Depuis 2002, la Kabylie a rompu avec les urnes et quand cela n’est pas le cas, il y a violence le jour J. Or, force est de constater, ce 29 septembre, le référendum s’est déroulé sans le moindre incident, si bien que le chant des sirènes a miroité un boycott actif et l’avant-goût a été donné lors du meeting de Bouteflika, où quelques chahuteurs ont permis à ce que l’on focalise les regards sur eux. Cela dit, sur toute l’étendue de la wilaya, l’acheminement du mobilier électoral s’est fait sans risque, et l’organisation du scrutin s’est déroulé, dans le calme absolu. La Kabylie a mûri, les citoyens ont été d’un comportement démocratique, en laissant libre voie à chacun d’agir selon ses convictions et ses convenances, loin de toute sorte de pression ou de chantage. Enregistrer un taux de 11,51% des suffrages exprimés est l’équivalent de 63 004 citoyens de la wilaya de Tizi Ouzou à s’être affranchi de leur devoir civique. Ce n’est pas insignifiant comme chiffre, si l’on se fie à l’état des lieux, et d’où revient la région. Cette statistique augure une reprise en main de la chose politique dans la région, sans être pris en otage par un quelconque courant politique ou mouvement donné. Il faut rappeler la tradition électorale de la région, dont le corps électoral ballotte entre 450 000 et 550 000 électeurs depuis 1989, ou plus de la moitié, quel que soit la compétition et les acteurs qui entrent en jeu, n’a jamais dépassé le seuil de 54%. Une simple arithmétique fera dire que 63004 électeurs pour cette fois-ci représentent une bonne force d’appoint, a fortiori, que les habituels entraîneurs des foules se sont mis hors jeu. Cette masse d’électorat, qu’on le veuille ou non, échappe au contrôle politique des forces partisanes locales, qu’il s’agisse du FFS, RCD, MAK, Archs, dès lors qu’elles n’ont pas respecté leurs consignes du boycott. A cela s’ajoute le désintérêt des citoyens à toute consigne partisane, les 88,49% du peloton abstentionniste n’est pas mécaniquement renvoyé aux partis dans la région. Il faut dire que l’élément féminin, qui constitue plus de 60% du corps électoral, n’a pas du tout habitué nos politiques à répondre à leurs appels aux différents scrutins. Le corps électoral féminin en Kabylie accomplit rarement et à de faibles proportions son devoir civique, surtout en zone rurale où il est fortement ancré.Depuis, les citoyens de la région, plus portés sur les besoins de développement, l’emploi, le logement, la vie décente, trouvent en chaque appel au vote une sorte de farce de plus, qui n’apporterait rien à leur quotidienneté. Sans omettre évidemment la déclaration de Bouteflika depuis Constantine, qui reste très inexpliquée et incomprise, à quels desseins cela a été fait. De toute évidence, l’opinion et la tendance lourde dans la région ont considéré cela comme une sorte d’agression, ce qui a fait éloigner les citoyens du rendez-vous électoral, sans qu’ils ne versent dans la perturbation, c’est une riposte pacifique et non commandée par qui que ce soit.Mais surtout la donne objective, pour laquelle la région a enregistré le plus fort taux d’abstention à l’échelle du pays, s’est aussi expliqué par l’arrière-plan que les citoyens ont toujours, les évènements tragiques de 2001. En tout état de cause, la Kabylie montre une bonne disponibilité à s’inscrire dans les défis de l’heure, s’articulant autour de la paix et du développement socio-économique. Reconnu de tous, y compris par le président de la République, qu’elle accuse un retard immense, cette régression n’arrange personne, en premier chef l’humble citoyen de la région, otage de conspiration politicienne. L’Etat Algérien ne peut se targuer un comportement d’indifférence face à une région qui subit l’érosion permanente. On ne peut imaginer la Kabylie plongée dans une spirale suicidaire avec la complicité de tous. L’irréfutable preuve que la région est broyée par la lassitude et l’instrumentalisation politicienne, de quelques apprentis Machiavel, est et sera cette sérénité laissée aux déroulements des scrutins électoraux, et les 11,51% de votants au référendum de jeudi annonce la couleur d’un vote massif le 24 novembre et où le boycott sera banni du lexique politique de la région, afin qu’elle retrouve ses marques, en portant ses choix sur les meilleures enfants de la région, et du coup, réserver un cinglant revers à ceux qui la pourrissent et qui la désirent brûlée et brûlante.
Khaled Zahem