Slimane Chabi cloue l’école algérienne

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Par Abdennour Abdesselam :

Qui d’entre nous n’a pas souvenance de l’étalage de la débâcle, unique en son genre, du système éducatif algérien, magistralement rapportée par l’artiste comédien, Slimane Chabi, L’artiste, usant d’une joute oratoire enregistrée sur cassette audio, simule de faire lecture d’une liste d’élèves admis au bac, avant-hier ou même à l’épreuve de l’année dernière. Slimane Chabi eut le génie de jouer des tournures nominatives en associant à chaque prénom un tas de formules qui renseignent sur l’échec pathologique et lamentable d’une école idéologique et détériorée, mais surtout une école sclérosante, abrutissante et sinistrée, comme l’avait si bien déclaré plus tard, feu Mohamed Boudiaf. A cette image désolante d’un lieu de formation et de savoir, transformé en un bunker de l’ignorance, Slimane, en artiste fin, fait jouxter un éclat de rire à la seule écoute de la cascade des nominatives. Pêle-mêle, voici quelques uns de ces tableaux moroses qu’a habilement fabriqué l’école: « yeghleq Djamal » (Farid est fait abruti par une école fermée de toutes parts sur le bon sens du savoir); « tabsanti Chrifa » (allusion faite au taux d’absence qui explique, à lui seul, le désintéressement des élèves au circuit scolaire car il ne représente nullement pour eux une piste pour la réussite sociale); « yeqfel Samir » (bien sûr qu’il n’y avait rien à assimiler par Farid, dans cet espace vidé de toute substance savante); « yekruli samir » (que faire d’autre dans une école qui s’écroule de partout) … Rien n’y fait. Juste après le rire, ou même le fou rire, succède alors le constat amer qui étale une réalité qui nous rend tous malades de voir ainsi le pays suivre, consciemment pour certains et inconsciemment pour d’autres, la dérive du système éducatif, se déverser dans un océan d’ignorance. Il est à souhaiter que Slimane Chabi reproduise, à nouveau, le même chef-d’œuvre pour une plus large diffusion et compréhension de la faillite scolaire. Fait-il rappeler que Slimane nous a gratifiés, également, d’une série d’albums où se mêlent à la fois chansons classiques et comédies caricaturales, à l’image de « tura d ssah terwi » qui retrace les labyrinthes fougueux d’une émigration déroutante.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

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