L’ère de l’empêchement violent des consultations électorales aura vécu dans la wilaya de Béjaïa malgré les épisodes saillants d’El Kseur, où l’expression citoyenne a été complètement entravée, d’Amizour et à un degré moindre d’Akbou où quelques urnes ont été mises au pilon. Ces avatars, qui apparaissent comme d’ultimes rémanences d’une époque en voie d’extinction, n’altèrent pas notablement le climat de sérénité démocratique dans lequel s’est déroulé le référendum. Avec la rupture avec les épisodes du passé, les citoyens ont prodigué un vote d’autant plus parlant qu’il n’est pas parasité par les artefacts de la violence. Le taux de 11,55% retenu officiellement semble conforme aux observations de nos correspondants et à des extrapolations réalisables à partir de centres soumis à l’observation.Les citoyens, dans leur grande majorité, n’ont pas cru bon se rendre aux urnes pour un faisceau de raisons tout aussi valables les unes que les autres, mais dont la hiérarchisation ne peut que prêter à polémique. Politiquement, ils ont exprimé un rejet clair et net de la charte pour la paix et la réconciliation. Pour prendre la mesure de l’étendue du désaveu, il convient de noter que le taux de participation est en recul de près de quatre points par rapport au scrutin présidentiel d’avril 2004 où le vote a été violemment entravé dans 16 communes sur les 52. En valeur absolue, ce sont, seulement 48 304 citoyens qui se sont exprimés au référendum contre 69 542 le 08 avril 2004, soit un gap de 21 238 voix. Au-delà de l’apparence paradoxale de ces chiffres, il faut noter aussi que près de 20% des voix exprimées se sont d’une façon ou d’une autre positionnées contre le projet de charte (13,87% de “non” et 5,97% de bulletins nuls).Les événements vécus par la région le long de ces dernières années ont constitué indéniablement un pesant décor de fond.L’appel au boycottage des urnes par les forces politiques implantées dans la région semble aussi avoir opéré. Engagés pour la plupart dans les élections partielles de novembre prochain, ces partis semblent s’être abstenus de toute entrave au référendum de façon à préparer le lit d’une prochaine participation sereine. Aucun incident notable n’est ainsi enregistré dans des localités réputées être sous l’influence de certains partis politiques.Il faut ajouter à cela les désastreuses déclarations du président de la République à propos du statut constitutionnel de la langue amazighe. Une contingence qui semble avoir produit un raidissement chez certains segments de la société. C’est spécifiquement, par exemple, la raison avancée par un groupe de jeunes qui avait érigé une barricade à l’entrée de Takerietz sur la RN 26.Schématiquement, la vallée de la Soummam et l’axe Bgayet-Tichy-Souk El-Tenine, demeurent une aire d’opposition radicale aux initiatives du pouvoir tandis que l’électorat de l’extrême Est de la wilaya semble enclin à la participation dans le triangle Ighil Ali-Aït Rezine-Boudjellil. Les écarts sont très sensibles entre la vallée de la Soummam et les confins est de la wilaya. Le taux est, pour illustration de 05,42à Sidi Aïch et de 37,31 à Kherrata pour prendre l’exemple de ces deux localités où le référendum s’est déroulé normalement.Le rejet de la charte pour la paix s’est paradoxalement exprimé sur un net besoin de renouer avec la sérénité et une vie politique paisible. L’appel des deux tendances des archs à la grève générale n’a pas eu d’effet notable.
M. Bessa
