveau système de management, l’implication des commissaires aux comptes pour contrôler les dépenses et l’élargissement du dialogue, pour ne citer que celles-ci.
Par ailleurs, Chérif Rahmani a mis l’accent sur la nécessité d’aller vers la décentralisation. « Il faut décentraliser, pour ne pas se défaire », a-t-il estimé avant de conclure que « la réforme des finances locales est la voie de la bonne gouvernance ».
Ce livre, intéressant à plus d’un titre, est, faut-il le souligner, proposé actuellement sur le marché.Wassila Ould Hamouda
Chérif Rahmani Les finances des communes algériennes, Casbah Editions, janvier 2005