Quand artistes et éditeurs en payent les frais…

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La France, qui a connu ce phénomène ravageur, a mis en place dès 2009, la loi Hadopi sur la création internet -Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet- qui vise à mettre un terme aux partages de fichiers en pair à pair, lorsqu’ils sont faits en infraction avec les droits d’auteur.

Le phénomène du piratage prend des proportions alarmantes pour devenir, ces dernières années, un véritable sport national, au grand dam des auteurs et des éditeurs qui ne savent plus à quel saint se vouer.

Un phénomène qui risque d’être fatal pour l’industrie du disque en Algérie si les pouvoirs publics, à leur tête l’organisme chargé de la protection des droits d’auteurs, l’ONDA, n’agissent pas afin d’y mettre un terme. Aujourd’hui, on peut acheter tout support audiovisuel piraté à un coût dérisoire, à même le trottoir. Il est, en effet, loin le temps où pour s’offrir le dernier album en cassette de son chanteur préféré il fallait faire des kilomètres et aller en ville pour s’en procurer un exemplaire. C’était le cas jusqu’à la fin des années 90 où l’on comptait des dizaines de disquaires dans chaque ville. Ces derniers poussaient comme des champignons, tellement le métier faisait recette. Malheureusement, ces derniers temps, les vendeurs à la sauvette ont remplacé les professionnels de la cassette. Ces derniers ont fini par mettre la clé sous le paillasson tellement ils n’arrivent plus à supporter cette concurrence déloyale. « J’ai préféré fermer boutique et louer mon local pour une autre activité que de continuer à broyer du noir », nous confie un ancien disquaire, très connu dans la ville des genets. « Il m’arrivait d’écouler jusqu’à 100 cassettes par jour, mais depuis la naissance du phénomène du piratage, je n’arrive même pas à assurer les dépenses de mon magasin», ajoute notre interlocuteur, la mort dans l’âme.

« 100 DA pour 100 chansons de Matoub ! »

Que dire alors des éditeurs et des chanteurs, qui sont les premières victimes de ce fléau. Nombreux sont les mélomanes qui se souviennent certainement du cri d’alarme lancé il y a un peu plus de deux années, par le chanteur kabyle Takfarinas, en direct sur la chaîne BRTV, pour dénoncer l’acte de piraterie dont avait fait objet l’un des titres de son album, alors que le produit n’était pas encore, selon lui, mis en studio d’enregistrement. Une chanson qui se téléchargeait sur Internet, sur un simple clic, au grand dam de l’artiste et de son éditeur. Takfarinas n’est pas la seule victime, car aujourd’hui, tous les artistes connaissent le même sort. Même les morts ne sont pas épargnés. De Slimane Azem à Matoub Lounes, en passant par Cheikh El Hasnaoui, les œuvres des grands artistes kabyles disparus sont devenues, aujourd’hui, des objets qui se vendent loin de toute réglementation, phénomène du piratage oblige. N’importe qui peut se procurer l’ensemble des chansons de Matoub Lounes, sur un support CD, pour le prix dérisoire de 100 DA. Mieux encore, on peut télécharger, dans le cybercafé du coin des centaines de chansons de ses artistes préférés pour la modique somme de 30 DA. « Sincèrement, il faut que l’Etat agisse au plus vite, car au rythme où vont les choses, c’est toute l’industrie musicale et artistique qui disparaîtra dans notre pays. Il ne restera aucun éditeur ni vendeur légal et tout se négociera sous le manteau », confient, à l’unisson, les éditeurs qui se comptent désormais sur les doigts d’une seule main. Selon ces derniers, les supports audio et vidéo contrefaits se vendent, aujourd’hui, en toute impunité sur les trottoirs pour seulement 50 DA, alors que le même support original revient aux éditeurs à 44 DA. « Ce n’est pas normal que le trabendiste du coin vend en toute impunité un produit contrefait à un prix dérisoire, au vu et au su des autorités, alors que nous, en tant qu’éditeurs, on nous oblige à payer plusieurs charges entres les droits, les taxes et les impôts. Où est le rôle de l’ONDA, un organisme censé protéger nos droits. Pourquoi on ne voit pas de contrôleurs au niveau des magasins de vente de produits contrefaits, alors que la loi est claire là dessus ? », s’insurgent les artistes qui ne savent plus à quel saint se vouer, eux qui déboursent des sommes colossales rien que pour enregistrer un CD. « Les mélomanes ne vibreront plus cet été sur le rythme de nouveaux tubes. Nous n’avons ni le cœur ni les moyens pour le faire », ironisait un éditeur, spécialisé dans la chanson Raï et connu sur la place publique oranaise.

Il n’est un secret pour personne que le phénomène du piratage n’est pas propre à notre pays, bien au contraire, ce fléau ne cesse de faire des ravages aux quatre coins du monde, y compris au sein des pays développés. La France, qui a connu ce phénomène ravageur, n’a pas hésité à mettre en place, en 2009, une loi sur la création internet appelée loi Hadopi (Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet). Une loi qui vise à mettre un terme aux partages de fichiers en pair à pair, lorsque ces partages se font en infraction avec les droits d’auteur. Une loi qui devrait certainement inspirer notre pays, surtout avec les règles du droit international concernant les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Ali Chebli.

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