Commentaire : Comment faire revivre la “charte intercommunale”?

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Le rencontre de concertation sur le développement local qui a regroupé depuis hier dans la ville de Tizi Ouzou les responsables et les élus de trois wilayas (Tizi Ouzou, Boumerdès et Bouira) avec une délégation du Conseil national économique et social (CNES) entre dans le cadre du processus général de concertation initié par cet organisme consultatif depuis le 5 septembre dernier et devant déboucher sur les assises régionales du développement local le 15 novembre prochain et sur les assises nationales prévues pour le 22 décembre 2011. Il ya deux semaines, le Centre national d’études et d’analyses pour la population et le développement (CENEAP) a entamé des concertations avec des opérateurs économiques, des représentants du mouvement associatif, la presse, des responsables des administrations et des élus dans la wilaya de Béjaïa pour le compte du CNES. Après les assises sur la société civile et le secteur du Commerce, le CNES a été chargé le 2 mai 2011 par le président de la République de se pencher sur le développement local en tant que canal de réalisation des aspirations des populations et particulièrement de sa frange juvénile. La mission confiée au CNES consiste précisément à «définir les objectifs d’un meilleur développement local à travers l’organisation d’une concertation nationale pour définir et asseoir une véritable gouvernance locale durable et aboutir à une réelle amélioration des relations entre l’administration locale et les citoyens». En effet, parallèlement aux grands axes de la politique économique mise en œuvre par le gouvernement, et singulièrement le recentrage opéré à partir de la loi de finances complémentaire de 2009, le développement local constitue un creuset ou sont censés se rejoindre et se conjuguer les efforts de l’action des gestionnaires locaux, des élus (APC et APW) et du monde de la société civile. Ce sont ces acteurs qui sont directement impliqués dans les problèmes quotidiens soulevés par la gestion locale : logement, emploi, agriculture, tourisme, industrie, PME, sports et loisirs et d’autres créneaux tendant à une prise en charge efficiente des problèmes de la jeunesse. Tel qu’initié et mené pendant plus de quatre décennies après l’indépendance du pays, l’on ne peut guère prétendre que le développement local ait bénéficié de la bonne articulation des institutions chargées de sa conception et de sa mise en œuvre, ni qu’il ait joui de la fluidité et de la transparence devant caractériser son action. Si l’ancienne gestion du parti unique avant le pluralisme politique et les réformes initiés depuis 1989 pouvaient ‘’justifier’’ les échecs et les dérives du développement local, ce qui sera considéré comme développement local au cours des deux dernières décennies s’apparente à une autre navigation à vue à laquelle les réflexes et les vestiges de l’ancien système politique rentier ne sont pas totalement étrangers. Centralisation excessive de l’administration et de l’économie du pays, division territoriale boiteuse et injuste loin des impératifs de l’aménagement du territoire, jeux politiques malsains qui n’ont pas pu instituer une ébauche de démocratie locale ainsi que d’autres avatars d’une gestion peu soucieuse de la prise en charge réelle des préoccupations des population et de la jeunesse. L’un des outils majeurs de la politique de la gestion locale est sans aucun doute le code communal. Dénoncé par l’ensemble des élus du pays comme étant obsolète, il vient de faire l’objet d’un profond amendement qui n’agrée pas à l’ensemble des acteurs politiques du fait qu’il prolonge et consacre la suprématie des représentants de l’administration (wali et chef de daïra) dans le jeu institutionnel. La révision proposée pour le code de la wilaya ne serait apparemment pas plus brillante puisqu’elle s’inscrit dans la même logique. Pourtant, la période exceptionnelle de la vie de la nation qui avait, en 1992, contraint le pouvoir politique à installer des délégations exécutives communales (DEC) en lieu et place de maires élus, est assez riches en enseignements pour pouvoir éviter une inflation du pouvoir exécutif à tous les échelons de la République. La crédibilité et l’efficacité de l’administration ne seront certainement pas rehaussées par l’adjonction de nouvelles prérogatives aux chefs de daïra, qui, sous d’autres cieux, ne font que représenter symboliquement l’État. Face aux différentes impasses rencontrées par les élus et les populations dans le cadre de la gestion locale, une heureuse initiative, restée malheureusement sans lendemain, a été esquissée par certaines communes de la Kabylie maritime à la veille des élections municipales de novembre 2007.

Il s’agit d’une coordination intercommunale consignée dans une charte qui se donne pour mission d’instaurer « une solidarité intercommunale dans les domaines aussi nombreux que variés tels que l’industrie, l’agriculture, la pêche, la culture, le bâtiment, les travaux publics, les forêts, le tourisme, l’artisanat, l’environnement, le sport, la santé l’éducation, etc. ». Les auteurs de ce document ont tenu à préciser que « cette Charte est transpartisane et permettra aux communes l’ayant adoptée d’initier et d’élaborer une stratégie commune de développement durable et sera une force de proposition et d’action face aux lenteurs bureaucratiques ». Même si elle n’a pas pu faire valoir ses idéaux sur le terrain- en raison d’un schéma institutionnel rigide qui fait table rase de toute forme d’ « interférence »-, cette charte, en tant qu’initiative émanant de la base, a sans doute le mérite de montrer le chemin à suivre en matière de développement local et de consécration de l’initiative citoyenne. Les actuelles concertations menées par le Conseil économique et social- et qui feront l’objet d’une synthèse lors des assises nationale le 22 décembre prochain- pourront-elles tracer la voie vers la réalisation de ces idéaux ?

Amar Naït Messaoud

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